Le rôle des femmes durant la Première Guerre mondiale
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Le rôle des femmes françaises
durant la Première Guerre mondiale
Alors que les femmes n’ont toujours pas le droit de vote et que le code civil les assujettit à leur mari, la guerre va leur ouvrir la porte de métiers jusque-là réservés aux hommes. Outre le rôle d’infirmière, la femme fabrique des munitions, conduit des ambulances, revêt la casquette de chef de gare, et tant d’autres. Une conversion dont s’empare la presse, publiant par millions des cartes postales à l’effigie de ces « nouvelles » femmes.
Aujourd’hui usées, essoufflées, ces cartes sortent de leur boîte poussiéreuse et nous apparaissent comme les témoins de la Grande Guerre. Nous sommes en 1914…
À la ville, dans les usines et ailleurs
Une femme qui fabrique des obus et des casques – elle qui, jusqu’alors, fréquentait les usines de textiles et les bonneteries –, voilà quelque chose de nouveau! C’est que les usines d’armement qui contestaient jusqu’alors la capacité des femmes doivent se faire à cette raison: ils ont besoin des femmes, ces « munitionnettes ». L’homme est au front, il faut maintenir l’économie et ravitailler nos valeureux soldats.
Ces usines ne sont pas les seules à convoiter la femme; dans bien des domaines elle remplace l’époux, le père, le fils parti combattre. Ainsi, elles sont nombreuses à conduire des ambulances, des véhicules militaires mais aussi des tramways. Chefs d’équipes dans les chemins de fer, gardes-voies, porteuses de journaux, bagagistes, livreuses de magasins… tant de postes dans lesquels elles s’illustrent, manifestant cette capacité autrefois contestée.
À la campagne
Tout comme en ville, la paysanne prend en charge le travail de l’homme absent. Elle manœuvre la charrue, laboure le champ, récolte les pommes de terre, le blé, elle répare le hangar tout en tenant son rôle de mère, puis soigne ses mains usées par l’ouvrage.
La mobilisation de ces paysannes se fait par l’appel de Viviani, l’inventeur de l’impôt sur le revenu, le 7 août 1914. En voici un passage : « Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie. Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille [...] Debout! À l’action! À l’œuvre! »
À la ville, à la campagne, mais pas sur le champ de bataille!
Si l’engagement de la femme dans la guerre est irrévocable, la France ne préconise en rien son enrôlement sous le drapeau tricolore. Oui, ils se sont trompés – la femme peut effectivement occuper certains postes traditionnellement masculins –, mais la guerre c’est une affaire d’hommes!
Alors qu’en Angleterre, des bataillons féminins sont créés, deux jeunes françaises écrivent au journal Le Matin à ce sujet, le 26 février 1915: « Cette mesure gracieuse nous remplit de joie car elle nous fait espérer qu’aucune raison ne s’oppose à ce que l’on fasse autant ici… Les femmes revendiquent à leur tour le droit de contribuer à la défense du sol… Hélas, pourquoi tant de bonnes volontés sont-elles inutilisées? Partout où elles se sont adressées, elles ont été renvoyées à leur soupe. » Puis de conclure: « Pour notre père, vétéran de 70 qui depuis le début de la guerre se lamente de n’avoir que des filles, quel bonheur ne serait-ce pas! »
Le soutien féminin
La guerre sur le champ de bataille leur est refusée, certes, mais il est évident que leur soutien aux soldats durant ces quatre longues années a joué un rôle important sur le dénouement des événements. Que ce soit l’infirmière, par son soutien à la fois physique et moral aux blessés, les marraines de guerre qui écrivent et envoient des colis aux soldats du front, ou ces femmes qui ont revêtu la toge du père, du mari absent, tout en lui remontant le moral par le biais d’une correspondance… toutes se sont enrôlées, chacune à leur manière, dans cette terrible guerre qui fit 18 millions de morts.
Les marraines de guerre
Installées derrière leur pupitre, des femmes rédigent les lettres et remplissent les colis qui, demain matin, partiront pour le front. Dans quelques jours, les vivres parviendront aux soldats coupés de toutes nouvelles de leur famille, leur rappelant un instant qu’ils ne sont pas seuls et que quelqu’un à l’arrière pense à eux. Ce quelqu’un, ce sont les marraines de guerre: une figure féminine populaire de la Première Guerre mondiale.
