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23 novembre 2012

L’affaire de LAGARDE et du 15e Corps d’Armée

milguerres @ 23 h 16 min

 

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 La Bataille d'Ypres fleche-boule7retour à Les opérations 1ère et 2ème Armée française

L’affaire de LAGARDE et du 15e Corps d’Armée

 La Bataille d'Ypres fleche-boule7source récit : http://www.chtimiste.com/

 La Bataille d'Ypres fleche-boule7source photos et récit   : http://www.provence14-18.org/lagarde/

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Voilà ce que Jannine GER…m’écrit en décembre 2003 :

source récit : http://www.chtimiste.com/

« J’ai un oncle qui est décédé le 11 août 1914 au cours de la bataille de Lagarde en Moselle. Il était du 40ème Régiment d’Infanterie. Sa famille n’a été prévenue de son décès qu’en 1920 et son nom ne figure même pas sur le monument aux morts du lieu où il habitait.
Lors d’un passage en Lorraine, je suis allée à Lagarde où j’ai bien retrouvé sa tombe dans le cimetière français.
Pour essayer d’en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé ce jour-là, je me suis rendue à la mairie qui possède un classeur où l’ancien secrétaire et instituteur du village, qui venait de décéder, s’était penché sur cette bataille passée sous silence qui ne figure ni dans les livres d’histoire ni aux archives départementales de la Moselle.

Il a regroupé ses recherches dans un classeur qui se trouve donc à la mairie. »

Tout ce travail de recherches a été fait par l’ancien secrétaire de la mairie de Lagarde (actuellement décédé) afin que cette horrible bataille ne soit pas oubliée.

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Dans la tourmente de la guerre

Lorsqu’ éclate la guerre le 3 août 1914, le grand principe de l’état-major français est  « offensive à outrance ». Il a du reste été entendu avec nos alliés russes qui entreront dans le conflit le 6 août, que nous attaquerions aussitôt que possible sur nos frontières de l’Est.       

Selon le « plan XVII » adopté par Joffre en 1913, cinq armées s’échelonneront de Montbéliard aux Ardennes belges. Les généraux Dubail, Castelnau, Ruffey, Langle de Cary et Lanrezac en assureront le commandement.

Dès le 5 août, les forces de cavalerie du Général Sordet franchissent la frontière en direction d’Arlon et Bastogne.

Le 6 août l’Allemagne publie ce rapport officiel laconique : Briey est occupé par les troupes allemandes. Pour la premières fois la garde des frontières allemande étendait ses opérations en territoire français.

Le 8 août, un autre corps de troupes français sous les ordres du général Bonneau fonce sur la trouée de Belfort et arrive triomphalement à Mulhouse.

Ce ne sont là de part et d’autre de la frontière franco-allemande que des succès éphémères, consécutifs à des opérations de reconnaissance. Quelques jours plus tard les généraux Pau, Dubail et Castelnau lancent des attaques sur Sarrebourg et Morhange. Ces offensives se brisent sur l’artillerie ennemie. Le général Pau se replie sur les Vosges. Dubail et Castelnau sont obligés de décrocher et leur repli s’effectue au prix d’énormes pertes infligées par les troupes du  Kronprinz de Bavière.

C’est dans le contexte de cette « BATAILLE DES FRONTIERES », que se dérouleront, en prélude à la Bataille de MORHANGE et de  SARREBOURG qui du 18 au 20 août fera plus de 10.000 victimes de chaque côté, les sanglants combats de LAGARDE, le 11 AOUT 1914.

 

LA  BATAILLE  DE  LAGARDE

11   AOUT 1914


Au cours des quelques jours qui ont suivi le déclenchement de l’impitoyable bataille de LAGARDE, le décrochage dela IIème armée française commandée par le général Edouard de Curières de Castelnau, entraîne le repli de la Ière armée sur l’ensemble du front.

Sous les coups des Bavarois qui ont réuni les moyens d’une solide offensive, certaines unités se débandent. Au cœur des combats, des sanctions sont prises, des colonels sont relevés de leur commandement.

On tente d’arrêter les fuyards afin d’organiser de nouvelles positions de défense.

Une contre-attaque lancée par le général BLAZER fait avorter l’offensive allemande.

 

L’affaire de LAGARDE et du 15e Corps d’Armée lagarde-carte-francais

source photo :http://www.provence14-18.org/lagarde/

La première attaque française

La IIème Armée, en position autour de Nancy, reçoit l’ordre de lancer une contre-offensive afin de reconquérir le terrain perdu au cours des jours précédents. Pour se lancer à l’assaut des troupes ennemies, le général de Curières de Castelnau dispose du XXème Corps commandé par Foch et de la Division de cavalerie de Lunéville comme troupes de couverture.

Afin de conduire cette attaque dans de bonnes conditions, le haut commandement reçoit le renfort de plusieurs corps d’armée du Midi : le XVème de Marseille, le XVIème de Montpellier, le XVIIIème de Bordeaux et le VIIIème de Dijon. Dans le dispositif français, le XVème corps occupe la droite de la IIème armée, s’intercalant entre le XXème corps de Foch et le XXIème Corps de Legrand appartenant lui à la Ière armée commandée par le Général Dubail. Parti du front Einville-Fraimbois, au nord-est de Lunéville, et longeant le sud de la forêt de Parroy, le XVème Corps rencontre une vive résistance ennemie : la prise de contact des méridionaux avec la Lorraine est difficile. Plusieurs fois, ils devront charger à la baïonnette.

Les Allemands s’étonnèrent beaucoup de la présence des troupes du XVème Corps d’armée français sur le front lorrain alors que son quartier général est établi à Marseille. Une explication leur fut donnée par les premiers prisonniers français : le quartier général avait été déplacé à Lunéville quelques semaines avant la déclaration de guerre. En outre, début mai, la plupart des garnisons françaises de l’ouest avaient systématiquement été déplacées sur les ouvrages fortifiés de l’est afin de renforcer les défenses de la frontière.

D’ailleurs, les Allemands y verront là la preuve irrécusable que la France était prête depuis longtemps à agresser l’Allemagne par tous les moyens.

 

Les Français occupent LAGARDE, situé alors en territoire allemand :

Dès le 10 août, le général Lescot qui commande la cavalerie de Lunéville, juge « opportun » de faire attaquer le village de Lagarde, au nord-est de Lunéville, par une brigade mixte. Cette attaque est confiée entre autre à deux bataillons, venus d’Avignon et de Nîmes, et notamment au 3ème bataillon du 58ème Régiment d’infanterie.

Le village, situé dans la vallée de Sânon, en bordure du Canal de la Marne au Rhin, est occupé par une section garde-frontière allemande. Inférieurs en nombre et malgré une solide position établie derrière le bois Chanal, entre Lagarde et Bourdonnay, les Allemands sont obligés de quitter le village. Ils en sont chassés dès le 10 août au soir. Il n’y eut point de combat car les postes frontières et avant gardes allemands jugèrent plus prudent de se retirer.

Pendant que les divers éléments des troupes françaises engagées dans cette action de reconnaissance occupent notamment le bois du Haut de la Croix, un détachement spécial formé d’un bataillon du 40ème Régiment d’infanterie de Nîmes et du 3ème Bataillon précité sous les ordres du Lieutenant-Colonel HOUDON s’établit dans le village  abandonné quelques instants auparavant  par les 3 compagnies d’infanterie allemande.

La nuit est mise à profit par les Français, pour établir des nids de résistance et des barrages sur les routes conduisant au village.

 

Veillée d’armes à Lagarde et Bourdonnay :

Le repli allemand n’est cependant qu’éphémère et cette même nuit, à Dieuze, le Général allemand VON STETTEN qui commandait une division de cavalerie bavaroise et le général de la 42ème Division d’Infanterie décident de lancer une attaque contre Lagarde.

Le 2ème bataillon de chasseurs bavarois en garnison à Aschaffenburg est dépêché en renfort. En raison de la supériorité des Français et des difficultés offertes par la configuration du terrain boisé de la région, une attaque de nuit sur Lagarde est exclue par le commandement allemand.

En attendant le matin, les chasseurs allemands creusent des tranchées de tir. Une action commune est convenue entre la Compagnie d’Infanterie et celle de cavalerie appartenant aux troupes garde-frontière. Une batterie d’obusiers du 8ème Régiment d’artillerie viendra en appui et a pour mission de progresser dans la forêt du Bois Chanal et de prendre position sur les hauteurs du « Haut des Vignes » d’où l’on domine le village de Lagarde.

