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6 janvier 2013

Les coups de main et le nettoyage des tranchées français

milguerres @ 22 h 19 min

 

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Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8


Les coups de main et le nettoyage des tranchées français
pendant la Première Guerre mondiale.

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8CHAVAROCHE Dimitri, Faire place nette. Les coups de main et le nettoyage des tranchées de la
Première Guerre mondiale sur le front occidental (1915-1918), mémoire de M2 d’histoire, D. Kalifa dir., Université Paris 1, 2010.
Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8(source document pdf : http://www.crid1418.org/doc/textes/chavaroche_coupsdemain.pdf )

Le front de la Grande Guerre n’est pas le théâtre d’une simple alternance d’assauts et de moments de relative accalmie où seule l’artillerie occupe le terrain. De multiples opérations, appelées coups de main, se sont déroulées sur tous les secteurs du front et pendant toute la durée du conflit. Je propose de présenter brièvement ici ce que recouvrent les coups de main et montrer toute l’importance qu’ils ont eue pendant la guerre. Ces opérations ont donné lieu à de très nombreux combats rapprochés, d’homme à homme dont il me semble aussi intéressant de questionner les modalités de déroulement.

La pratique des coups de main, (et du nettoyage des tranchées) nous est accessible par de nombreux documents, principalement conservés aux archives du service historique de la défense (SHD), situé au château de Vincennes. J’ai rassemblé un important corpus de projets et comptes-rendus de coups de main. Ils nous renseignent sur les coups de main, de leur genèse à leur exécution. Ils sont une source riche, pour comprendre les pratiques de combat dans la
guerre de tranchées. Cependant s’ils peuvent se montrer très précis sur la façon dont sont pratiqués les combats, les projets et comptes-rendus de coup de main restent muets sur le vécu et les ressentis des soldats. J’ai également travaillé sur des notes et des réflexions des grands généraux traitant des aspects stratégiques de la guerre, pour comprendre comment la guerre était pensée par les généraux qui la menaient.

J’ai complété ces recherches avec l’étude de témoignages, publiés pour la majorité d’entre eux. Elle est très utile pour comprendre les représentations des combats qu’en avaient les soldats, mais aussi pour approcher les craintes, les espérances, les problèmes et les actes des hommes au cours des combats

Les Petites Guerres de la Grande Guerre.
Leurs objectifs.

Les coups de main sont des opérations de petite guerre, dans le sens où elles engagent sur un front réduit des effectifs limités qui n’ont pas pour but de gagner du terrain sur l’adversaire. Les coups de main visent principalement des positions adverses de petite envergure. Il peut s’agir d’une embuscade contre une patrouille ennemie, ou l’attaque d’une
position particulière comme une portion délimitée de tranchées et de boyaux, ou une position renforcée que peut être un blockhaus. Un coup de main est une opération de courte durée qui n’a pas vocation à être poursuivie. Un projet de coup de main en juillet 1916 recommande de « ne pas rester plus d’un quart d’heure dans les tranchées allemandes1 ». Dans un autre projet de coup de main, au sein de la 162e RI, son auteur prévoit que l’opération ne doit pas excéder
trente minutes2. La durée prévue pour l’opération est la durée maximale envisagée. Si les objectifs sont remplis avant terme, les soldats peuvent se replier. Les coups de main sont pensés dans une temporalité très courte qui ne dépasse que très rarement l’heure ou la demi-heure.
Le principe est d’engager un combat rapide sur un lieu précis sans laisser le temps à l’ennemi de
s’organiser et de se défendre.

1 SHD 19 N 740. Groupe franc des 5e et 15e régiments de chasseurs. Secteur de la Plaine, sous-secteur de Prosnes.
Projet de coup de main signé de Trémon en juillet 1916.
2 SHD 19 N 1477. 162e RI. Projet de coup de main sur la tranchée Lavaud. Signé le 3O mars 1918 par le colonel
Bertrand, commandant le 162e RI.

