Carnets, journaux, récits de guerre
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Carnets, journaux, récits de guerre
« Les carnets de guerre de louis Barthas , tonnelier,1914-1918″
Ce jour, 5 juin, fut un des plus sanglants de cette stérile bataille d’Artois.
Le communiqué français du lendemain affirmait que notre artillerie avait lancé cinq cent mille projectiles et, j’en appelle à ceux qui se trouvaient dans cet enfer, l’artillerie allemande nous en envoya bien autant.
Un million de coups de canon dans vingt-quatre heures! et sur une surface de quelques kilomètres carrés seulement.
Sur ce chiffre fantastique d’obus lancés de tout calibre, cinquante, cent mille peut-être tombèrent dans le bois où nous nous trouvions.
Sans arrêt des éclats sifflaient dans les airs avec des miaulements bizarre, aigus, plaintifs, bourdonnant, s’abattant parfois en pluie de fer. Nous restâmes toute cette journée étouffante de juin blottis les uns contre les autres, hébétés, l’esprit engourdi, le cerveau serré par une extrême tension nerveuse ; de temps en temps, d’un abri à l’autre nous nous appelions, nous demandant réciproquement si personne n’était blessé. C’est vraiment un miracle qu’au milieu de cette avalanche de ferraille aucun de nous n’ait eu une égratignure.
Si sceptique que l’on soit, on est obligé de se demander si en certaines circonstances on n’est pas protégé par des forces mystérieuses, surnaturelles, qui veillent sur nous.
Edition La découverte
http://tnhistoiredocuments.tableau-noir.net/pages/les_carnets_de_guerre.html
Extrait d’un journal de guerre d’un soldat en 1914
« A 7 heures, la relève arrive ! Mais en sortant des tranchées, nous sommes fusillés comme des lapins. Notre camarade Fersit est tué raide. Revenons en arrière. Toute la journée, ça tire et à la tombée de la nuit surtout où l’ennemi nous reprend sa tranchée. Canons, mitrailleuses, charges à la baïonnette, rien ne manque et nous perdons environ une compagnie. Cinq des copains ont été faits prisonniers. A la nuit, tout cesse et on entend au loin les plaintes des blessés impossibles à secourir […]. »
Journal de guerre, 4 décembre 1914, front des Vosges.
http://tnhistoiredocuments.tableau-noir.net/pages/extrait_d_un_journal_de_guerre.html
Le baptême du feu
« Soudain les sifflements stridents nous précipitent face contre terre, épouvantés. La rafale vient d’éclater au-dessus de nous. Les hommes à genoux, recroquevillés, le sac sur la tête, se soudent les uns contre les autres.
La tête sous le sac, je jette un coup d’œil sur mes voisins : haletants, secoués de tremblements nerveux, la bouche contractée par un affreux rictus, tous claquent des dents. Cette attente de la mort est terrible. Le caporal, qui a perdu son képi me dit :
« Ah ! ben, vieux, si j’avais pensé que c’était ça la guerre, si ça doit être tous les jours comme ça, j’aime mieux être tué tout de suite… »
Notre premier contact avec la guerre a été une surprise rude. Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. »
Galtier-Boissière, cité par Marc Ferro, « La Grande Guerre », NRF.
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Ils lisent au grand cœur les exploits de nos héros, la joie de mourir, l’ivresse exquise du corps à corps.
Les innombrables bienfaits de la guerre régénératrice, leur bourrage de crâne apparaît insensé à ceux qui savent.
Leurs lecteurs sont-ils des nouveaux-nés légèrement arrièrés où des vieillards débiles ?
La guerre n’est point telle qu’on la voie sur les couvertures des revues et les affiches de cinéma.
J’ai vu brûler Verdun, J’ai vu les batailles sanglantes, horribles, les blessés qui râlaient, des morts sur lesquels on marchait. J’ai vu des souffrances sans nom , des hommes jour et nuit sous le soleil et sous la pluie, J’ai vu partout la désolation, la ruine, la boue, le sang des copains souffrir de tout, fatigue, faim, soif, blessure.
Vous trouvez ça beau vous ?
Verdun c’est l’enfer.
Çà ne se raconte pas. Ca se vit.
On aura tout vu, c’est l’antre béant où le rat mort, ces visages livides, et ces corps gelés. Sur les cadavres, la vermine, une odeur épouvantable que nous ne connaissions pas.
Toutes ces horreurs sans nom qui nous environnent ne sont rien à côté de celles qui se préparent.
Quelle atmosphère d’affolement, d’inouï et de jamais vu.
Où sommes nous?
Paul Meunier. Verdun
L’enfer de Verdun (1916)
Voici ce que raconte le capitaine d’infanterie Charles Delvert qui défendit Verdun en juin 1916:
1er juin. L’aspect de la tranchée est atroce. Partout les pierres sont ponctuées de gouttelettes rouges. Par places, des mares de sang. Dans le boyau, des cadavres raidis couverts d’une toile de tente. Une plaie s’ouvre dans la cuisse de l’un deux. La chair, déjà en putréfaction sous le grand soleil, s’est boursouflée hors de l’étoffe et un essaim de grosses mouches bleues s’y presse.
A droite, à gauche, le sol est jonché de débris sans nom. Boîtes à conserve vides, sacs éventrés, casques troués, fusils brisés, éclaboussés de sang. Une odeur insupportable empeste l’air. Pour comble, les Boches nous envoient quelques obus lacrymogènes qui achèvent de rendre l’air irrespirable. Et les lourds coups de marteau des obus ne cessent de frapper autour de nous.
