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18 mars 2013

27 mai 1942 Josef Gabcik, Jan Kubis. Ils ont tué Heydrich

milguerres @ 19 h 33 min

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 Chronologie de la Seconde Guerre mondiale

27 mai 1942 Josef Gabcik, Jan Kubis.

Ils ont tué Heydrich

 

27 mai 1942 Josef Gabcik, Jan Kubis. Ils ont tué Heydrich josef-10
L’opération s’appelait « Anthropoïd ». Elle visait l’homme le plus ­puissant du IIIe Reich, le chef des services secrets nazis, planificateur de la « solution finale », nommé par Hitler à la tête de la Bohême-Moravie (la Tchécoslovaquie). Ces deux jeunes parachutistes tchèques ont réussi leur attentat, une mission quasi impossible. En représailles, les nazis ont mené un massacre, tuant et déportant quelque 500 personnes. Soixante-dix ans plus tard, les Tchèques restent marqués par cette histoire. Nos reporters ont enquêté sur place.
Flore Olive – Paris Match 
____Une déflagration retentit dans la crypte, puis le silence : Josef Gabcik n’entend plus que les pas des soldats allemands qui résonnent au-dessus de lui, leurs cris. Depuis ce tombeau où il est caché, une crypte froide et humide, il ne pense qu’à Jan, son ami. Il l’aime comme un frère et il sait que là-haut, ce silence soudain signifie sa mort. Mais sur la galerie qui surplombe la nef, blessé, inconscient, trop faible pour se tuer, Jan Kubis respire encore. Touché par une grenade, il décédera durant son transport à l’hôpital. Josef Gabcik ne vivra pas longtemps non plus. Les Allemands cherchent l’entrée du sous-sol. Sept hommes s’y sont terrés pendant deux semaines. Ils ne sont plus que quatre, trois viennent de mourir, dont Jan. Avec lui, Josef Gabcik a tout partagé : sa gamelle, ses espoirs, ses combats. Ensemble, ils ont sauté, jeunes résistants parachutés sur la Tchécoslovaquie, pour anéantir « la bête blonde », l’incarnation du Mal : Reinhard Heydrich, bras droit de Himmler, instigateur de la « solution finale », surnommé le « bourreau de Prague ». Ensemble, Jan Kubis et Josef Gabcik ont accompli l’un des actes de résistance les plus héroïques de la Seconde Guerre mondiale.

Sur la place Charles de Prague, leurs visages juvéniles s’affichent sur de hauts panneaux en bois, derrière lesquels a été reconstitué à petite échelle un camp d’extermination. A l’intérieur, accrochés aux murs, des photos et des témoignages se suivent. Cette exposition est organisée par l’association Post Bellum. Depuis onze ans, elle recueille « la parole de toutes les victimes des régimes totalitaires, durant la Seconde Guerre ou sous l’Urss », explique Mikulas Kroupa, président de l’association et journaliste. Quand ­Reinhard Heydrich est nommé « protecteur » de Bohême-Moravie, la république tchécoslovaque n’existe plus. Dépecée après les accords de Munich qui ont permis aux Allemands d’annexer sans opposition la région des Sudètes, à l’ouest de la Tchéquie. En exil à Londres, le président tchèque, Edvard Benes, veut peser dans les négociations avec les alliés. Hélas, son pays ne leur offre pas de preuves assez tangibles de sa capacité de résistance à l’occupant.
Les deux hommes représentent la nation tchèque que Heydrich veut détruire

Les Tchécoslovaques doivent accomplir un acte symbolique fort ; avec l’invasion de l’occupant, ils sont 11 000, dont 3 000 volontaires, à rejoindre le front français. Après la débâcle, beaucoup gagnent Londres pour y continuer la guerre. Josef Gabcik et Jan Kubis sont de ceux-là. Tous deux sont décorés de la Croix de guerre pour s’être battus en France. Le premier est aussi extraverti que le second est réservé. Sur les clichés de l’époque, Kubis a l’air rêveur ; Gabcik, espiègle et gouailleur. Ces deux hommes représentent la nation tchèque queHeydrich veut détruire.

Dans la nuit du 28 décembre 1941, ils montent dans la carlingue d’un Halifax britannique. Nom de code de leur mission : « Anthropoïd ». Quelques heures plus tard, les parachutistes se jettent dans le vide, au-dessus de cette terre tchèque où ils sont nés et d’où ils ne repartiront pas. Les deux jeunes gens n’ont pas 30 ans et ils se doutent que leur mission est une mission suicide, ou presque. Ils ont sur eux des capsules de cyanure si les choses devaient mal tourner. « Dans l’Europe asservie aux uniformes noirs vivent encore des gens courageux », écrit Miroslav Ivanov, auteur de l’ouvrage de référence* sur cet épisode. Pendant des mois, des hommes et des femmes vont mettre leurs familles en danger de mort pour protéger près d’une dizaine d’hommes appelés à des missions top secret. Il a fallu les loger, leur fournir de la nourriture, du matériel, des armes, des faux papiers. Parmi elles, à Prague, celle de l’instituteur Zelenka et celle d’Anna Moravec, qui vit avec son époux, Aloïs, et son fils cadet, Ata. L’aîné, Mirek, est pilote en Grande-Bretagne. Des gens simples, héroïques.

