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28 mars 2013

L’école militaire du Bardo à réhabiliter

milguerres @ 8 h 24 min

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La Tunisie au gré des conflits

L’école militaire du Bardo : Un monument historique qui gagnerait à être réhabilité

Hatem El Karoui, écrivain

L’école militaire du Bardo : Un monument historique qui gagnerait à être réhabilité

 

 

Il existe au Bardo un monument historique qui mérite d’être remis en valeur. Il s’agit de l’Ecole militaire. Fondée par Ahmed Bey, l’école militaire dite aussi polytechnique du Bardo, enseignait, nous dit le chroniqueur Ahmed Ibn Abi Dhiaf, les sciences des fortifications, la géométrie, les mathématiques, le français et le Coran. Ce dernier enseignement était supervisé par l’érudit Mahmoud Qabadou (1812- 1871), homme épris de réformes et de progrès.

Je passais il y a quelques jours près du Musée du Bardo et j’ai visité l’école militaire du Bardo: Une vraie désolation! Fermée en 1869. Transformée en caserne…Et de nos jours depuis l’indépendance elle est fermée. Ni sous Bourguiba, ni sous Ben Ali elle n’a été valorisée et maintenant cela continue avec la « pseudo-révolution ». Un policier qui garde les lieux devant la grande porte du musée du Bardo (l’école est à l’entrée à droite à côté de la mosquée) m’a dit: « Qui pense à la culture aujourd’hui? La culture est encore plus pauvre aujourd’hui qu’hier! » Beaucoup penseraient:  » Vivement le retour à la colonisation, on verrait alors beaucoup plus clair! ». C’est vraiment honteux!

On se demande d’ailleurs en sachant que le palais de la rose (Warda, la Manouba) a été restauré et est devenu le somptueux musée de l’armée, pourquoi il n’en a pas été de même pour l’école militaire du Bardo.

Quelle était donc alors la cause de cette carence ?

On ne peut s’empêcher de penser que le souci des dirigeants antérieurs, aussi louables leurs efforts pour moderniser ce pays furent-ils, avaient par vanité cherché à faire le vide autour d’eux et à gommer les réalisations de leurs prédécesseurs ou leurs contemporains qu’ils considéraient comme des rivaux et des concurrents et comme des empêcheurs de leur accès à la postérité et à l’immortalité.

Ce type de considération est en particulier applicable au Président Habib Bourguiba dont l’égo était tellement fort qu’il avait toujours recherché à effacer les traces des autres dirigeants qui avaient aidé à mener la Tunisie à bon port, notamment les beys de la dynastie husseinite.

L’institut National du Patrimoine et le ministère de la Défense Nationale devraient par conséquent concourir en commun à la réhabilitation de cette école et mettre en valeur ce monument qui témoigne d’une époque où la foi dans le progrès était si grande.