Les buts des coups de main sont toujours clairement exposés dans les sources. Le premier de ces objectifs est de prendre des renseignements sur l’ennemi ; besoin essentiel du commandement pour la poursuite des combats. Les soldats adverses capturés sont la première source d’informations. Si les assaillants ne parviennent pas à faire des prisonniers, ils doivent prendre si possible du matériel ennemi susceptible d’apporter des renseignements sur
l’adversaire tels que des documents manuscrits, mais aussi des pattes d’épaules, des armes, et dans certains cas un cadavre adverse. À partir du moment où l’opération réussit à faire un prisonnier, la mission est considérée comme un succès.
Dans le cas où elle n’y parviendrait pas, et même si la position attaquée est détruite et que tous les occupants ont été tués, la mission est considérée comme un échec. L’objectif du coup de main se situe à une autre échelle que celui
d’un assaut. Au lieu d’être un rempart à dépasser pour conquérir le terrain adverse, les défenseurs sont l’objectif même de l’opération.

Autour de ce premier objectif gravitent d’autres finalités. Les coups de main sont le moyen d’attaques préventives, dans le but de se défendre d’attaques adverses par la destruction des organisations et des armements montés dans les tranchées. Par exemple, un projet de coup de main d’octobre 1917 prévoit de « détruire les abris [...] [et de] vérifier et détruire les appareils éventuels d’émission de gaz.3 » La destruction des positions et des organisations adverses
permet, entre autres, de ralentir et de retarder l’adversaire dans la préparation de ses offensives,
comme les attaques aux gaz.

Rester en mouvement.

Circonscrits dans l’espace et le temps, les coups de main sont des opérations très fréquentes. Leur multiplication sert à répondre aux besoins en informations du commandement pour poursuivre la guerre. Opérations essentiellement de petite envergure, les coups de main sont aussi le moyen de garder le front actif. Les soldats occupant les tranchées en
témoignent. Le sous-lieutenant Torquat écrit à propos de son séjour dans le secteur de Calonne aux Éparges, en 1917, que « le calme est troublé par des  »coups de main » périodiques4».
En Alsace, le soldat Daguillon, note dans ses carnets le 2 février 1917 que « la seule agitation du secteur est créée par les coups de main qui ont lieu tous les dix jours environ. 5»
La fréquence des coups de main varie dans le temps et selon les secteurs. Par exemple, dans la nuit du 23 au
24 juillet 1916, la 69e DI doit réaliser deux coups de main, un sur « le bois de la Mine » et le second sur « le bois des Boches et de la Miettes ». Le même soir, la 22e DI doit également agir sur le même secteur avec un coup de main sur « la rive nord de l’Aisne, face à Berry-au-Bac »6.
On pourrait ainsi multiplier les exemples permettant de voir la fréquence des opérations de coups de main sur tout le front à partir de l’année 1915 et ce jusqu’à la fin de la guerre. Ils sont nombreux sur les secteurs où aucune offensive importante n’est prévue. Par contre, ils se font plus rares dans les secteurs où une attaque importante s’organise pour ne pas gêner la préparation de l’attaque et éveiller chez l’adversaire la possibilité d’une offensive.

3 SHD 22 N 187. 117eRI. Plan d’engagement. Signé le 11 octobre 1917 par le chef de bataillon Gastine,
commandant l’opération.
4 TORQUAT. « La vie guerrière dans un secteur calme avec le 41eRI à la tranchée de Calonne durant l’été 1917»,
L’almanach du combattant, 1976, p. 122.
5 DAGUILLON Jean, Le sol est fait de nos morts. Carnets de guerre (1915-1918), Paris, Nouvelles Éditions latines,
1987, p. 356.
6 SHD 19 N 923. Ve armée, 37e C.A. Note sur les coups de main du 37e C.A (semaine du 16 au 23 juillet). Signé au QG
le 25 juillet 1916.

Ils servent cependant, en amont des attaques, à préparer le terrain et à obtenir des informations sur celui-ci.
Avant l’offensive sur le Chemin des Dames, des coups de main ont été réalisés afin de « faire des prisonniers et d’obtenir des renseignements précis [et] d’ouvrir peu à peu toute une série de brèches dans les réseaux.7 »Dans ce cas, les coups de main ont servi de préparation à l’attaque et fourni des informations sur la façon de mener l’offensive le jour J.