Chaque jour, Heydrich fait le trajet, sans escorte, du château de Panenské Brezany jusqu’au siège de la Gestapo, dans le centre de Prague. L’opération aura lieu sur cette route, qui descend du nord de la capitale en serpentant, dans un virage en épingle, à l’angle de la rue de Holesovice, dans le quartier de Liben. Aujourd’hui, on peine à distinguer ce virage sous la bretelle d’autoroute.
Le «bourreau de Prague» est tombé. Commencent les représailles et la terreur

Deux autres hommes sont informés de ce plan : le lieutenant Adolf Opalka et le sergent Josef Valcik. Ce grand blond aux yeux cristallins fera office de guetteur. Il doit, grâce aux reflets du soleil dans un miroir, alerter ses camarades de l’approche de la voiture. Le mercredi 27 mai 1942, à 10 h 32 du matin, la lumière donne le signal : la Mercedes noire descend la colline et ralentit pour amorcer le virage. Heydrichse tient à l’avant, à côté de son chauffeur, Michel Klein. Il fait doux, la voiture est décapotée. Gabcik s’élance, se poste face au véhicule et pointe sa mitraillette sur le SS. Il tire ; rien ne se passe. La Stern s’est enrayée ! Heydrich se lève, porte la main à sa ceinture pour attraper son revolver. Kubis lance une petite bombe qui touche la voiture à l’arrière. Heydrich tombe. Les paras prennent la fuite. A l’hôpital de Prague, Heydrich est opéré par un chirurgien dépêché de Berlin. Sa plaie est infectée. Le « bourreau de Prague » décède d’une septicémie une semaine plus tard, le 4 juin 1942. Mission accomplie.

Les représailles commencent et, avec elles, la terreur. Dans la nuit qui suit l’attentat, 36 000 appartements de la capitale sont visités par la Gestapo. Chaque jour, on affiche sur les murs les listes des noms de ceux qui ont été arrêtés, puis exécutés. Le 10 juin, le village de Lidice, soupçonné d’avoir abrité les parachutistes, est encerclé par les hommes de la Schutzpolizei, une unité originaire de la ville natale deHeydrich. Les 173 hommes du village sont exécutés. Les femmes et les enfants sont envoyés au camp de Mauthausen. Toutes les maisons sont rasées. Huit enfants « aptes à la germanisation » seront épargnés et adoptés par des familles SS. « A ce moment-là, Gabcik et Kubis ont songé à aller se dénoncer avant de se suicider, explique Marek Jindrich, conservateur du musée d’Histoire militaire de Prague. Mais Opalka, le plus expérimenté, leur a rappelé leur devoir de soldat. »

Kvetoslava Neradova, 79 ans aujourd’hui, entend encore « la musique militaire diffusée dans les rues le jour de l’hommage à Heydrich ». Ex-professeur de littérature à l’université, elle vit avec son époux, un ancien médecin, dans un petit apparte­ment du nord de la ville. Kvetoslava a le corps meurtri mais la mémoire et les yeux vifs. A l’époque, elle a 9 ans et vit à la morgue de Prague où son père assiste les médecins légistes. La famille y bénéficie d’un logement de fonction. Depuis peu, presque tous les employés tchèques ont été remplacés par des Allemands. Mais la cohabitation se passe bien. « C’était un lieu de paix », dit-elle. Malgré la mort et les centaines de cadavres. Son père trafique les fichiers : il fait sortir clandestinement certaines dépouilles pour qu’elles soient enterrées par leurs familles au lieu d’aller à la fosse commune. Il cache un ami juif qu’il fait passer pour son cousin et, dans le sous-sol du bâtiment, élève des poules, quatre porcs, des chèvres et un mouton. Personne ne le dénoncera. « Beaucoup de Tchèques comme mon père pratiquaient une résistance passive, ajoute-t-elle. Il savait où étaient les deux parachutistes. La nuit où les Allemands les ont trouvés, une entreprise de pompes funèbres devait les sortir de leur cachette dans un corbillard pour les faire quitter Prague. Mais l’opération a pris du retard : quand le corbillard est arrivé, le quartier était déjà encerclé. » Les SS ont bloqué la rue Resslova où se trouve l’église Saints-Cyrille-et-Méthode. Nous sommes le 18 juin 1942.
10 millions de couronnes pour une trahison qui coûtera la vie à plus de 3 000 personnes