Mais essayons, pour situer l’importance de l’idée cette réhabilitation, essayer de mieux connaitre l’historique de la création de l’école du Bardo.
Sous le règne d’Ahmed Bey (1837-1855), qui fait partie des beys considérés comme éclairés par l’histoire, une école polytechnique avait en effet été installée dans les dépendances du Bardo et qui avait fonctionné de 1840 à 1855 et à laquelle avait succédé une école militaire de 1855 à 1866 (1). Ahmed Bey avait aussi fait construire en 1839, la caserne de l’artillerie, qui devait devenir sous le Protectorat la caserne Forgemol. Le même souverain avait fait élever, pour assister aux évolutions de son armée, un pavillon à étages, kshuk (d’où la famille Kchouk ?), où s’étendront un jour les terrains de jeu de saint Henri (2). Le Borj El Kébir à Manouba fut également agrandi par Ahmed Bey et transformé en caserne de cavalerie.
Dans le site Wikipédia, il est dit que l’école militaire du Bardo avait été fermée sur ordre de Sadok Bey en 1868 en raison de son coût de fonctionnement important, à l’initiative de Mustapha Khaznadar et sous la pression des consuls européens, dans le contexte de la crise financière des années 1860. Mais le professeur Sahli diffère d’une année supplémentaire cette décision de fermer l’école mais pour les mêmes motifs : « En 1869, année de promotion de Mohammed Karoui, Sadok Bey a décidé, à la suite de la création de la Commission Financière Internationale de fermer définitivement l’Ecole Militaire du Bardo en raison de son coût de fonctionnement élevé ». dit-il.Des anecdotes révélatricesEn gros, la formation dispensée par l’école militaire du Bardo avait été positivement appréciée mais il n’en aurait pas toujours été ainsi et elle n’aurait pas toujours été profitable à tous les élèves. Certains des « polytechniciens » du Bardo auraient été déboussolés. Ils auraient été moqués par leurs supérieurs qui n’avaient pas eu à passer par les mêmes épreuves. Mohamed Karoui, élève durant les années 1860, aurait témoigné qu’un jour, « un général de la garde était arrivé à l’improviste à un cours de trigonométrie et avait demandé des explications […]. Deux élèves s’y seraient employés successivement. Après quoi, le général s’en serait allé dignement en disant tout haut : « Et dire que S.A. perd son argent à de pareilles sornettes ! » (Chenoufi 1976 : 75-76). L’anecdote n’aurait cependant pas été rapportée de façon fidèle et on se pose la question de savoir si certains historiens comme Chenoufi ne seraient pas animés de mauvaise foi (ce qui serait grave pour la fonction et son sérieux !). La foi donnée par un autre historien aux dires de Chenoufi sans vérification donne de plus peu de crédibilité à sa thèse (3).
En effet, dans son ouvrage « Historique de la Mission militaire française en Tunisie (1827-1882) », le Lieutenant Colonel Paul Marty dit :
« La situation des jeunes élèves du Bardo, instruits et entrainés, et sans doute aussi quelque peu présomptueux, était parfois pénible vis-à-vis de leurs chefs tunisiens, souvent illettrés, et quelque peu jaloux de la science et de l’indépendance d’esprit de ces élèves-officiers. Ils ne leur ménageaient pas les avanies, aux dires de si Mohamed Karoui, qu’on verra plus loin, et se montraient généralement incompréhensifs ou sceptiques sur les résultats de cet enseignement. C’est ainsi qu’un vieux général fit un jour sortir du rang M’hamed Ouardiane Pacha en lui montrant un énorme tas conique de boulets lui demanda combien il comprenait d’unités. Le jeune homme se mit aussitôt à prendre les mesures du cône, mais le vieux soldat le renvoya en lui disant que puisque sa science ne lui permettait pas de dire instantanément le nombre de boulets, il n’avait que faire de ses formules.
Une autre fois, le Général de la Garde, Allala ben Frija, qui par ailleurs a laissé ici, après plus d’un demi-siècle, une pénible réputation, arriva à l’improviste à un cours de trigonométrie et demanda des explications. On saisit facilement la difficulté de faire comprendre à un illettré un cours de cette valeur, d’autant plus qu’il fallait le lui traduire en arabe. Deux élèves s’y employèrent successivement. Après quoi, le Général s’en alla dignement, en disant tout haut : « Et dire que son Altesse le bey perd son argent en de pareilles sornettes ! ».
Les élèves, indignés, prirent leur petite revanche peu après. Un d’entre eux, ayant besoin d’une permission, en fit la demande par écrit au Général, qui écrivit deux mots en arabe, au-dessous : « Autorisé à partir », mais ces deux mots contenaient quatre fautes, et ce fut dans l’allégresse générale que le papier circula dans l’école où on le garda précieusement et où « l’autorisé à partir » devint l’objet d’innombrables plaisanteries.
Si Mohamed Karoui, qui raconte ces traits, conclut: « Voila les gens, ignorants des premiers éléments de leur langue maternelle, qui prétendaient juger l’enseignement de nos savants et dévoués professeurs ».
Ce n’était donc pas la qualité de l’enseignement qui était mauvaise mais la jalousie de quelques uns des hiérarques ignorants et incultes de l’administration beylicale qui étaient la cause de cette mauvaise presse. Voici donc une déformation préjudiciable des faits historiques ! Mais à qui profite-t-elle ?…Passons…

Kheireddine y avait-il étudié ?