Une guerre d’usure
Dans les secteurs calmes et face aux difficultés rencontrées pour percer le front allemand, les coups de main sont un moyen de sortir de la passivité due au retranchement et à l’échec des offensives. La multiplication de ces opérations et ses conséquences (destruction de la position adverse, prisonniers, combats répétés de courte durée) sont, je crois, une
caractéristique de la guerre d’usure qu’a été le premier conflit mondial : une guerre d’usure toujours dans l’action et le mouvement. Il s’agit, nous disent les sources, « d’agir sur le moral de l’ennemi8 », « d’imposer notre supériorité morale à l’ennemi9 ». Le coup de main doit démoraliser l’adversaire pour l’affaiblir.

Le souci du commandement français est de garder le front actif. Une Note au sujet des coups de main émise par le 1er C.A, en janvier 1917 présente, en ces termes, le postulat du général du corps d’armée pour qui les coups de main sont indispensables : « imposés par la nécessité [...] de maintenir les troupes dans une atmosphère de combat.10 » Les coups de main sont le moyen d’entretenir l’adversité et l’esprit combattif de la troupe, dont les généraux redoutent l’enlisement en même temps que celui de la guerre. Ils empêchent ainsi tout désir ou velléité de non agression des troupes de part et d’autre du no man’s land et brisent le développement de trêves tacites existantes. Il faut «tenir et tenir en haleine l’ennemi 11» et donc avoir l’initiative des hostilités ce que permet la pratique répétée des coups de main.

Les coups de main constituent une part importante des combats de la guerre de 1914-1918. Dès l’été 1917, les coups de main changent de statut. D’un statut de d’opérations primordiales mais secondaires après les offensives, les coups de main deviennent le principal mode de combat engagé. Dès sa nomination, le général Pétain décide de mener une guerre de coups de main sur tout le front. Après la bataille du Chemin des Dames, il n’est, pour lui, plus possible « d’envisager pour le moment, la rupture du front ». Pétain envisage « d’user l’adversaire avec le minimum de pertes 12» par de petites attaques par surprise sur tout le front, et la mise en place de trois opérations dans les « proportions d’un vaste coup de main.13»

7 SHD 16 N 1990. Opération du GAN. Repli ennemi sur la position Hindenbourg. Note sur les dispositions prises à
la 1e armée pour suivre le mouvement de repli ennemi. Fait au GQG le 24 mars 1917.
8 SHD 19 N 1103. VIe armée, 53e DI, 106e brigade, 329e RI. Compte-rendu d’un coup de main effectué dans la nuit
du 20 au 21 février 1916, signé le 21 février 1916 par le colonel Printons commandant le 329e RI.
9 SHD 19 N 1475. 32e C.A, 45e DI. Rapport d’opération sur le coup de main sur le bois de la source, signé du général
Quiquandon, commandant la 45e DI, le 7 juillet 1916.
10 SHD 22 N 24. IVe armée, 1er C.A. État-major. Note au sujet des coups de main, signé au QG le 2 janvier 1917.
11 FERRO Marc, BROWN Malcolm, CAZALS Rémy, MUELLER Olaf, Frères de tranchées, Saint-Armand-Montrond,
Perrin, 2005, p. 156.
12 SHD 16 N 1989. GQG des armées du Nord, Nord est, le 19 mai 1917. Personnel et secret pour les commandants
des groupes d’armées et armées seulement. Directive N°1. Signé du général Pétain.
13 SHD 16 N 1989. GAE. Le général du Curieres de Castineau commandant le GAE à Mr le général commandant en
chef. Au QG le 24 juin 1917. Projet d’attaque établi en exécution de la directive du général Pétain du 19 mai
1917.

Ces trois opérations doivent avoir lieu sur trois fronts différents, La Woëvre dans la Meuse, la Malmaison dans l’Aisne et dans la région du Violu en Haute-Alsace et dans les Vosges. À côté de ces trois opérations, la poursuite de la guerre est menée comme une succession de coups de main. La Nomenclature des coups de main français et allemands sur le front du 270e RI du 27 mars au 8 octobre 1918, mais aussi l’énumération, faite par le général Hély d’Oissel dans ses carnets, des coups de main français et allemands exécutés sur le front du 8e C.A en Champagne et en Argonne entre les mois de juin 1917 et mars 1918, reflètent très bien la multiplication et l’importance considérable des coups de main à partir de l’été 1917. Ces listes nous montrent qu’en moyenne, un coup de main est lancé tous les deux jours, quand ce ne sont pas plusieurs coups de main en même temps.