L’intention allemande est d’attaquer de front, puis couvert par l’artillerie, d’assaillir Lagarde et ses occupants par le flanc.

Côté français, on ne reste pas inactif. Le 3ème bataillon du 58ème Régiment d’Infanterie se trouve à l’ouest du village, épaulé par des éléments du 40ème Régiment d’infanterie.

Alors que la 9ème Compagnie couvre le bataillon à l’Est, les 10ème, 11ème et 12ème Compagnies se trouvent à proximité immédiate du cimetière. Le chef de bataillon CORNILLAT est en position avec ses troupes au Sud-est du cimetière.

Le 11 août à 5 heures du matin, on complète l’approvisionnement en cartouches et on organise la défense. La 9ème Compagnie du Capitaine ROURISSOL a passé la nuit à creuser des tranchées.

Elle prendra la place de la 12ème Compagnie du Capitaine CARNOY au carrefour Xures-Ommeray et s’y reposera.

L’attente d’une attaque imminente est insupportable.

Des incidents éclatent dans le Bois du Haut de la Croix occupé par les troupes françaises : une patrouille avancée tombe sur les sentinelles françaises non averties de cette reconnaissance. Croyant avoir affaire aux Allemands, les sentinelles ouvrent le feu afin de donner l’alarme et atteignent un fantassin français à la cuisse.

« Soudain des coups de feu déchirèrent l’air et nous firent tous tressaillir en même temps qu’un cri de douleur se fit entendre, écrit Monsieur l’Abbé GEORGE, aumônier du 40ème Régiment d’Infanterie. Un tremblement nerveux secoue notre être, chacun a l’oreille tendue et retient sa respiration… Mais voici qu’à travers les arbres des silhouettes se meuvent, s’approchent et bientôt nous mettaient en présence du premier blessé. Un lieutenant ayant fait reculer ses hommes avancés en patrouille, ils étaient tous tombés sur les sentinelles non averties qui crurent avoir affaire aux Boches et tirèrent pour donner l’alarme. Heureusement encore que cette méprise n’avait causé qu’une victime : Une balle lui avait traversé la cuisse de part en part. Je me souviens de l’émotion que nous produisit la vue de cette plaie, du premier membre fracassé. La douleur du pauvre soldat nous fendait l’âme. C’était de mauvaise augure, et l’on avait déjà de sinistres pressentiments. Après l’avoir pansé de notre mieux, on évacua le blessé et le calme se rétablit ». 

L’Abbé GEORGE ajoute :

« Cependant, le sommeil semblait devoir me gagner et je sommeillais lorsqu’un bruit de moteur nous fit de nouveau sursauter, vers minuit. Le jet lumineux d’un réflecteur se promenait sur le bois et le fouillait comme l’œil d’un oiseau de proie qui cherche sa victime. L’ennemi savait que nous étions là. Toutefois aucun incident ne se produisit ».

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un bataillon de Chasseurs Bavarois : le Deuxième,
deux bataillons d’infanterie Prussiens : II/138 et I/131,
deux régiments de Uhlans Bavarois : les Premier et Deuxième,
des mitrailleuses : probablement 6 au Nord-est, 6 au Nord-ouest, 6 au sud,
une artillerie importante mise en place au sud de Bourdonnay,

une batterie d’obusiers de 105 du 8ème RA postée au sud de Bourdonnay

source photo :http://www.provence14-18.org/lagarde/

Première attaque allemande et repli français :

Au lever du jour, les troupes ennemies lancent leur attaque. Le bataillon de chasseurs bavarois, une compagnie du 131ème régiment d’infanterie et une batterie du 8èmeRégiment d’Artillerie prennent à Bourdonnay, la route de Lagarde.

Bientôt, ils se trouvent en face de leurs adversaires des 58ème et 40ème Régiments d’Infanterie et du 19ème Régiment d’Artillerie. Selon des témoignages de soldats allemands blessés au cours de l’affrontement, le combat se déroulera pendant sept heures, sous une chaleur accablante et contre un adversaire bien supérieur et solidement retranché.

Les Français ont installé des retranchements dans les champs sur une longue distance.  Pour faire obstacle à la cavalerie allemande, les fantassins français avaient parsemé le sol de sauts-de-loup, c’est-à-dire de puits recouverts de foin et d’herbe. La lutte est acharnée, meurtrière.

Les soldats français aux voyantes couleurs, les officiers aux brillants galons s’élancent courageusement à l’orée du bois. Les couleurs éclatantes de leurs uniformes, pantalon rouge et capote bleue, contrastent avec la sobriété des tenues gris verdâtre des fantassins allemands, et nos braves tombent aussitôt sous les balles des Allemands qui demeurent invisibles.

Nota : C’est pour sauver la culture de la garance, une plante cultivée dans les départements méridionaux et dont la racine fournit l’alizarine, une substance colorante rouge, que les soldats français seront ainsi vêtus jusqu’en 1915 de l’éclatant pantalon rouge.

Une batterie de 75 française défend ardemment la position. Les mitrailleuses causent d’énormes pertes aux Allemands ; L’avantage semble se dessiner en faveur de l’ennemi.

Deux batteries françaises particulièrement dangereuses sont prises sous le feu ennemi. Avant de subir l’assaut des Allemands, les officiers d’artillerie font sauter leurs pièces. Il faut alors songer au repli et abandonner les positions dans la forêt du Haut de la Croix.

Serrés de près par les Uhlands, la retraite vers Xures s’effectue dans des conditions épouvantables.

 

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source photo : http://www.provence14-18.org/lagarde/

Les Français résistent aux abords du village :

La bataille pour la conquête de Lagarde commence vers huit heures, heure à laquelle le 40ème R. I. essuie les premiers coups de feu.

Le Chef de bataillon CORNILLAT s’attend à une attaque.

Il en avise le Capitaine de la 12ème Compagnie et rappelle la 9ème sur ses emplacements de combat. Quelques cavaliers ennemis, sans doute des Uhlands, sont aperçus.

Les éclaireurs du 40ème et du 58ème partent en reconnaissance entre 7 heures et 8 heures tandis qu’un avion ennemi fait son apparition au-dessus des positions françaises. De retour, les éclaireurs font état d’un fort contingent ennemi  prêt à passer à l’attaque.

Tout-à-coup, une forte ligne de tirailleurs ennemis surgit des crêtes avoisinant le  village et l’artillerie allemande, très supérieure en nombre et en calibre, ajuste ses tirs meurtriers. 

L’attaque décisive pour la conquête de Lagarde est déclenchée. Il est alors 8 heures 30. L’ennemi a engagé une division complète qui a pour mission de fixer le 3ème bataillon et de le déborder sur son aile gauche.

Les Allemands craignent nos canons de 75 mm dont les tirs sont d’une extrême efficacité. Aussi, dès le début des combats, les batteries de 75 du 8ème Régiment d’Artillerie et du 19ème Régiment d’Artillerie de Campagne sont l’objet d’un pilonnage des obusiers allemands et sont rapidement réduites au silence.

Quittant leurs retranchements, les fantassins du 2ème Bataillon de Chasseurs bavarois entrent dans la bataille. Ils traversent le bois Chanal, en atteignent l’orée sans rencontrer la moindre résistance. Utilisant les gerbes du blé fraîchement moissonné en guise de camouflage, ils tentent de se rapprocher du village distant de 1 kilomètre environ. Ayant éventé la ruse, les Français pointent ce qui reste de leurs pièces d’artillerie vers la cime touffue des arbres qu’ils aperçoivent de leurs positions. Malheureusement, les coups qu’ils portent sont trop hauts. De plus, notre artillerie éprouve les pires difficultés pour changer de position sur un sol devenu marécageux alors qu’un soleil de plomb brille dans un ciel sans nuage. Cependant, cette riposte acharnée semble contenir l’avance ennemie et vers 9 heures 30, l’attaque ennemie paraît enrayée mais les Allemands sont parvenus sur les  hauteurs du « Haut des Vignes » à environ un kilomètre du village, à droite de la route de Bourdonnay.

Le repli français dans le village :

Vers 10 heures, une forte ligne ennemie émerge des hauteurs. Cette nouvelle attaque est appuyée par une puissante artillerie. Malgré une riposte soutenue de la nôtre, la progression allemande est foudroyante.

