Conférence de Bretton Woods
retour à la Seconde Guerre Mondiale
Chronologie de la Seconde Guerre mondiale
Conférence de Bretton Woods
1 juillet 1944
Du 1er au 22 juillet se tient la conférence monétaire internationale de Bretton Woodsdans le New Hampshire, aux Etats-Unis. La France, représentée par Pierre Mendès France, fait partie des 44 pays participants. Tous sont en guerre contre les puissance de l’Axe, l’Allemagne, l’Italie et le Japon. A l’issue de la rencontre, deux institutions internationalesseront créées : le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque internationale pour lareconstruction et le développement (BIRD) ou Banque mondiale. Elles ont pour objectif d’assurer la reconstruction et le développement économiques du monde après la guerre. De plus, avec l’adoption du système du « Gold Exchange Standard » (l’étalon de change-or), ledollar est instauré comme monnaie de référence et sa valeur est définie sur celle de l’or.
Des transcriptions inédites de Bretton Woods retrouvées
Les textes ont été découverts par hasard dans un ministère américain. Tombées dans l’oubli, des transcriptions inédites de la conférence de Bretton Woods lèvent totalement le voile sur la difficile naissance en 1944, du FMI et de la Banque mondiale, piliers de l’architecture économique et financière mondiale de l’après-guerre.
« J’étais venu chercher un ouvrage dans la bibliothèque du Trésor et j’ai vu qu’il y avait un rayon ‘documents non-référencés’. J’ai simplement voulu savoir ce qu’il y avait dedans », explique Kurt Schuler, un économiste du ministère. Ce passionné d’histoire met alors la main sur de volumineux tomes noirs datés du 1er au 22 juillet 1944 et renvoyant à la « Conférence monétaire et financière des Nations unies », plus connue sous le nom de Bretton Woods, ville du New Hampshire(nord-est des Etats-Unis) qui accueillait le sommet.
Compulsant ces centaines de pages poussiéreuses, M. Schuler découvre les échanges, parfois tendus, entre délégués de 44 nations venus poser les fondations du système financier international à l’initiative de la Grande-Bretagne et de son représentant, l’économiste John Maynard Keynes. « Quand j’ai compris que cela n’avait jamais été publié, j’ai su que c’était potentiellement important », ajoute-t-il.

Deux ans après cette découverte, « Les transcriptions de Bretton Woods » viennent d’être rassemblées dans un ouvrage numérique publié aux Etats-Unis et constituent un « précieux trésor », témoigne en préface l’ancien directeur général du FMI, le Français Jacques de Larosière. « Même s’il y a eu des milliers de pages écrites sur Bretton Woods, rien ne vaut une transcription directe », souligne-t-il.
DES DÉBATS TOUJOURS D’ACTUALITÉ
Principal enseignement de ces archives déterrées : les débats les plus vifs à l’époque ne sont pas très éloignés de ceux qui animent aujourd’hui le FMI. Contestant une proposition américaine, plusieurs pays s’opposent alors aux « quote-parts » qui leur sont attribuées et qui détermineront leurs droits de vote au sein de l’institution.
« En dépit du discours très éloquent et émouvant du délégué des Etats-Unis, [...] je tiens à dire que les quotes-parts proposées pour mon pays sont inacceptables », s’écrie le représentant iranien. Le délégué chinois campe sur la même ligne, mais tient à dire qu’il « hésite grandement à exprimer une note de discorde à cette conférence ».
Même les grandes puissances donnent de la voix. « C’est avec grande déception que nous avons noté que les quotes-parts que vous avez établies ne répondent pas à nos attentes », soutient Pierre Mendès France au nom du « Gouvernement provisoire de la République française ». Selon lui, la France ne se voit pas reconnaître l’influence qu’elle « va probablement » exercer après la guerre.
« Ce document est d’une grande valeur historique », commente de son côté Eric Rauchway, historien à l’université UC Davis en Californie (ouest). « Nous savions déjà [...] que des discussions avaient eu lieu dans les chambres d’hôtels, les couloirs et les bars, mais on voit ici que les négociations ont également éclaté en pleine session », dit-il.
A Bretton Woods comme aujourd’hui, les pays émergents cherchent également à se faire une place de choix au sein du conseil d’administration du FMI, le principal organe de décision. « Nous pensons que les pays du Moyen-Orient devraientobtenir un siège en tant qu’entité économique unique. Il va sans dire que les petits pays ont besoin d’être bien représentés », assure le représentant de l’Egypte. Son vœu ne sera toutefois pas exaucé.
Au-delà des différends, ces minutes donnent aussi à voir un embryon de communauté internationale, deux ans avant la naissance de l’ONU. « Cela témoigne d’uune approche de la coopération économique totalement différente de celle qui prévalait avant la guerre », estime M. Schuler, qui espère faire traduire son ouvrage en français.