Transmettre et théoriser les combats.

La grande répétition des coups de main produit une masse documentaire importante.
Chaque coup de main est au préalable détaillé par un projet, qui présente l’opération et qui, en remontant l’ordre hiérarchique jusqu’au général de corps d’armée, est annoté par chacun des généraux. La conception de la guerre et des combats que se font les généraux est alors perceptible. De la même façon, après chaque coup de main, un rapport, un compte-rendu du coup de main est écrit. Ce document suit la même voie hiérarchique. Chacun des généraux donne son avis sur le déroulement de la mission. Les comptes-rendus sont aussi le moyen, pour les chefs sur le terrain, de faire remonter les difficultés aussi bien tactiques que matérielles.

Cette transmission permet aux différents commandants de discuter les conceptions du combat présentées par les autres généraux. Les coups de main sont ainsi le creuset de réflexions sur la pratique des combats de tranchée. À partir de ces informations tactiques, contenues dans les comptes-rendus, certains généraux développent des théories pratiques du combat de tranchées.
Durant toute la guerre, le haut commandement a utilisé ces théories et les informations issues du terrain pour proposer des méthodes pour mener les combats. Ces modèles restent très schématiques pour laisser aux commandements sur le terrain la liberté de les adapter aux multiples circonstances et réalités.

Exécuter un coup de main.
Quels soldats pour les coups de main ?

La pratique des coups de main n’est pas l’apanage de certains soldats en particulier. La participation à un coup de main est une possibilité pour tous les soldats présents sur le front.
Principalement exécutés par des troupes d’infanterie, il n’est pas rare de voir la présence d’unités de cavalerie et de génie. Les troupes d’un coup de main peuvent être désignées parce que l’unité est au repos et peut préparer l’opération. Il peut s’agir aussi de volontaires. Le volontariat pose la question des raisons de l’engagement. Les soldats ne se portent pas volontaires pour ces missions très périlleuses si en retour il ne leur est rien accordé. La participation à des coups de main est l’occasion pour les soldats de récompenses en argent, décoration, promotion, mais surtout en permissions. Attribuées en cas de réussite du coup de main, les permissions sont très convoitées. Se porter volontaire pour une expédition certes très dangereuse, mais courte, est peut-être un moyen d’en obtenir une plus rapidement.
Au cours de l’année 1916, des troupes particulières sont créées. Ce sont les corps francs dont l’unique mission est l’exécution des coups de main. Ces troupes sont créées de façon temporaire pour la guerre de tranchées et en dehors de l’organigramme traditionnel de l’armée.
Basées sur le volontariat, elles sont l’oeuvre d’initiatives personnelles de généraux de division ou de régiment pour répondre au besoin toujours plus grand de coups de main. Les corps francs mènent une vie quotidienne différente du reste de la troupe. Ils bénéficient d’avantages comme celui de ne pas effectuer de « service de tranchées14 ».
Ces soldats ne tiennent pas les tranchées ni n’exécutent les travaux journaliers d’entretien. Ils restent stationnés à l’arrière où ils doivent s’entraîner et préparer les coups de main qu’ils ont à mener. Cependant les troupes franches ne
sont pas assez nombreuses pour exécuter l’ensemble des coups de main.

La préparation d’un coup de main est déléguée au commandant qui commande ensuite l’opération. La tâche lui revient d’établir la position visée, le plan d’attaque, l’engagement ou non de l’artillerie et les effectifs qu’il soumet ensuite à son supérieur selon le processus présenté plus haut. Les soldats qui participeront à l’opération sont préparés en arrière du front.
Ils apprennent alors un rôle propre à l’opération qu’ils devront ensuite reproduire lors du combat.

Coup de main : nettoyer la position.

Élaborée avec l’évolution des assauts, la pratique du nettoyage des tranchées est la principale action des coups de main. Elle consiste avant tout à une action de fouille de la position attaquée, à la recherche des ennemis pour les faire prisonniers. Pour capturer l’adversaire il faut le surprendre avant qu’il ne puisse se défendre ou fuir la position. Les soldats des groupes d’attaques tentent donc des approches les plus discrètes possibles en se fondant la nuit dans le paysage ou en profitant du brouillard pour ne pas être vus. Arrivés sur la position visée, deux principaux facteurs influencent les comportements des soldats au moment de combattre directement l’adversaire et nettoyer la position.