Nos artilleurs sont bientôt accrochés par l’infanterie ennemie.

Malgré les efforts de nos fantassins pour la dégager, notre artillerie est désormais incapable de jouer le moindre petit rôle dans la bataille. Dès lors, nos soldats supportent les tirs des canons et des obusiers ennemis sans pouvoir riposter et la manœuvre d’encerclement de l’infanterie prussienne se poursuit.  A présent les pièces allemandes crachent le feu et la mort sur le village. Des flammes s’élèvent des toitures des maisons.

Deux régiments de Uhlands jusqu’à ce moment tenus en réserve sur le domaine de Marimont, sont appelés en renfort. Plusieurs escadrons chargent et se font massacrer par la 11ème Compagnie. « Ils furent complètement fauchés par les mitrailleuses » écrira sur son carnet de route un médecin-major allemand fait prisonnier le 27 août 1914.

A 10 heures 50, l’ordre est donné aux combattants français de quitter les vergers au nord et de se replier sur le village. La 9ème Compagnie débordée par l’ennemi ne parvient pas à exécuter l’ordre de repli. Elle est anéantie avant d’avoir atteint le cimetière. Les survivants seront fait  prisonniers.

Vers midi, l’ennemi se trouve à 300 mètres à peine du village qu’il domine.

Les mitrailleuses font des ravages dans les rangs français, dont la tenue rouge et bleue ne passe pas inaperçue. Malgré le feu des mitrailleuses du 3ème bataillon, les chasseurs bavarois parviennent à déborder la gauche du détachement. La fusillade partant des maisons maintenant toutes proches, ne réussit pas à enrayer la manœuvre d’encerclement. La résistance faiblit de minute en minute. Les troupes françaises subissent des pertes cruelles sous le feu de l’infanterie et de l’artillerie. Les tirs s’amenuisent. Attaqués de trois côtés, les soldats français n’offrent plus qu’une faible résistance.

Vers 11 heures 30, le combat est à peu près terminé.

L’assaut final allemand :

Le commandement allemand donne alors l’ordre de l’assaut final..  Soutenu par le feu grondant de sa 2ème Compagnie et de la 8ème Compagnie du régiment d’infanterie, le 2ème Bataillon de chasseurs bavarois du lieutenant Colonel LETTENMAYER s’élance. Toute la 1ère ligne du 3ème Bataillon français est anéantie et là où les Français résistent encore, l’ennemi lance à nouveau ses Uhlands.

Lances baissées, ils pénètrent dans le village. Accueillis par un tir nourri partant des maisons, des granges et même du clocher de l’église, ils succombent en grand nombre. En un clin d’œil, 70 selles se vident : hommes et chevaux roulent, touchés à mort, sur le sol. Cette chevauchée macabre ouvre cependant la voie aux chasseurs. Dans les rues s’engage alors un combat cruel. Baïonnette au canon, on attaque, on résiste.

Entre 13 heures et 15 heures,  le combat de rue est terminé. Lagarde est aux mains des Allemands. nos troupes ont subi des pertes considérables. Le Capitaine ROURISSAL ainsi que 80 hommes de sa 9ème Compagnie rejoindront dans la soirée ce qui reste du 3ème bataillon du 58ème R.I.  d’Avignon. Le repli vers Xures se fait aux prix des pires difficultés.

Le triste bilan d’une bataille oubliée :

Cette sanglante journée a coûté  aux diverses unités engagées dans la bataille, unités françaises et allemandes confondues, une quinzaine d’officiers et 969 hommes tués, blessés ou prisonniers. Monsieur POIRE de Moussey a vu passer des chariots chargés de paille sur laquelle reposaient de nombreux blessés que l’on évacuait vers les arrières. Une autre source fait état de 300 tués, 700 blessés et 1000 disparus.

Les corps de tous ces braves ont été rassemblés dans deux cimetières

Les pertes françaises :

 Dans le cimetière situé à l’ouest du village ont été rassemblés 552 soldats français tombés au cours de cette sanglante bataille. Seuls 232 corps ont pu être identifiés : 204 reposent dans des tombes individuelles, 28 dans deux ossuaires situés de part et d’autre d’une stèle centrale rappelant le nom des diverses unités ayant participé aux combats : les 3ème , 22ème, , 30ème , 40ème, 58ème , 63ème , 96ème , 97ème , 111ème , 112ème , 114ème et 141ème Régiments d’Infanterie, appuyés par les 8ème et 19ème Régiments d’artillerie de Campagne et auxquels s’étaient joints quelques éléments du 11èmeRégiment de Hussards.

Toutes ces troupes appartenaient aux  IXème ,, XIVèmee , XVème et XVIème Corps d’Armées.

Ce sont le 40ème R.I.  et surtout le 58ème R.I.  qui ont payé le plus lourd tribut.

On ne réussira à mettre un nom que sur 100 fantassins du 58ème : 89 soldats, un  1ère classe, 1 clairon, 7 caporaux, 3 sergents, 1 sergent fourrier, 1 adjudant, 1 sous-lieutenant, 1 lieutenant et un capitaine.  

Du 40ème R.I.,  on identifiera 59 corps : 55 soldats, 1 sergent, 2 lieutenants et 1 capitaine.

Le 19ème R.A.C. subira lui aussi de lourdes pertes : 1 trompette, 10 soldats, 2 brigadiers, 6 maréchaux des logis, 1 chef-pointeur, 1 adjudant chef, 1 capitaine et un chef d’escadron.

Dans l’ossuaire gauche , ont été rassemblés les restes de 171 officiers, sous-officiers et soldats et parmi eux figurent 159 inconnus. Dans celui de droite reposent 181 officiers, sous-officiers et soldats dont 163 inconnus.

Les Allemands dans un communiqué officiel du 11 août déclareront : « Une brigade avancée, de toutes armes du XVème Corps d’armée français a été attaquée par nos troupes de sécurité, à Lagarde, en Lorraine.

L’ennemi, essuyant de lourdes pertes, a été refoulé dans la forêt de Parroy et a laissé entre nos mains un drapeau, deux batteries, quatre mitrailleuses et 700 prisonniers. Un général français a été tué ».

Le 12 août, ce communiqué est complété par un autre, plus bref mais aussi dur :

« A Lagarde, plus de 1.000 prisonniers de guerre non blessés sont tombés aux mains des troupes allemandes : cela correspond à un sixième des deux régiments français qui combattaient ».

De source allemande, on estime que l’effectif des troupes françaises engagées à Lagarde, s’élevait à environ 7.000 hommes, 12 canons et 12 mitrailleuses.

Les pertes allemandes :

Les victimes allemandes reposent dans un autre cimetière situé à l’est du village.

Parmi les 380 combattants qui y sont inhumés, 220 ont succombé au cours des combats du 11 août 1914.

Les charges successives des régiments de Uhlands se solderont par de lourdes pertes : Ce sont 54 cavaliers du 1er Régiment et 49 du 2ème Régiment qui rouleront dans la poussière.

Les Allemands perdront en outre 304 chevaux. L’infanterie enregistrera, elle aussi, de nombreuses victimes : le 131ème Régiment d’infanterie perdra 63 fantassins alors que 21 hommes du 138ème Régiment et 30 hommes, sous-officiers ou officiers du 2ème Bataillon de Chasseurs bavarois d’Aschaffenburg trouveront la mort au cours des combats impitoyables que se livreront soldats français et soldats allemands.

Selon des témoignages d’habitants ayant vécu la bataille, de l’Eglise à la sortie ouest du village, et particulièrement autour de l’église et au carrefour des routes Xures-Ommeray, la rue était jonchée de cadavres de chevaux, de corps de soldats français et allemands. Les caniveaux ruisselaient de sang.  L’imagerie populaire allemande, tout en exagérant certainement, nous donne une idée de la sauvagerie de l’assaut final  (voir dessin ci-contre).

Une bataille oubliée :

Un certain mystère plane encore de nos jours  sur cette bataille de Lagarde comme en témoigne cette lettre du 21 mai 1992 de Madame A. GUILLAUME, dont la dépouille mortelle de son oncle, BRINGUIER Moras, soldat du 58ème R.I., repose dans la tombe 164 du cimetière militaire de la route de Xures : « Je vous remercie, avec beaucoup de retard pour les renseignements que vous avez bien voulu me fournir au sujet du combat de Lagarde au cours duquel mon oncle BRINGUIER Gaston, appartenant au 58ème Régiment d’Infanterie a disparu. Rien ne figure dans les livres d’histoire concernant cette bataille et les archives départementales de la Moselle à  qui je me suis adressée, n’en font nulle part mention. Etant donné la violence de l’affrontement et les résultats cela me surprend beaucoup. (Nous aussi Madame).