Les marraines de guerre voient le jour en janvier 1915
Il s’agit d’une œuvre de bienséance à l’initiative de catholiques conservateurs: donner aux soldats esseulés un soutien et une présence de substitution. En effet, ils sont de nombreux soldats à ne plus pouvoir écrire ni avoir de nouvelles de leur famille – et ce, notamment, parce que leur région est envahie par l’ennemi.
C’est pour ces hommes que Marguerite de Lens fonde, le 11 janvier 1915, la première association des marraines de guerre: La Famille du Soldat. En adressant lettres et colis, les marraines prennent ainsi le rôle de la mère ou de la sœur, et redonnent le moral aux «filleuls» infortunés. Et le moral, c’est bien connu: c’est bon pour les troupes et, donc, pour la guerre! Très vite, d’autres associations vont lui succéder, et de nombreux journaux vont, à leur tour, jouer les intermédiaires: L’Écho de Paris, L’Homme enchaîné, Le Journal, La Croix, etc
Carte postale de Marraine de guerre
Les marraines de guerre: du soutien moral au flirt épistolaire
«Oh! Cela s’est fait bien simplement. Un jour, un copain a donné son adresse, là-bas, à Paris. Pour rigoler, quoi! Mais une lettre est venue [...] Joli papier mauve, enveloppe doublée, format d’oiseau. À l’intérieur, quatre pages d’une écriture élégante, longue comme la main qui l’écrivit, une écriture de matin et d’avril. [...] Puis ce furent les colis, les colis où les durs doigts se perdent dans les tiédeurs. Colis, lettres, lettres, colis: voilà la Marraine!» Joseph Delteil, Les Poilus : épopée (1925)
N’en déplaise aux conservateurs, l’œuvre morale et patriotique est victime de son propre succès: très vite, les soldats se débrouillent pour trouver eux-mêmes une marraine. Ils passent une annonce dans un journal ou se font adopter par la sœur ou une amie d’un camarade. Il ne s’agit plus seulement des soldats des régions envahies mais tous les hommes qui voient là l’occasion d’un flirt épistolaire. Petit à petit, la marraine de guerre passe ainsi du soutien moral à la relation amoureuse entre poilus esseulés et jeunes filles au cœur à prendre. Bien souvent, à la suite de ces échanges, s’esquisse une belle romance, et nombre de couples se formeront lors des permissions et après la victoire.
Petites annonces des poilus aux marraines de guerre
En mai 1915, le journal Fantasio lance une opération baptisée «le flirt sur le front» et propose de servir d’intermédiaire entre les jeunes hommes de l’avant et les jeunes femmes de l’arrière. Six mois plus tard, submergé de demandes militaires, le journal met un terme à son initiative.
Le 4 décembre 1915, la revue La Vie Parisienne prend le relais et ouvre à son tour ses colonnes aux petites annonces des mobilisés. Le succès est tel que six mois plus tard, la revue hebdomadaire fait paraître deux pleines pages d’annonces de filleuls en quête d’adoption – et ce malgré la pression des bien pensants qui voient cela d’un mauvais, très mauvais œil.
Les annonces, elles, sont aussi éclectiques que nombreuses: «Jeune aviateur, perdu dans le bleu ciel d’Orient, attend encore la blonde, jolie, charmante marraine qui viendra gentiment, par son gai gazouillement, lui rappeler Paris et son bon temps. Discrétion absolue» écrit Henri Hardzan. Ou encore «Poilu, peu de barbe, désire câliner petite marraine pour triompher des rongeurs moraux du front» d’un certain Jean de la Valvoline (1).
Les marraines de guerre, décriées, détestées et soupçonnées de trahison
Vantées et désignées autrefois comme les exemples de patriotisme par excellence, les marraines de guerre ne sont désormais plus que les «vieilles filles profiteuses», le reflet du délabrement décrié par les institutions. L’œuvre française du 25 janvier 1917 n’y va pas par quatre chemins: «D’un mot où s’abrita tant de pieuse et patriotique bienfaisance, des gens couvrent leur cauteleux proxénétisme».
Même l’armée s’en méfie: les marraines – celles là même qui ont mis du baume au cœur de ses soldats – pourraient bien être des espionnes chargées de relayer les mouvements des régiments, et des infiltrations sont organisées. Bien sûr, rien de suspect n’a jamais pu être trouvé, puisqu’on vous le dit: ces femmes n’étaient ni plus ni moins que «des petites marraines aux yeux doux» qui, à leur manière, accompagnèrent les hommes éreintés par quatre longues et pénibles années de conflits.