Les meubles, la bibliothèque ainsi que les professeurs auraient été intégrés quelques années après la fermeture de l’école à la nouvelle institution moderne fondée par Kheireddine Pacha en 1875 le Collège Sadiki. D’ailleurs, les trois premiers dirigeants du collège sont Mohamed Larbi Zarrouk et les généraux Skander et Baraket, tous des anciens de l’école militaire.
Quant à Mohamed Karoui, il avait été nommé, par décret du 8 mars 1870, aide de camp attaché du Ministre Mohammed Khaznadar auprès du Général Kheireddine. Quand ce dernier est devenu membre du gouvernement du Grand Vizir Mohammed Khaznadar, Kheireddine l’avait alors nommé Secrétaire de la Commission Financière Internationale dont il était président. Compte tenu de sa vive intelligence et de sa parfaite maîtrise des langues Arabe et Française, il avait obtenu, à partir de 1880, la poste de premier interprète au Premier Ministère, soit peu de temps avant le protectorat (1881). Et ce n’est qu’en 1885 qu’il avait été nommé pour une année, directeur au collège Sadiki.
Il faut cependant rappeler que Kheireddine avant de fonder Sadiki avait eu des liens étroits avec l’école militaire du Bardo sans pour autant y avoir poursuivi des études (4). D’abord il avait été mené de manière fortuite dans le beylik de Tunis, et dans les années 1839/40. Ahmed Bey venait de s’engager dans une série de réformes militaires ambitieuses prenant pour modèles, des programmes turcs et égyptiens. La pièce centrale en fut l’école militaire du Bardo (Al Mekteb el Harbi) qui succédait à la tradition de l’éducation des Mamelouks tout en la concurrençant et en anticipant le collège Sadiki.
Nous reviendrons sur le fonctionnement de cette école (professeurs y ayant enseigné, élèves brillants qui y avaient étudié dans un autre article.

HK
Hatem El Karoui, écrivain

(1) L’Amiralay Karoui y accédera en 1859, soit 4 ans plus tard quand elle fut dénommé école militaire. Ici il existe une petite contradiction entre ce que dit Paul Sebag dans « Tunis, histoire d’une ville » L’Harmattan Histoires et Perspectives Méditerranéennes lorsqu’il affirme que l’école avait fermé ses portes en 1866, et ce qu’affirme l’historien Hammadi Sahli dans sa conférence au siège des anciens de Sadiki le 14 novembre 1994, lorsqu’il avait avancé que l’Amiralay avait terminé ses études à l’école en 1869 après y avoir étudié pendant 10 ans, coïncidant avec l’année de fermeture de l’école en 1869 suivant également d’autres sources.
(2) Les chauffeurs de taxi l’appellent aujourd’hui «santarine», déformation du nom «Saint-Henri», actuelle Cité Bouchoucha. Ce quartier est typique. Il est situé dans l’agglomération du Bardo, un lieu chargé de souvenirs et d’histoire. Sa proximité du Bardo, le lieu qui a vu la signature du protectorat le 12 mai 1881, a fait sa notoriété et sa richesse. Le nom du Bardo vient de l’espagnol «prado» ou «pardo» qui signifie jardin clos ou parc.
(3) L’école des palais : les maîtrises de l’écrit parmi les mamelouks des beys de Tunis, des années 1770 aux années 1860 par M’hamed Oualdi. In http://ejts.revues.org/1403
(4) Voir http://books.google.fr/books?id=XjMNN9gDMegC&pg=PA172&lpg=PA172&dq=L’%C3%A9cole+militaire+du+bardo&source=bl&ots=bIVHu96x6J&sig=EEp-U5k1h3qv93TGKC0iJCOkO08&hl=fr&sa=X&ei=ETZEUePfFI-RhQfwoYCYBw&ved=0CC0Q6AEwADgK#v=onepage&q=L’%C3%A9cole%20militaire%20du%20bardo&f=false

SOURCE : http://www.alterinfo.net/L-ecole-militaire-du-Bardo-Un-monument-historique-qui-gagnerait-a-etre-rehabilite_a88295.html

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