Ce que vous ne savez peut-être pas et qui a dû arriver à toutes les familles des soldats disparus les 10 et 11 août 1914, c’est que le ministère des armées n’a officiellement annoncé leur disparition aux familles qu’en mai 1920, date à laquelle ils ont pu figurer comme décédés sur les registres d’Etat-civil de leur domicile.  Entre 1914 et 1920 ma grand’mère dont c’était le fils, n’a obtenu aucune nouvelle, l’armée faisant le black out sur ce combat ».  Ce témoignage récent ne corrobore-t-il pas ce qui a été dit au sujet de cette « faute de Lagarde » qu’aurait commise un haut commandant de l’armée française et dont il ne fallait pas parler ?

Les journaux de l’époque ne parlent que très peu de la bataille. La revue « L’ILLUSTRATION » mise à ma disposition, dans son numéro 3729 du 15 août 1914 publie un résumé très succinct sur le déroulement de la guerre. Les faits marquants  de la journée du 11 août ne concernent que de « petits engagements ».

 

 

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Cependant, la même revue dans son numéro 3730 du 22 août 1914, édite une carte du théâtre des opérations sur le front du Nord-Est. Elle nous indique qu’une bataille s’est déroulée à LAGARDE et à XURES.  Quelques petites lignes font état de la bataille de LAGARDE-XURES.

Dans le N° 3967 de la même revue parue le 15 mars 1919, soit plus de quatre mois après la fin de la guerre, le Commandant A.GRASSET retrace la brillante carrière du Maréchal Foch qui assurait le commandement du  XXème Corps d’Armées lors du déclenchement  des hostilités. Lorsqu’il aborde les évènements du début de ce mois d’août, il passe sous silence la période du 8 au 13 août et ne relate les faits qu’à partir du 14 août date à laquelle les armées françaises prennent l’offensive avec pour objectif les hauteurs qui  bordent la frontière. Il ignore complètement les durs combats qui se sont découlés le 11 août dans le secteur  LAGARDE-XURES,  précisément à la frontière franco-allemande.

Une carte incluse dans l’article du Commandant A.Grasset mentionne un repli des troupes françaises sur les frontières de l’Est dans la région des Etangs mais à partir du 24 août dit la légende. Ce repli n’a-t-il pas déjà eu lieu une première fois le 11 août 1914, à la suite de la sanglante bataille de Lagarde ?  Si notre village figure sur la carte, c’est que quelque chose s’y est passé !  pourquoi alors ne pas en parler ?  Certes, l’article est consacré au général Foch et au XXème Corps, mais le XVème Corps et, en particulier, les 48ème et 50ème Régiments d’Infanterie n’avaient-ils pas été dépêchés en renfort et placés sous son commandement ?

11 août 1914, bataille de LAGARDE, bataille oubliée, peut-être pas, bataille ignorée, passée sous silence, certainement.

 

 

 

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Lagarde – 11 AOÛT 1914

Un jour noir pour les Provençaux


 Un jour de deuil pour la cavalerie allemande

source : http://www.provence14-18.org/lagarde/

Les conséquences

L’épisode qui vient d’être évoqué est connu sous le nom de  » l’affaire de Lagarde « .

Moins connues sont certaines de ses conséquences. Dès que les faits avaient été portés à la connaissance du GQG, on avait retiré son commandement au général Lescot, mais on notera que contrairement à ce qui est dit, aucun renfort n’est venu secourir les troupes.

[ANNEXE N° 188] Les Armées Françaises dans la Grande guerre : SHAT

Compte-rendu au GQG de l’engagement du 11 août à Parroy, Xures, (2ème Armée 59ème Brigade)

Les deux bataillons envoyés hier soir 10 août par le Commandant de la 2ème D.C à Lagarde ont été attaqués très violemment ce matin par une force évaluée à environ une brigade d’infanterie et trois groupes d’artillerie. Ces bataillons ont été soutenus par deux autres bataillons de la 59ème brigade et un groupe du 19ème d’artillerie. Les troupes d’infanterie ont du céder. Dans cette retraite deux batteries sont tombées aux mains de l’ennemi.

Le Général Commandant le 15ème CA a pris, d’après mes ordres, le commandement des troupes du secteur, y compris la 2ème D.C. – Il porte deux brigades et quatre groupes dans la région Serres, Bauzemont pour recueillir s’il y a lieu la 59ème brigade, qui ne paraît pressée.

On ne peut pas ne pas s’étonner ici que des troupes disponibles à moins d’une heure de marche ne soient pas intervenues et que de la cavalerie appartenant à la 2ème DC, en position sur la crête de Parroy à 7 Km de Lagarde soit restée inactive. Tout au contraire la 2ème DC et la 59ème Brig ont reculé pour faire face à une attaque allemande qu’on craignait voir se développer. Il est pourtant probable que chargés par la cavalerie française les Uhlans en piteux état eussent passé un mauvais moment sans que l’artillerie allemande puisse intervenir.

Une explication se trouve dans le JMO de la 2ème Armée, page 11.

« L’ennemi montre devant nous des forces très supérieures et nous devons abandonner La Garde après un violent combat. Mais le Général Commandant l’Armée ne veut en aucune façon engager une action générale, aussi se borne-t-il à prescrire au général commandant le 15ème Ca, auquel il a donné le commandement supérieur… »

La lecture du JMO du 12ème Dragon nous apprend que l’unité fut envoyée à 9 heures à la Fourrasse  » pour servir de repli aux troupes qui retraitent (58ème)  », que le matin le lieutenant de Lattre (le futur de Tassigny) était venu en reconnaissance vers Lagarde et que retournant l’après midi sur le même point il fut légèrement blessé d’un éclat au genou tandis que son voisin le Brigadier Joly était tué. Nous noterons, quand même, qu’à 9 heures il n’y avait pas encore de troupes en retraite.

La lecture du JMO du 17ème Chasseurs à cheval nous dit aussi que le 11 août, donc probablement pendant et à la suite de l’attaque sur Lagarde les Allemands ont bombardé  » vigoureusement Montcourt et Coincourt  » et qu’à plusieurs reprises  » le Général de Brigade envoie l’ordre au colonel Prax de se replier. Celui-ci ne voulant pas abandonner les fantassins de Moncourt qui tiennent malgré un feu intense, réclame un ordre écrit qui ne vient pas. A 15h15 la brigade s’étant repliée, le Colonel Prax se porte avec les mitrailleuses et les escadrons Lamarque et Petiton sur les hauteurs à 1 km de Coincourt pour couvrir le repli de l’infanterie  » 

Ce bombardement visait à interdire une contre-attaque venant par là.

Le 13 août, avant l’offensive dans l’Est, Lescot fut remplacé par le général Varin. Cette mise à pied provoqua de graves mouvements d’humeur dans son entourage, si l’on en juge par ce courrier vigoureux adressé, le 15 août 1914, par le colonel Jaguin au colonel Marillier en réponse à des propos outrageants.

J’ai l’honneur de vous rendre compte que dans la journée du 11 août un Lieutenant de l’Etat-major de la 2ème Division de Cavalerie qu’on m’a dit être le Lieutenant Antoinat était venu me donner des ordres pour l’occupation de la position de la Fourrasse et de l’organisation du commandement en ce point.

“ Je parle ici au nom du Général Commandant la Division de Cavalerie et déclare que le régiment n’a pas fait ce qu’il devait faire, qu’il a manqué au devoir militaire en ne tenant pas sur ses positions. Que le temps des discours d’Avignon (sic) était terminé et que la seule façon de laver la faute était de se sacrifier ici, que les Provençaux avaient prouvé ce qu’ils étaient ”.

Sur votre conseil je ne vous ai pas transmis de réclamation.

 Hier, 14 août, le Capitaine Callies du 19ème d’Artillerie m’a déclaré, en me disant de faire état de ce qu’il me rapportait, que ce même lieutenant lui avait dit, personnellement, que le régiment était déshonoré après l’affaire du 11 août. Le Capitaine lui défendit de continuer son injure et lui déclara qu’il avait vu le 58ème à l’action et avait admiré son héroïsme. Devant la double accusation du Lieutenant Antoinat qui a répandu son jugement autour de lui (je le sais de bonne source) je demande pour l’honneur du Régiment qui a laissé sur le carreau 800 à 900 hommes, que l’affront soit réparé.