Dans les combats, le principal enjeu est de sauvegarder sa vie. Pour ce faire, les soldats combattent en essayant de se découvrir au minimum. La fouille de la position peut alors se faire du haut des parapets sans descendre dans
les tranchées qui peuvent parfois être des espaces-pièges. Une fois dans les tranchées, il est plus difficile pour les assaillants de se déplacer et de riposter à des défenseurs placés à des chicanes ou sur le dessus des tranchées. Ils peuvent alors devenir des cibles faciles pour des défenseurs qui ont réussi à s’organiser. Le nettoyage de la position peut donc aussi s’effectuer par le « plafond et à cheval de la tranchée15». Cette technique laisse aux soldats une plus grande liberté de mouvements et de mobilité. Cependant les abris dans lesquels peuvent se cacher d’éventuels
défenseurs ne sont pas forcément bien visibles du haut des tranchées ce qui peut obliger les soldats à descendre dedans.

À côté des petits postes d’écoute qui peuvent être la position visée d’un coup de main, ou pris dans un ensemble plus grand, les assaillants ont principalement affaire à des ennemis retranchés dans leurs abris, quand ils ont été surpris et qu’ils n’ont pas eu le temps de se défendre et de fuir. Les combats sont alors menés à partir des entrées des abris. Les assaillants ne descendent pas dedans, car cela reviendrait à s’exposer directement aux défenseurs qui les attendent dans l’abri16.
À l’entrée des sapes et des abris, les groupes d’attaque somment les défenseurs de se rendre. Ces sommations sont verbales, ou à l’aide de grenades fumigènes et explosives. Lorsque les défenseurs refusent de se rendre et ripostent, le combat est mené jusqu’à son terme, à savoir leur capture, ou leur mort. Gaston Gras note dans ses carnets que les défenseurs se constituent prisonniers, à partir du moment où ils « se rendent compte de l’inutilité d’une
résistance17 ». Si les nettoyeurs cherchent à rendre hors de combat les ennemis, ils ne cherchent
pas à les tuer tous. La priorité est de les constituer prisonniers.

14 SHD 19 N 1324. Carton 181. chemise Groupe franc. 34E C.A. Projet d’instruction général, daté du 1er décembre
1916.
15 SHD 19 N 1063. VIIe armée. Compte-rendu de l’opération du 5 mai 1917 sur l’attaque du Moulin de Laffaut.
Compte-rendu adressé au général commandant la VIIe armée, établi au QG le 28 juillet 1917 par le général de
division Franchet d’Esperay, à partir des observations d’un commandant de compagnie sous ses ordres.
16 Voir « abordage. Réflexions sur la cruauté et l’humanité au coeur de la bataille » dans OFFENSTADT Nicolas (dir.),
Le Chemin des Dames, de l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, p. 191
17 GRAS Gaston, Malmaison, 23 octobre 1917, Paris, Vieilleimard, 1934, p. 86.

Le meurtre de prisonniers n’est aucunement du nettoyage de tranchées et ne relève pas non plus des nettoyeurs en particulier. « Le Sergent Bosc aidé du caporal Guillon entraîne l’allemand qu’il a saisi; ce dernier se couche ; il le tue d’un coup de pistolet.18 » Ces meurtres ont lieu à un moment où l’autorité des assaillants vacille, et révèle aussi la peur des soldats tout au long de l’opération. Cette peur est celle de l’ennemi, de sa liberté de mouvement, de se faire surprendre et de se faire tuer. Lorsqu’il apparait dans les sources, le meurtre des prisonniers est systématiquement légitimé par un comportement non coopératif des prisonniers. L’excitation et la peur associées à l’impression de perdre le contrôle de la situation, dans des instants critiques où l’éphémère et fragile domination instaurée peut basculer très rapidement, sont
autant de facteurs qui poussent à l’assassinat de prisonniers perçus comme non coopératifs.