Depuis le début de la crise financière, en 2007-2008, les références à un « nouveau » Bretton Woods ou à un « retour » à Bretton Woods font partie intégrante de la rhétorique des économistes et dirigeants à travers le monde.
Bretton Woods, conférence mythique
Ce fut l’une des propositions formulées par Nicolas Sarkozy dans son discours prononcé à Toulon le 25 septembre : « Il faut remettre à plat tout le système financier et monétaire mondial, comme on le fit à Bretton Woods après la seconde guerre mondiale. » Le 31 août, lors de l’université d’été du Parti socialiste, François Hollande plaidait lui aussi pour un « nouveau Bretton Woods« .
Depuis quelques semaines, l’idée dépasse donc les clivages politiques. Y compris parmi les experts. « Un nouveau Bretton Woods est indispensable », affirmaient ainsi, au milieu de l’été, les économistes Jacques Cossart, Jean-Marie Harribey etDominique Plihon, tous trois membres du conseil scientifique d’Attac (Le Mondedu 17 août). Un diagnostic partagé par d’autres. A l’instar de Christian de Boissieuet Jean-Hervé Lorenzi, respectivement président du Conseil d’analyse économique et du Cercle des économistes, appelant pas plus tard que cette semaine à la « convocation rapide d’un Bretton Woods financier« (Le Monde du 8 octobre)…
Le projet, à vrai dire, ne doit pas étonner. Il revient sur le tapis à chaque grande crise monétaire. Trois mois après le krach d’octobre 1987, Edouard Balladur, alors ministre de l’économie et des finances, déplorait déjà l’« effondrement du système de Bretton Woods ». Et quand son lointain successeur à Bercy, Dominique Strauss-Kahn, formule en 1998 une liste de propositions destinées à « faire face à l’instabilité financière internationale », il choisit pour titre au mémorandum qu’il soumet à ses partenaires européens : « Construire un nouveau Bretton Woods »…
Bretton Woods… Que s’est-il donc passé de si extraordinaire dans cette paisible bourgade du New Hampshire, située à 200 km au nord de Boston, pour que la conférence qui s’y déroula du 1er au 22 juillet 1944 ait à ce point marqué les esprits ? Comment expliquer que, plus de soixante ans plus tard, économistes et hommes politiques continuent de citer pieusement le nom d’une petite ville qui n’aurait pu rester célèbre que pour la qualité de son domaine skiable ?
Si Bretton Woods est resté dans les mémoires, c’est en fait parce que c’est là, et plus précisément dans la luxueuse enceinte du Mount Washington Hotel, que furent jetées les bases du système monétaire de la seconde moitié du XXe siècle. Rien, pourtant, ne laissait présager que les institutions alors créées – le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) – existeraient encore aujourd’hui.
Car l’avenir, vu de Bretton Woods, paraît incertain. Quand s’ouvre la conférence, en effet le monde est encore en pleine guerre. Certes, la victoire des Alliés, qui ont débarqué en Normandie trois semaines plus tôt, ne fait plus guère de doute. Mais nul ne sait quand l’Allemagne et le Japon capituleront. Bien qu’affaiblies, les forces de l’Axe restent menaçantes. Les Européens présents à Bretton Woods en ont pris la mesure en traversant l’Atlantique à bord du Queen Mary, où interdiction leur a été faite de quitter leurs gilets de sauvetage…
Dans quel état d’esprit sont-ils, ce 1er juillet 1944, les 735 délégués des 44 gouvernements invités par le président américain Franklin D. Roosevelt ? A vraidire, aucun d’eux ne peut dire s’ils parviendront à se quitter rapidement sur un accord. Ils savent, en revanche, que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise. Tous souhaitent éviter les erreurs commises dans les années 1920 et 1930. Tous sont ainsi convaincus que les changes flottants et les multiples dévaluations monétaires qui ont marqué cette période, ont contribué à précipiter le monde dans la crise économique puis dans la guerre. Et tous gardent en tête, comme un contre-modèle, la piteuse conférence de Londres de 1933, lors de laquelle les grandes puissances ont été incapables de s’entendre pour restaurer la stabilité monétaire ébranlée par la première guerre mondiale.
735 délégués, donc. Parmi eux, Pierre Mendès France représente le gouvernement provisoire du général de Gaulle, dont il est le commissaire aux finances. Mendès reviendra épuisé de Bretton Woods. Il gardera le souvenir de négociations difficiles, largement dominées par deux fortes personnalités : Harry Dexter White, le sous-secrétaire américain au Trésor, et l’économiste John Maynard Keynes qui, malgré des problèmes cardiaques l’obligeant parfois à quitterle devant de la scène (il mourra vingt mois plus tard à l’âge de 62 ans), mène avec virtuosité les pourparlers au nom des Britanniques. White et Keynes se connaissent très bien. Voilà déjà deux ans qu’ils réfléchissent ensemble à l’avenirdu système monétaire international.