Nous formulons, ici, l’hypothèse qu’une partie des problèmes que va, par la suite, rencontrer le 15ème CA, vient des  » rancœurs  » entre officiers engendrées ce jour là. Qu’on en juge.

Le 13 décembre 1914 le lieutenant-colonel Tantot répondit par écrit à une  » demande d’enquête sur l’affaire de Lagarde dans laquelle des militaires du 40ème RI sont tombés aux mains de l’ennemi  » le courrier suivant :

 » Combat de Lagarde 11 août 1914

Un seul bataillon du 40ème RI a été engagé dans ce combat.

2 officiers blessés (Lieutenant-colonel Tantot et Lieutenant Bosquier) et 25 hommes seulement sont revenus.

Il est certain, d’après tous les renseignements recueillis auprès des deux officiers revenus, d’après les comptes rendus de cette journée, que la lutte a été extrêmement ardente. Aucune faiblesse ne s’est produite et tous les militaires du 40ème tombés aux mains de l’ennemi, ce jour là avaient été tués ou blessés.

Il résulte de ces faits qu’il n’y a pas lieu de prévoir d’enquête ultérieure au sujet de cette affaire. « 

Ce n’est pas tout à fait vrai, le lieutenant-colonel le sait parfaitement mais il est exaspéré par cette enquête.

En 1915, le 16 février, (Lettre 92) Noël Olive un Soldat du 40ème s’en fera l’écho. Parlant des soldats du 165ème de Verdun, il écrit :

 » Quand ils sont de garde, en sentinelle, […] ont déjà reçu des marrons sur le nez, au début ils faisaient les malins, mais maintenant ils sont souples car nous ne les ménageons pas, et entre officiers c’est pareil : ils se vomissent entre eux. Çà c’est un détail. Je n’ai eu aucune discussion avec aucun mais à la première c’est la bonne, c’est que nous ne sommes pas à la caserne ici « 

On peut donc avancer que les prémisses de l’Affaire du 15ème Ca qu’il n’est pas de notre propos de traiter ici, ont germé à Lagarde, et que les paroles du lieutenant Antoinat ont été lourdes de conséquences. Si, quelques jours plus tard, le sénateur Gervais s’emploie à sauver Joffre, le Généralissime, en échec sur tout le front, en désignant les Méridionaux à la vindicte populaire, c’est probablement parce que son entourage le lui a soufflé.

 

 

 Critique des sources

http://www.provence14-18.org/lagarde/

Sources françaises :

Le Texte Simonet :

Il est très détaillé en ce qui concerne le 40ème RI. La minutie des recoupements opérés à partir des témoignages recueillis auprès des survivants et de ceux qui sont rentrés de captivité laisse une sorte de malaise. Manifestement il faut démontrer que tout a été fait dans les règles, que nul n’a failli à son devoir.

 Les morts ne pouvant contredire ce qui est affirmé il est facile de leur faire dire ou faire faire ce que l’on veut.

Il est assez facile de constater que ce texte essaie de dire, sans le formuler ouvertement que  » c’est de la faute au 58ème « 

On laisse entendre que le commandant Cornillat a donné l’ordre de retraite mais sans dire que son PC était à côté de celui du lieutenant-colonel Oddon, ni remarquer que celui-ci n’était plus à son poste lorsqu’on est venu l’y chercher. La critique des opérations dit cependant que ni le lieutenant-colonel Oddon, ni le colonel Marillier n’ont vraiment dirigé l’opération mais elle passe sous silence le fait que ce dernier a demandé à plusieurs reprises aux troupes prévus pour le soutien de se replier (JMO du 12ème Dragon), en particulier à l’artillerie qui aurait probablement pu, par un choix plus judicieux de l’emplacement de la 2ème Batterie du 19èmeRAC contrebattre l’artillerie allemande. Remarquons que celle-ci, dés qu’elle a pu le faire, s’est déplacée à l’abri des vues devant le Bois de la Croix, très précisément là où se trouvaient les 2 ème et 3 ème Batteries.

Les télégrammes :

Nous nous poserons ici la question de savoir si les soldats de Lagarde n’ont pas été quelque peu victimes de la circulation de l’information et de la réorganisation de la pyramide hiérarchique ayant suivi l’attaque du 10.

Regardons de plus prés les télégrammes dont nous disposons.

Tous les deux sont arrivés à Dombasles le 11/8/14 .

Le premier est parti de Parroy à 9h25, arrivé  à 9h40.  Il émane du Colonel Marillier.

Colonel commandant par intérim 59ème Brigade à général commandant 30ème DI à Dombasles.

59ème Brigade toujours en soutien de 2DC dans région Bezange-la-Grande, Arracourt Réchicourt, Coincourt, Parroy, Xures, La Garde, ce dernier point a été enlevé hier au soir après combat.

Le Second est signé Général Lescot, il part aussi de Parroy mais à 11h30. Il est à destination du colonel Marillier, il annonce que l’opération sur Lagarde tourne mal, il a été transmis au 15 ème Ca à 12 h. Rappelons que le général Lespinasse est mis en charge du 15 ème CA à partir de 12h. Informé plus tôt peut-être eut-il décidé autrement pour sauver  » ses Méridionaux « 

 » Général commandant 2ème DC à général commandant 30ème DI.

La 59 ème brigade s’est emparée hier au soir de La Garde mais ce matin devant l’attaque de l’ennemi en force elle doit manœuvrer en retraite dans la direction général Parroy-Valhey Il serait évidemment utile de d’être assuré d’un concours de vos forces ultérieurement si toutefois pareille décision n’allait pas à l’encontre des ordres reçus par vous de l’armée « 

Entre les deux, bien des choses ont changé dans les états-majors. Lescot a été relevé de son commandement à partir du 11août à 12 heures, donc le colonel Marillier ne dépend plus de lui. Comme il avait été chargé de l’opération sur Lagarde, il est probable, devant ce  » flou « , qu’il n’éprouve pas une grande envie d’en porter la responsabilité. La décision, conformément aux consignes de l’armée d’arrêter les «  frais  » de ne pas envoyer de renforts, de faire rentrer en vitesse la Batterie de Callies qui ne demande d’ailleurs pas mieux, s’explique en partie ainsi.

L’affirmation, selon celui-ci, qu’il a demandé deux fois un ordre écrit pour engager sa batterie en soutien des deux autres lui donne, certes, le beau rôle dans le sauvetage des pièces mais…son empressement à retraiter est affirmé par un témoin.

On se demande d’ailleurs aussi à quoi sa batterie pouvait bien être utile là où elle était en attente.

Autre chose a attiré notre attention dans la relation Simonet : il y est fait allusion à la consommation d’alcool, ce qui n’est formulé nulle part ailleurs…c’est un peu inquiétant. Callies a déjà dit, dans ses Mémoires, que  » le Commandant Adeler buvait beaucoup et que ce jour là il n’avait plus tous ses moyens… ». Etait-ce si répandu chez les officiers ? Le colonel Vidal qui commande le 40ème RI en 1921 écrit ceci au Préfet Belleudy :

 » […] Comme vous, je suis d’avis de ne pas mettre votre œuvre entre les mains des soldats. Ils n’ont, en général, ni formation intellectuelle, ni la maturité d’esprit suffisante pour apprécier les faits et surtout les décisions du commandement.

Vous avez bien voulu attirer mon attention sur cette phrase de la page 30, de la relation [ du combat de Lagarde ] :  » l’attente passive favorable aux libations » et sur l’interprétation qu’on pourrait lui donner.

Il est certain, d’après des témoignages dignes de foi, que malgré les ordres du Commandant BERTRAND, certains commandants de compagnie ont laissé leurs hommes pénétrer dans les maisons de Lagarde, dans la nuit du 10 au 11 août, d’où quelques cas d’ivresse dans le bataillon, au cours de cette nuit. Cas rares, évidemment, et qui n’ont eu aucune influence sur le combat du 11 août. Mais ne fallait-il pas, pour les enseignements à tirer de cette affaire, signaler, en toute vérité, les moindres fautes du Commandement ? « 

Les textes d’origine civile :

Comme celui du Curé de Lagarde, sont de peu d’intérêt en ce qui concerne les opérations militaires.