Samedi 3 juin. Il y a près de soixante-douze heures que je n’ai pas dormi. Les Boches attaquent de nouveau au petit jour (2 h 30). Nouvelle distribution de grenades. Hier, on m’en a vidé vingt caisses, il faudra être plus modéré.
Du calme, les enfants ! Laissez-les bien sortir ! On a besoin d’économiser la marchandise. A vingt-cinq pas ! Tapez-leur dans la g… ! A mon commandement. Feu!
Et allez donc !
Un craquement d’explosions. Bien ensemble, bravo ! Une fumée noire s’élève. On voit les groupes boches tournoyer, s’abattre. Un, deux se lèvent sur les genoux et s’esquivent en rampant. Un autre se laisse rouler dans la tranchée, tant il est pressé.
Quelques-uns progressent cependant vers nous, pendant que leurs camarades restés dans la tranchée et leurs mitrailleurs nous criblent de balles. En rampant, un Boche arrive même jusqu’à mon réseau. On lui envoie une grenade en pleine tête.
A 3 h 30 ils en ont assez et rentrent dans leur trou.
« Mardi 29 février 1916.
L’attaque allemande de Verdun a continué, formidable. C’est la grande offensive tant annoncée (…). Le carnage est immense. La débauche des projectiles d’artillerie est incroyable : 80 000 obus en quelques heures, sur un espace de 1 000 mètres de long et 3 à 400 mètres de profondeur. Trois millions d’obus en quelques jours. On se demande comment des êtres vivants arrivent à se maintenir et à combattre dans pareil enfer (…).
Vendredi 21 août.
Près d’un million d’hommes sont tombés là, sur ce front minime. Des centaines de milliers de tonnes d’acier et d’explosifs ont été déversées sur ce sol. Le résultat est nul (…). »
Le journal de guerre du docteur Marcel Poisot.
Sous-lieutenant Guy Hallé, Là-bas avec ceux qui souffrent, Paris, Garnier, 1917.
L’attaque anglaise a commencé [le 12 septembre]… A l’aube, j’ai jeté un coup d’œil à la ronde . Quel spectacle effarant ! Plus trace de tranchée ; rien que des trous d’obus, aussi loin que porte le regard – des trous comblés à leur tour par de nouvelles explosions, réexplosés puis recomblés… Les blessés allongés gémissent, impuissants. La réserve d’eau s’épuise… Le feu augmente pour atteindre une intensité tellement ahurissante qu’on ne distingue plus une détonation de la suivante. Nos bouches et nos oreilles sont emplies de terre. Trois fois enterrés et trois fois déterrés, nous attendons. Nous attendons la nuit, ou l’ennemi ! Et la danse macabre des obus qui explosent devient encore plus folle – on ne voit rien, sauf de la fumée, du feu, des jaillissements de terre…
Soudain, le barrage se lève… et là, juste devant, nous distinguons la première vague de l’ennemi , …. Enfin la délivrance! Tous ceux qui ne sont pas blessés, qui sont encore capables de lever un bras, se lèvent et nos bombes, comme une averse de grêlons, pleuvent sur l’ennemi qui nous attaque. La première vague gît face contre terre devant nos trous, mais déjà la deuxième est sur nous. Derrière, d’autres Anglais arrivent en rangs serrés. Tous ceux qui parviennent jusqu’à nos lignes sont éliminés au terme d’un combat singulier à la baïonnette. Mais nos bombes volent avec une puissance redoublée vers les rangs ennemis. Elles y accomplissent leur œuvre terrible et les colonnes anglaises qui nous attaquent tombent comme les épis de maïs mûrs sous la faux. Quelques-uns, rares, s’échappent et fuient à toutes jambes par les boyaux. Nous tombons, hébétés, sur la terre torturée et soignons les blessés du mieux que nous le pouvons, en attendant la seconde attaque, ou la nuit… J’allume une cigarette et m’efforce de penser – de penser à nos morts et à nos blessés, aux souffrances de l’humanité ;de projeter mes pensées vers chez moi. Mais foin de ces pensées ! Le présent revendique ses droits – il exige un homme, non un rêveur… Les renforts arrivent, tout est nettoyé, les morts sont enterrés et une nouvelle journée commence, plus horrible encore que la précédente. Telle est la bataille de la Somme – combat sanglant de l’Allemagne pour la victoire. Cette semaine, nous avons atteint les limites ultimes de l’ endurance humaine – ce fut l’enfer !
« Ce n’est plus une guerre, c’est un massacre complet.
Je te dirai qu’en ce moment tous les combattants en ont marre de l’existence.
Il y en a beaucoup qui désertent. »
Cité par Guy Pedroncini, Les mutineries de l’armée française, 1968.
« L’armistice est signé. Les canons et les cloches l’ont annoncé hier matin à toute la France. Le carnage finit par l’éclatante victoire de nos armes et par la défaite de ceux qui l’avaient prémédité, organisé, voulu. Les morts vengés par la victoire, voilà ce qui est digne d’être appelé la justice. Les morts sont vengés, les crimes seront châtiés durement ! Quant à l’Allemagne vaincue, les rapports que le monde civilisé entretiendra désormais avec elle dépendront de la façon dont elle saura accepter la défaite et le châtiment, régler ses comptes, expier. »
D’après Alfred Capus, Le Figaro, 12 novembre 1918.
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