Anglais et Américains, certes, ne sont pas d’accord sur tout, notamment sur le projet de Keynes de créer une monnaie internationale, le « bancor », convertible dans les différentes monnaies nationales… Mais ils ont mis de côté la plupart de leurs divergences lors d’un sommet restreint organisé à Atlantic City, dans le New Jersey, quelques jours avant de faire route pour le New Hampshire. De sorte qu’ils arrivent en position de force à Bretton Woods, où les accords signés le 22 juillet correspondent dans les grandes lignes à leurs projets. Ceux-ci sont au nombre de trois.
Le premier concerne l’obligation pour chaque Etat de définir la valeur de sa monnaie par rapport à l’or ou au dollar, seule la monnaie américaine étant désormais convertible en or (une once d’or fin correspondant à 35 dollars). Une sorte de retour au vieux système de l’étalon-or, à cela près que le dollar a dorénavant détrôné la livre-sterling comme monnaie de référence. Hantés par lesouvenir des changes flottants des années 1930, les négociateurs instaurent ainsi un régime de parités quasi fixes entre les monnaies, l’écart entre leur valeur « plancher » et leur valeur « plafond » ne pouvant dépasser 2 %.
Sans la création d’institutions durables, cependant, les délégués présents à Bretton Woods savent que ces principes ne peuvent être garantis à long terme. Deux organismes sont donc créés. L’un, le FMI, doit permettre aux pays à cours de devises de s’en procurer. Autrement dit, leur donner la possibilité, en cas de déficit momentané de leur balance des paiements, d’obtenir une sorte de crédit afin d’éviter le recours aux dévaluations. De son côté, la BIRD, plus connue sous le nom de Banque mondiale, a pour but de favoriser le développement économique en accordant aux Etats des prêts à long terme et à faible taux afin definancer des projets précis.
Plus encore que leurs objectifs, ce sont les modalités de fonctionnement du FMI et de la BIRD qui font l’objet, à Bretton Woods, des discussions les plus serrées. Chaque pays, en effet, se préoccupe avant tout de fixer sa « quote-part », autrement dit la somme qu’il doit fournir aux deux institutions, laquelle détermine en retour le montant de l’aide qu’il peut réclamer. Un enjeu politique autant qu’économique. Pierre Mendès France, par exemple, négociera d’arrache-pied pour que la quote-part française soit la plus élevée possible. La souveraineté nationale est à ce prix au moment où le général de Gaulle lutte pour le maintien du franc, au grand dam des Américains et de leurs « billets Amgot » (du nom du gouvernement militaire qu’ils envisagent alors d’établir dans l’Europe libérée).
Le paradoxe de « Bretton Woods » est que les institutions créées à l’époque auront finalement survécu aux principes qu’elles étaient censées garantir. A partir de la fin des années 1950, en effet, le déficit de la balance des paiements américaine se creuse et les réserves en or des Etats-Unis diminuent. Le 15 août 1971, le président Richard Nixon annonce la suspension de la convertibilité du dollar en or. Le dollar est dévalué et le régime des parités fixes devient définitivement caduc. Ce que finissent par reconnaître officiellement les accords de la Jamaïque, en 1976.
Si le retour aux changes flottants scelle, dès le début des années 1970, l’échec du système de Bretton Woods, l’esprit de Bretton Woods, lui, survit. Dans la croyance en la capacité des hommes à surmonter les pires crises monétaires pour peu que les Etats acceptent de se concerter. Une forme de confiance résumée par Keynes dans le discours de clôture qu’il prononça le 22 juillet 1944 :« Si nous continuons notre tâche, le cauchemar se terminera et la fraternité sera davantage qu’un mot.«
Thomas Wieder
Le détail des mesures
Le contexte. La conférence de Bretton Woods (New Hampshire) s’est tenue du 1er au 22 juillet 1944. Y ont pris part 44 gouvernements engagés dans la guerre contre l’Allemagne et le Japon, soit 735 délégués, dont l’Américain Harry Dexter White, le Britannique John Maynard Keynes (Royaume-Uni) et le Français Pierre Mendès France.
Deux organismes ont été créés.
- Le Fonds monétaire international (FMI), qui compte 185 pays membres. Quatre Français ont dirigé le FMI depuis sa création : Pierre-Paul Schweitzer (1963-1973), Jacques de Larosière (1978-1987), Michel Camdessus (1987-2000) et Dominique Strauss-Kahn (depuis 2007). Son siège se trouve à Washington.
- La Banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD), également appelée Banque mondiale, est présidée depuis 2007 par l’Américain Robert Zoellick. Elle siège à Washington.
Sources
http://www.linternaute.com/histoire/jour/evenement/1/7/1/a/47707/conference_de_bretton_woods.shtml
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