Les textes Ficonetti :

Ils nous apprennent «  tout  » ou presque sur le sort de l’artillerie. Ils sont précieux par les détails accumulés, par les petites divergences d’avec les autres, mais aussi par leur ton. Ils révèlent surtout que personne n’était conscient du danger et que de très graves fautes dues à l’incompétences des cadres ont été commises. Ils confirment que les Allemands vers midi ont tiré sur Lagarde avec leur artillerie amenée sur les lieux où étaient placés les canons Français, et que la première charge de Uhlans a bien reflué.

Les Mémoires du capitaine Callies :

Ils ne nous apprennent pas plus de choses que Ficonetti, sauf qu’à ce moment de la guerre l’ambiance entre officiers d’artillerie n’était pas très chaleureuse. Callies minimise son rôle, ou l’enjolive un peu. La suite des Mémoires montre qu’il est  » assez satisfait de lui  » et se sent intellectuellement supérieur à ses pairs.

Nous avons reçu un témoignage par Internet qui ne peut être recoupé mais vient d’un ancien de la deuxième batterie du 19ème RAC :

« Pour information, un extrait des « mémoires de guerre » de mon grand père, maréchal des logis au 19° Rac, qui a échappé à cette aventure, et est mort dans son lit à plus de 80ans.

Le bal débute mal

[…]. Le 7 Août 1914, nous partons pour la forêt de Parroy (de triste mémoire pour notre régiment le 19 R.A.C.). […] 

Nous attendions dans cette forêt qu’un ordre nous parvienne. […] A 11 heures, le dit agent de liaison, qui était chez le commandant de l’autre côté du canal de la Marne au Rhin, arriva et dit à notre capitaine que le commandant lui donnait l’ordre d’aller mettre en position de l’autre côté du canal. Le capitaine refusa et chargea l’agent de liaison de dire au commandant qu’il ne pouvait exécuter un tel ordre sans un soutien d’infanterie suffisant.

A nouveau, l’agent de liaison, qui était allé porter la réponse du capitaine, revient en disant que le commandant exigeait que l’ordre soit exécuté. Une fois encore, notre capitaine refusa. Un quart d’heure après, nous entendîmes une fusillade accompagnée de cris et nous aperçûmes sur une crête, des uhlans allemands qui arrivaient. En trois minutes nous pliâmes bagages, à toute allure et nous fîmes une marche arrière mémorable.

Grâce à notre capitaine, nous étions sains et saufs, mais la première et la deuxième batterie avaient été anéanties, après une lutte de quelques minutes. Tous les officiers, y compris le commandant, avaient été tués ou blessés. […] « 

Ce témoignage prouve que Callies a eu tôt fait de plier bagages et qu’il n’était pas en position de tir comme il l’affirme. Le passage de la position de tir à la position de départ demande beaucoup plus de temps,presque une heure selon Ficonetti.

Les rapports des officiers français :

Il faut bien reconnaître qu’ils ont été soigneusement  » filtrés « .

En ce qui concerne le 19ème RAC, globalement, ils rejettent la faute sur le commandant Adeler et ne s’expriment pas sur le manque de couverture.

La lecture attentive de l’ensemble permet toutefois de reconstruire   » une vérité  » ce qui était le but recherché par les rédacteurs.

Les JMO :

Ils sont à prendre, comme toujours avec prudence. Un peu moins ceux des grandes unités.

Il faut aussi reconnaître que ceux du 40ème et du 58ème ne sont pas tenus avec beaucoup de rigueur par rapport à ceux des Chasseurs ou des Dragons.

Le livre de J. Didier :

Selon nous, il n’analyse pas suffisamment, ne met pas en perspective les témoignages, se contentant assez souvent d’additionner les sources connues ou accessibles sur Internet, mais il a l’immense mérite d’en donner beaucoup. A notre avis les traductions sont parfois un peu rapides et sources de quelques contresens. Comme l’essai est construit en grande partie autour des sources allemandes auxquelles il accorde une très large place, il laisse percevoir une sorte de fascination, certainement involontaire, pour la cavalerie allemande.

 J. Didier cite longuement, presque uniquement hélas, des témoignages que l’on prend facilement en contradiction. Ces contradictions sont intéressantes car elles nous livrent quelques informations sur les rapports entre unités allemandes. Le général von Estorff, par exemple, n’hésite pas à parler  » des soi-disant tirs venus des fenêtres du village et des armes automatiques cachées dans le clocher  » expliquant le massacre de la cavalerie allemande. Nous avons déjà dit qu’un officier d’artillerie rapporte le reflux de la première charge des Uhlans sur leur base de départ dans le Bois du Haut de la Croix.

Sources allemandes :

Elles ont le mérite d’exister mais sont très délicates à utiliser. Elles sont très souvent en contradiction les unes avec les autres et peu crédibles dans les détails. Il y est par exemple fait sans arrêt allusion aux tirs de l’artillerie française (alors qu’elle n’a pas eu un grand rôle et n’a pas beaucoup tiré) et on y évoque à plusieurs reprise des tirs d’artillerie français après la perte complète des deux batterie du 19ème RAC. On en arrive à se demander si l’artillerie allemande n’a pas tiré sur ses propres troupes et qu’on tenterait de le cacher.

 Les témoignages sur l’infanterie sont peu crédibles, mal situés, ceux sur l’artillerie le sont un peu plus parce que plus précis et recoupables entre eux.

Une attention particulière doit être portée aux témoignages sur la cavalerie. Ils sont, pour la plus grande part de l’ordre de l’hagiographie, parfois délibérément faux.

Par exemple il est dit qu’un escadron de Uhlans a pris une troisième batterie, or nous savons qu’il n’en est rien et que cette charge a portée à droite uniquement parce que le chemin vers le village lui était barré par la charge précédente bloquée et en  » panique  » sur le remblai du canal. Elle a fait demi-tour, probablement après avoir massacré quelques survivants vers la route de Xures…. L’impression qui prévaut en fait est celle d’une immense pagaille qui s’est soldée par des pertes énormes…en cavaliers, en officiers, en chevaux.

Si les relations ne cachent pas ces pertes c’est uniquement parce qu’elles sont bien trop connues. On pourrait dire d’ailleurs à titre d’exemple de désinformation, que c’est un général Allemand qui est tombé pendant l’attaque et pas du tout un général français comme il est dit dans les documents allemands.

Il est surprenant de noter qu’un des témoins avoue sans fard la folie meurtrière qui s’est emparée des Uhlans survivants massacrant tous les fuyards sur leur passage :

[…] un feu nourri arrive en provenance de groupes de tirailleurs qui apparaissent brusquement sur la rive sud et se replient vers le Sud-ouest. De nombreux coups sont également tirés depuis la bande étroite entre la route et le canal et ils sont terriblement efficaces compte tenu de la faible distance. Dix, vingt cavaliers sont couchés dans leur sang. Un des premiers à tomber mais qui aussitôt se relève est le sous-lieutenant Prieger. Il tire son pistolet de l’étui, saisit aussi celui d’un sous-officier mort et tire, sans chercher un couvert, jusqu’à ce qu’il s’effondre mort.

L’escadron cherche à se soustraire de ce piège en passant par la droite ou la gauche. Un petit nombre fonce vers l’ouest avec le Maréchal des Logis-chef Hummel. Il aperçoit, à la lisière sud du Haut de la Croix, un groupe de 50 à 60 Français. Les pantalons rouges sont en grande partie massacrés, quelques-uns seulement sont faits prisonniers. Un petit nombre, en traversant le canal à la nage arrive à s’échapper.

La plus grande partie de l’escadron, mélangée avec des isolés de l’escadron Lilgenau et du 2.b.UI.Regt, suivit le capitaine Wieser et l’Etat-major de la brigade vers l’Est. Dans le fossé de la route le caporal-chef Neugebauer galope sans relâche sa lance est projetée vers le sol sur des ennemis qui se sont cachés là. Arrive alors un groupe nombreux de chevaux devenus furieux, sans cavaliers, emballés, blessés.