Le matériel est aussi visé par les assaillants. Il s’agit de prendre le matériel transportable comme des documents, des grenades, des munitions dans le but de connaître les évolutions technologiques de l’adversaire. Il faut aussi mettre hors service l’organisation ennemie, en détruisant par exemple ses abris, son stock de munitions, son artillerie de tranchée et ses moyens d’attaque par les gaz.

Les armes du combat.

Le nettoyage des tranchées engendre des combats directs entre les soldats. Ces combats souvent très violents se font avec des armes qui permettent la plus grande efficacité d’action et de sauvegarde. Le couteau est très mal perçu dans les témoignages. C’est une arme de criminel, d’apache, et non de soldat comme on peut le voir chez Barthas par exemple19. Pour les soldats, combattre et tuer l’ennemi est légitimé quand il se fait avec les armes du soldat.
Cattier écrit : « dans la dernière sape, deux soldats refusaient de se rendre. Le poignard pendait à ma ceinture… Non je ne suis pas un assassin. Je balançais pourtant deux grenades dans la sape.20 »
Les projets et les comptes-rendus de coup de main attestent la forte présence des couteaux emportés par les soldats au cours des actions.
Cependant les comptes-rendus ne mentionnent que rarement l’utilisation du couteau lors des combats, (que ce soit dans des mains de soldats français, coloniaux ou allemands). Mais la faible présence des couteaux dans les comptes-rendus
ne fait taire en rien la violence des combats, et reflète simplement son inefficacité et sa faible utilisation. Atteindre l’adversaire au couteau implique un engagement ultime au corps à corps.
Cela suppose d’être exposé aussi à un coup de couteau de l’adversaire ou à une riposte avec une arme à feu avant de pouvoir l’atteindre. Le couteau peut alors avoir pour certains soldats une autre fonction : celui d’exutoire à la peur, dernier rempart contre l’ennemi et contre la mort.
Il ne sert pas à tuer mais à se protéger.

Les soldats sont équipés de façon à éviter cet engagement au corps à corps. Ils disposent d’armes à feu efficaces : des pistolets et des grenades, distribués à chaque soldat avant l’opération.

18 SHD 19 N 1324. Carton 181. 58e DI, 281e RI, groupe C.R.G. Compte-rendu sommaire du coup de main sur le pont
d’Aspasch tenté dans la nuit du 15 au 16 avril 1917. Signé le 16 avril 1917 par le lieutenant-colonel Grobert
commandant le C.R.G.
19 BARTHAS Louis, Les carnets de guerre de louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, Paris, La découverte, 2003
[première édition 1973], p.163.
20 Témoignage de Cattier dans BOUTEFEU Roger, Les camarades : soldats français et allemands au combat 1914-
1918, Paris, Fayard, 1966, p. 327.

Ces armes laissent une très grande liberté de mouvement aux soldats et permettent d’atteindre l’adversaire rapidement sans s’exposer soi-même. La grenade est l’arme la plus utilisée, dans le combat de tranchée, contre des défenseurs situés dans des trous et dans les abris.
Le pistolet ou le revolver est très efficace à petite distance et est très maniable dans les tranchées. Cette arme de poing, courte et légère, permet de tenir en respect l’adversaire en le dissuadant de toute velléité de résistance.

Les assaillants ont pour certains coups de main la possibilité d’être accompagnés de soldats du génie armés d’explosifs ou de lance-flammes. Ceux-ci sont employés pour la lutte contre des défenseurs réfugiés dans leurs abris. L’efficacité du lance-flamme est quasiment nulle contre un ennemi le tenant à distance. Par contre son efficacité est totale dans un espace clos, ce qui lui confère aussi une grande force de dissuasion.
D’un point de vue stratégique et tactique, les coups de main sont des actions déterminantes, indispensables à la poursuite de la guerre. Minutieusement préparées, ces multiples opérations concernent un très grand nombre de soldats, spécialisés ou non, qu’ils soient désignés ou volontaires. Lors des combats, tout en tentant de remplir les objectifs du coup
de main (capture de prisonniers, prise de renseignements), les soldats agissent selon des méthodes et utilisent les armes leur permettant de sauvegarder leur vie. Pour eux, l’enjeu est peut-être alors de réussir le coup de main et d’y survivre, avec l’espérance de pouvoir ensuite sortir de la guerre au moins temporairement.

Dimitri Chavaroche

http://www.crid1418.org

 

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