Deux jours plus tôt, un homme, Karel Curda, a pris le train en Moravie du Sud, où il était avec sa famille, pour rejoindre Prague. Cet homme aussi est un parachutiste, largué au-dessus du pays le 26 mars 1942, quelques mois plus tôt. Il connaît le réseau d’hébergement de ses camarades dont il a profité. Et se rend à la Gestapo pour sauver sa peau. Laurent Binet l’écrit dans « HHhH », roman inspiré de cette épopée. «Parmi les quelques dizaines de parachutistes sélectionnés pour être envoyés en mission dans le protectorat, la quasi-totalité s’était déclarée motivée par un sentiment patriotique. Deux seulement, dont Curda, avaient déclaré s’être portés volontaires par goût de l’aventure, et ces deux-là ont trahi. » Sa trahison rapportera à Curda 10 millions de couronnes. Elle coûtera directement la vie à 252 personnes et mènera la Gestapo à plus de 3 000 autres. Parmi elles, la famille de l’instituteur Zelenka, qui se suicide avec une capsule de cyanure. Sa voisine Anna Moravec met fin à ses jours de la même manière, devant son mari et son fils Ata. Ce jeune homme de 18 ans à peine révèle, avant de mourir sous la torture, où se cachent les parachutistes : terrés comme des rats dans la crypte de l’église Saints-Cyrille-et-Méthode, ils dorment dans les cavités où l’on enterrait les religieux à la fin du XVIIIe siècle. Cachés par le prêtre Vladimir Petrek qui avait proposé son aide à Zelenka. Lui et sa hiérarchie seront exécutés.

Dans ce sous-sol glacial, obscur, resté en l’état, on imagine ces sept jeunes espions traqués. Cette nuit-là, la petite ­Kvetoslava Neradova est réveillée par les coups de feu, à 4 h 20 du matin. Les Allemands viennent d’entrer dans l’église. Sur la galerie qui surplombe la nef, le lieutenant Opalka, Jan Kubis et Josef Bublik tiennent près de trois heures, ripostant aux tirs avec les munitions dont ils disposent pour les tenir à distance. Dans la crypte, Josef Gabcik, Josef Valcik, Jan Hruby et Jaroslav Svarc tentent de creuser un tunnel. Les Allemands font sauter la dalle de marbre sous laquelle se trouve l’escalier d’accès au sous-sol. Les parachutistes abattent un à un les hommes qui s’y engagent. Alors, par un soupirail donnant sur la rue, les SS introduisent un long tuyau d’où sortent des trombes d’eau. Ils veulent les forcer à sortir. Ordre a été donné de les capturer vivants. Sous les cris, près du corps d’Opalka posé sur le trottoir, dans le tumulte de la foule, des bruits de bottes et de l’eau qui jaillit, soudain, quatre coups de feu presque simultanés : les quatre hommes se sont donné la mort. Avec leur dernière balle. « Pendant huit heures, écrit Miroslav Ivanov, sept hommes résistèrent jusqu’à leur dernier souffle à quelque 800 Allemands. La mort a uni ces parachutistes sur le trottoir devant l’église Saints-Cyrille-et-Méthode, elle a aussi uni pour toujours leurs collaborateurs, Mme Moravec, Zelenka et des dizaines d’autres. […] Tous avaient leurs devoirs, leurs amours, leurs rêves, leur vie… »

A la morgue, une semaine plus tard, la petite Kvetoslava pousse la porte de l’une des pièces donnant sur le couloir où elle joue : « Jamais je n’oublierai ce que j’ai vu », dit-elle. Sur une table, dans deux bocaux, reposent les têtes décapitées de Jan Kubis et Josef Gabcik ! Elle resteront là « jusqu’en avril 1945, explique Kvetoslava, puis elles disparaîtront ». Ensemble. Pour Kvetoslava, devenue une vieille dame, ces hommes sont restés « des héros, le symbole de la liberté ». Mais pendant cinquante ans, le régime communiste les a considérés comme les responsables égoïstes du massacre de milliers d’innocents. Leurs noms sont effacés des livres d’histoire pour ne réapparaître qu’à la « révolution de velours » en 1989. « Les communistes tchèques étaient les plus fidèles à Moscou, explique Marek Jindrich. Dans les années 50, la plupart des responsables tchèques de la Résistance ont été tués. Pour Moscou, ces gens avaient été à la solde de Londres, donc contre eux : tout ce qui venait de l’Ouest était mauvais, c’est une théorie très simple, une période absurde. »

Après la guerre, le général Moravec, commandant des services secrets tchèques, justifiera l’opération « Anthropoïd » en ces termes : « Dans une société régie par des lois normales, un assassinat ne peut en aucun cas se justifier moralement. Mais quand une nation est réduite à l’esclavage par des assassins et des fanatiques, un attentat peut constituer le seul remède au mal. Dans ce sens, l’assassinat de ReinhardHeydrich était parfaitement justifié. »

* « L’attentat contre Heydrich », éd. Robert Laffont
source : http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/27-mai-1942-Josef-Gabcik-Jan-Kubis.-Ils-ont-tue-Heydrich-407690/

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