Ils arrivent dans un rétrécissement entre le canal, un mur et un talus. Cachés en partie par des murets, des fantassins ennemis tirent sur la multitude de chevaux fonçant aveuglément vers l’avant sans pouvoir être déviés. Tout à fait à l’entrée de Lagarde le capitaine Wieser, déjà atteint par une balle à l’avant-bras gauche tombe de cheval, frappé par un éclat d’obus, avec la mâchoire inférieure fracassée, sa monture s’écroule en même temps blessée mortellement et lui écrase encore le pied gauche. Le sous-lieutenant comte Ingelheim arrive à coucher sous lui son cheval lancé en avant vers la mort. Deux côtes cassées ! Quoi! Le cœur bat encore. A nouveau des arbres, des haies, des clôtures, des maisons, Lagarde! Des mitrailleuses crépitent depuis l’église. […] La chasse sauvage continue à l’intérieur du village semblable à un volcan. Pas un seul d’entre nous ne devrait s’en sortir… Heureusement les défenseurs du village sont pris de panique, ils pensent plus à leur propre salut qu’à abattre l’ennemi….( Das Bayernbuch vom Veltkrieg 1914-1918 page 25 cité par J. Didier)

 

Analyse des documents concernant les exhumations des corps des soldats français

http://www.provence14-18.org/lagarde/

La liste «  actualisée  » des soldats français dont les tombes ont été retrouvées sur le territoire de la commune de Lagarde (liste datée du 11 avril 1919) se trouvera en fin de volume. Elle comprend quelques soldats allemands dont les dates de morts sont «  curieuses  »

 

 

 

lagarde-document-inhumations

source : http://www.provence14-18.org/lagarde/

 

 

 

 

Ces documents écrits révèlent un certain nombre de choses.

Sur leur forme d’abord.

Ils ne sont guère précis, le premier entaché de nombreuses non concordances avec le plan qui l’accompagne.

Ils semblent bâclés alors que l’écriture montre une main habile, ils ne permettent pas non plus de comprendre la logique de numérotation des tombes, s’il y en a une.

 

 

 

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source : http://www.provence14-18.org/lagarde/

 

Sur leur contenu.

Ils montrent, et c’est une surprise, que peu d’efforts d’identification des corps ont été faits avant enfouissement, alors que le travail a certainement commencé peu de temps après la bataille. Il est tout à fait probable que la population civile a été très largement employée, et sous la direction de militaires allemands, mais il semble néanmoins curieux que la fouille des dépouilles ait été négligée. On aurait pu imaginer, de la part de habitants de Lagarde, un respect plus grand des corps des soldats français. Faut-il y voir la marque des autorités allemandes ? Un  » pillage  » généralisé des dépouilles par les soldats vainqueurs. Ce n’est pas impossible. Un témoignage allemand dit que certains soldats français avaient été dépouillés de leur pantalon rouge.

 Le site officiel de Lagarde dit qu’au cours des exhumations on ne réussira à mettre un nom que sur 188 corps, 110 du 58ème : 89 soldats, un  1ère classe, 1 clairon, 7 caporaux et 3 sergents, 1 sergent fourrier, 1 adjudant, 1 sous-lieutenant, 1 lieutenant et un capitaine ; du 40ème RI on identifiera 59 corps : 55 soldats, 1 sergent, 2 lieutenants et 1 capitaine ; 23 du 19ème RAC 1 trompette, 10 soldats, 2 brigadiers, 6 maréchaux des logis, 1 chef-pointeur, 1 adjudant chef, 1 capitaine et un chef d’escadron. 

Dans l’ossuaire gauche du cimetière, ont été rassemblés les restes de 171 officiers, sous-officiers et soldats et parmi eux figurent 159 inconnus, dans celui de droite reposent 181 officiers, sous-officiers et soldats dont 163 inconnus. Au total 540 dépouilles mortelles

En fait, le décompte fait à partir d’un relevé de la nécropole de Lagarde donne seulement 162 noms  de soldats impliqués dans le combat

 

 

 

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source : http://www.provence14-18.org/lagarde/

 

 

 

 

 

L’observation des lieux d’enfouissement confirme assez bien ce que nous savons du combat :

tout à l’Est 51 corps probablement du 40 ème (tombes 63, 65, 67), parmi eux les lieutenant Gallis et de Girard, ils ont tenu face à l’attaque des Chasseurs ; au Nord-ouest des tombes isolées dans les lisières des vergers, probablement un mélange de soldats du 58ème et du 40ème venus les remplacer ; en D4 la section de mitrailleuses du 58ème qui a tant causé de pertes aux Uhlans et autour des corps non identifiés ; aux lisières du Bois du Haut de la Croix, les artilleurs, leurs officiers : Adeler, Setze, les soldats du 58ème de la couverture d’artillerie morts devant le 131ème allemand, dans l’Ouest entre canal et chemin rural, tous les corps, 250 au moins, du 40ème et 58ème unis dans la mort, soldats fuyant devant les obus, massacrés ensuite par les Charges de Uhlans déchaînés ; quelques tombes isolées, probablement celles des blessés ramassés par les Allemands, morts dans les ambulances, et puis de l’autre côté du canal quelques uns de ceux qui ont tenté la fuite en franchissant l’eau, probablement de la section Duley.

 

Nous disposons de deux témoignages sur le spectacle du champ de bataille le 16 août alors que les Allemands ont quitté Lagarde. Celui de Laurent Gassin du 3ème RI qui évoque les croix sur les tombes, signe que des ensevelissements ont été faits, (Le JMO du 3ème RI confirme que ce bataillon a cantonné à Lagarde avant de se porter sur Marimont)

 

 

 

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source :  http://www.provence14-18.org/lagarde/

 » Le matin, vers 4 heures, nous nous arrêtons et nous faisons du feu au bord de la route où nous faisons sécher la capote. Au jour nous repartons du côté de la frontière. A 7 heures nous la traversons et nous arrachons le poteau. A 8 heures nous arrivons à Lagarde (nous sommes en Lorraine).

Là, au bord de la route, il y avait des fusils, des équipements, des sacs, des effets par paquets. La veille, le 40 ème et le 58 ème avaient été surpris par les Allemands entrain de faire la soupe. Il y avait eu un massacre. Où il y en avait le plus, c’était devant la Mairie. D’un côté de la porte d’entrée on voyait les effets des Boches et de l’autre des Français.

On nous loge dans une grange, c’était la maison du Docteur, elle était complètement pillée, les meubles, les matelas, tout avait été éventré, le linge éparpillé sur le parquet, avec d’autres objets, les glaces brisées, dans le bureau la bibliothèque était renversée, tous les livres déchirés, dans le salon il ne restait que le piano encore il lui manquait toutes les cordes.

En face se trouvait la maison du curé qui n’avait pas été épargné non plus, de plus un obus l’avait ébréchée. Bien entendu les caves étaient vides.

Nous repartons vers les 12 heures, nous traversons un petit village, il pleuvait à torrent, nous nous arrêtons dans une grange et repartons une heure après. Nous arrivons au Château de Marimont vers les 4 heures. C’était une grande ferme d’un colonel Allemand… »

Dans son carnet de route, le soldat Gassin avait d’abord écrit:

  » nous quittons cet emplacement et filons vers la frontière, nous sommes en Lorraine, des sacs, des équipements, des fusils français, allemands, jonchent le sol, partout des petites croix en bois, ce sont des tombes. La pluie tombe toujours, arrivons à Lagarde, village pillé. Allons cantonner au Château de Marimont qui appartient à un colonel allemand « 

La critique de ce document nous oblige à dire que cette différence indique le travail de réécriture durant le passage du carnet de route au journal. D’une part il pense préciser en indiquant que les régiments ont été surpris la veille alors que la bataille a eu lieu le 11 août et non le 16 comme il le laisse entendre, d’autre part, il dit :  » nous arrachons le poteau  » alors que d’autres sources affirment que sur cette route il l’a été le 10. (Il peut avoir été replanté !)

Celui du capitaine Callies (Mémoires page 57) qui a trouvé la tombe du sous-lieutenant Falque clairement identifiée, affirme que de nombreux corps sont dans le canal, que l’odeur est affreuse, que de nombreux cadavres de chevaux brûlent dans une carrière et que des subordonnés ont vu, exactement à l’endroit où étaient les Batteries du 19ème RAC le 11, une tombe portant l’inscription  » trois officiers français  » et le képi du capitaine Setze. Il confirme ainsi la localisation des batteries et le lieu d’enfouissement provisoire des corps.

 

 

 

lagarde-bois

 

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source :  http://www.provence14-18.org/lagarde/

Ces documents montrent de façon spectaculaire les zones qui ont été particulièrement battues par l’artillerie allemande, celle où se trouvaient les canons de 75 français et le Pont vers Xures. Il y a tout lieu de penser que, compte tenu de la chaleur, les corps des soldats français tués ont été ensuite ensevelis très rapidement dans les trous d’obus les moins loin.

On est aussi en droit de penser que les nombreux enfouissements dans la zone B5, C5, D5, révèlent, pour les mêmes raisons, la photo aérienne le confirme aussi, une accumulation de sépultures en cet endroit. Cela montre bien l’acharnement des Allemands à interdire la retraite par le passage donnant vers Xures et il est confirmé par les sources allemandes, que les Uhlans n’ont pas fait de quartier aux soldats se repliant.

Reprenons les chiffres de pertes et essayons de les commenter.

 

 

lagarde-pertes-en-chiffres

tiré de : http://www.provence14-18.org/lagarde/

 

Il est toujours difficile de commenter les chiffres de pertes car on ne sait pas vraiment comment les informations sont ventilées par le commandement. S’il est assez facile par simple appel de connaître le nombre de ceux qui manquent, il est difficile de se prononcer sur le partage morts, blessés, disparus.

Dans le cas de Lagarde les blessés incapables de se déplacer ont du rester sur le terrain, être relevés par les Allemands. On se demande alors comment faire la différence avec les prisonniers et on peut affirmer que les chiffres sont totalement fabriqués en cas de retraite. Les officiers commandants les régiments ne transmettent, évidemment, que des chiffres bruts.

Par exemple 956 soldats manquent à l’appel pour le JMO du 40ème, 874 pour les états de pertes. Aujourd’hui le chiffre est 874, ce qui est juste et signifie que des hommes perdus dans la nature ou blessés sans gravité sont rentrés peu à peu. Pour le 58ème le chiffre donné au JMO est 969, les états de pertes 1097, nous savons qu’il est de 1097, ce qui signifie tout au contraire un souci de minoration. Si l’on en croit les chiffres, et nous avons dit qu’il fallait s’en méfier, le 58ème a eu plus de pertes que le 40ème, mais il a eu un peu plus de prisonniers et de blessés, il a eu aussi plus de gens rescapés, 80 hommes ramenés par le capitaine Rourissol contre 37 ramenés par le lieutenant-colonel et l’Adjudant-chef Thibon.

On peut en conclure, mais avec une certaine prudence, que les officiers qui se sont repliés les premiers avec leurs hommes ont eu plus de chance de survie que les autres. Ce qui ne constitue pas une grande découverte.

On peut affirmer, tout aussi prudemment, qu’une meilleure appréciation des risques par le lieutenant-colonel et un ordre de retraite, donné tôt tout en laissant une arrière-garde couvrir le repli, aurait certainement sauvé la vie à beaucoup de soldats. C’est une certitude. Mais la doctrine d’alors était que pas un pouce de terrain conquis ne devait être abandonné. On voit ici une des premières illustrations de la nocivité d’un tel précepte.

Nous ne nous attarderons pas sur l’exploitation de cette victoire par les Allemands. Elle est si manifestement organisée à des fins de propagande qu’elle ne mérite pas d’analyse particulière. Les mensonges sont tellement éhontés que point n’est besoin de s’y appesantir, pas plus que nous nous appesantirons sur la floraison d’images allemandes glorifiant la prise du drapeau.

Nous ne saurions terminer sans évoquer la manière typique dont certains milieux ont procédé pour s’en prendre aux soldats du Midi : le pseudo-témoignage de l’Abbé Georges, aumônier au 58ème R.I qui a fait beaucoup de tort aux soldats du 15ème Ca, qui,  relatant un incident vécu le 11 août 1914, après la bataille de LAGARDE, aurait écrit dans son livre relatant les faits d’armes de son régiment :

«  J’étais couché au repos dans le fossé de la route allant de Coincourt à Xures, lorsque j’avais aperçu cet officier que je ne connaissais pas encore. Il était descendu de cheval et parlait à un lieutenant laissant respirer quelques-uns de ses hommes échappés au massacre. Visiblement en proie à une violente agitation, un rictus nerveux contractait  étrangement son visage. Il disait textuellement, en parlant de ses soldats : «  Ils se sont enfuis comme des péteux…  ». Et Dieu seul savait qu’il pensait en lui-même : «  Si j’en rencontre un, je le brûle !…  ». Il avait ensuite enfourché son carcan et s’en était allé comme un fou ………. Le Capitaine BLANC mourut ensuite au champ d’honneur, tué à l’ennemi… « 

A notre connaissance, à ce moment de la guerre il n’y avait pas encore d’aumônier au 58ème RI –et s’il y en avait eu un, sa place était avec les soldats qui allaient se battre et  » non au repos dans un fossé « – pas plus qu’il n’y avait de Capitaine Blanc à Lagarde. Il y avait bien, au 2ème Bataillon du 58ème, un capitaine Blanc, mais il n’était pas à Lagarde. Il était à Coincourt. Par ailleurs l’officier du 58ème portant ce nom là est mort au champ d’honneur à Dieuze. Il est surprenant que dix jours après Lagarde l’aumônier ne s’en soit pas souvenu avec précision. Nous n’insisterons donc pas sur la perversité de la méthode employée pour semer le doute.

 

Conclusion :

http://www.provence14-18.org/lagarde/

Avant de conclure nous formulerons quelques remarques sur le déroulement des opérations, mais n’étant pas militaire de profession, encore moins spécialiste en stratégie, nous nous garderons d’émettre un jugement péremptoire sur la façon dont les troupes françaises ont été employées. Cependant nous ne pouvons pas ne pas remarquer que les mitrailleuses placées là où l’on nous dit qu’elles étaient, n’ont pas joué à plein leur rôle, même si elles ont fait des ravages dans les rangs allemands. Elles eussent pu être encore plus meurtrières, placées à couvert, dans une maison par exemple, donc invisibles aux observateurs, au lieu d’être entourées d’une infanterie qui a beaucoup souffert de l’artillerie qui les cherchait.

Nous ne pouvons pas non plus ne pas remarquer que l’artillerie française ne s’est pas comportée de façon très professionnelle…emplacements mal choisis, sur un sol humide instable, mise en position très lente, défilement trop grand, incapacité à contrer l’artillerie adverse, (ce que Callies eût pu faire avec un peu plus de courage et de talent), au lieu que l’artillerie allemande, et particulièrement les 105, rompue aux exercices de contrebatteries, n’a pas hésité, comme elle savait le faire, à prendre le risque de venir à découvert pour tirer à vue…avec le succès que l’on sait.

Cette affaire de Lagarde que les Allemands considèrent comme un jour noir pour leur cavalerie mérite, à plus d’un titre, qu’on s’y arrête.

La leçon n’a pas été comprise par le Commandement français qui n’a pas voulu voir que les mitrailleuses françaises comme les allemandes avaient fait de terribles dégâts. Il n’a pas non plus voulu voir que la cavalerie allemande avait été défaite, massacrée et qu’il en serait de même de la cavalerie française si elle s’aventurait à opérer de la même manière. Il n’a surtout pas voulu comprendre qu’il tombait dans un piège, que l’ennemi l’attirait sur un terrain choisi, préparé et quadrillé pour que l’artillerie lourde cogne sans réglage à chaque passage de crête.

Plus grave encore, pour échapper à la responsabilité d’avoir mis des soldats dans un traquenard, il a laissé dire que le 58ème avait lâché prise…ce qui n’est pas vrai !

Un démenti vigoureux, formulé immédiatement, et au plus haut niveau, à commencer par le lieutenant-colonel Marillier, aurait probablement évité l’affaire du 15ème CA et ses conséquences terribles pour les soldats méridionaux. Certes le général de Castelnau a sanctionné le général Lescot mais, lui-même, quelques jours plus tard, signait cet ordre du jour :

 » L’ennemi est en pleine retraite sur tout le front de l’Armée. Ce n’est plus le moment de pratiquer la guerre méthodique et circonspecte. Toutes les audaces sont permises. En avant partout « 

Bel exemple d’aveuglement.

Dix jours plus tard, après les défaites dans l’Est, la presse parisienne, Action Française en tête, s’acharnait honteusement sur  » les Méridionaux « .

 

 

source récit : http://www.chtimiste.com/

source photos et récit   : http://www.provence14-18.org/lagarde/

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