Milguerres

21 janvier 2013

Opération Himmler

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Chronologie et batailles de la Seconde Guerre mondiale

Opération Himmler

http://www.chroniqueshistoire.fr/index_fichiers/des_hommes_en_uniformes_declenchent_la_guerre_page_2.htm

Quelques hommes en faux uniformes déclenchent la 2e guerre mondiale

Le 1er septembre 1939, à l’aube, la Wehrmacht pénétrait en Pologne. Le même jour, à 10 heures du matin, Hitler accusait les Polonais d’agression. Il mentait. L’affaire avait été montée par les services spéciaux.

Les mots par lesquels Reinhard Heydrich, créateur du SD, accueillit Naujocks en le voyant entrer dans son bureau en ce jour d’août 1939, furent : « Vous êtes l’homme qu’il me faut. »

Heydrich était parfaitement heureux, isolé dans son bureau de la Prinz-Albrecht- strasse, échafaudant des plans destinés à maintenir ses rivaux du Parti à une longueur. C’était là le but qui guidait toutes ses actions : dépasser les autres et, pour y arriver, il lui fallait réussir régulièrement des opérations sensationnelles susceptibles de mettre en relief ses capacités d’organisateur et d’administrateur.

Une mission ultra-secrète

Au sourire de Heydrich ce matin-là, Naujocks répondit par un autre sourire, teinté d’une ombre de méfiance. Il n’était pas dans les habitudes de son chef de manifester de la cordialité. « Alfred, dit Heydrich, j’ai ici quelque chose qui semble avoir été conçu exprès pour vous. »

Il s’arrêta et considéra, toujours souriant, Naujocks qui était perplexe. « Cette fois, reprit-il, aucune compagnie d’assurance n’accepterait de vous délivrer une police, quelle que soit la prime, mais je sais que vous êtes l’homme qui exécutera cette mission avec succès. L’affaire s’appelle… »

Il retira un dossier de son tiroir. « Opération Himmler, ne me demandez pas pourquoi ce nom a été choisi. L’idée n’est pas de lui et l’ordre vient directement d’en haut. »

Il redevint soudain sérieux, et son regard se fit plus dur :

- L’importance de cette mission dépasse tout ce que notre département a entrepris jusqu’ici, bien qu’en substance, il s’agisse d’un raid de commando. Tant d’intérêts politiques et militaires sont attachés à son résultat, qu’un échec est entièrement hors de question.

Naujocks s’assit. Il savait que l’entretien serait long.

- Le risque d’être découvert est trop grand et ceci, bien entendu, serait le pire crime que nous puissions commettre. Quoi qu’il en soit, le Führer donne à cette affaire la plus haute priorité et ne tolérerait ni discussion ni modification du plan. Je suis entre vos mains et je ne peux pas vous cacher que je déteste ça.

Il regarda fixement Naujocks et répondit sèchement à la question muette qu’il lisait dans ses yeux :

- Il s’agit de la Pologne. Nous serons en guerre la semaine prochaine. Mais d’abord, nous devons avoir un motif, une excuse, pour entrer en guerre. Et c’est là que vous intervenez. Vous savez qu’il y a eu au cours de ces derniers mois des dizaines d’incidents irritants, un coup de feu çà et là, les protestations diplomatiques habituelles. Pour tout dire, rien qui puisse mettre le feu aux poudres. Eh bien, nous allons entreprendre de mettre nous-mêmes le feu à la mèche.

- Et c’est moi qui… heu… devrai frotter l’allumette ?

Heydrich se leva, se dirigea vers une grande carte murale et planta son crayon tel un poignard sur un point de la frontière :

- Là se trouve une petite localité appelée Gleiwitz. Gleiwitz est en Allemagne, bien entendu, mais exactement sur la frontière polonaise. Bon, supposons maintenant que des troupes polonaises attaquent cette station et l’occupent juste le temps de diffuser un message dénonçant Hitler comme fauteur de guerre. Ce serait une sérieuse, très sérieuse provocation, n’est-ce pas ?

Il deviendrait parfaitement clair que les Polonais cherchent la bagarre, surtout si par la suite on trouve un ou deux cadavres sur les lieux, et plus spécialement si, par hasard, le réseau radiophonique allemand relaye le message polonais et le transmet à l’ensemble du pays.

Pouvez-vous pouvoir organiser un tel incident ?

Naujocks, cette fois, était pétrifié. Il ne savait ni quoi dire ni quoi répondre.

- Eh bien ? demanda Heydrich

- Eh bien, fit Naujocks en choisissant soigneusement ses mots, j’aimerais vous garantir le succès, mais avant d’examiner plus attentivement ce projet, je puis vous dire tout de suite que les risques d’échec sont considérables. Si vous me faites confiance, je ferai bien entendu de mon mieux.

- Votre mieux serait encore loin d’être suffisant. Un échec anéantirait les plans et les efforts de milliers de personnes depuis des années. En outre, ce serait une honte pour l’Allemagne. Je crois comprendre que vous n’avez pas d’objections d’ordre moral ?

Naujocks secoua lentement la tête. Heydrich serait trop heureux de déceler en lui une trace de « mollesse ».

- Non, bien entendu, fit Naujocks avec une petite grimace.

- Vous voyez que j’ai été absolument franc avec vous. Je crois que vous comprenez le problème. Il n’est pas question pour vous de refuser. Vous devez aller jusqu’au bout. Réglons maintenant les détails.

C’était le 5 août 1939.

Le monde n’avait plus que vingt-six jours de paix à vivre.

Naujocks étudie le terrain

Au cours de la semaine qui suivit, Naujocks oublia progressivement ses appréhensions dans le feu des préparatifs. Il étudia dans son petit bureau de la Prinz-Albrecht-strasse des cartes et des photographies aériennes de la frontière, lut les rapports sur le poste de Gleiwitz, et choisit minutieusement quatre hommes pour l’assister. Heydrich lui en envoya deux autres, chargés plus spécialement de la radiodiffusion du faux message. L’un était un expert en radio et l’autre un speaker parlant couramment le polonais.

Naujocks apprit qu’il y aurait d’autres « incidents » organisés simultanément le long de la frontière. Sa mission était cependant de loin la plus importante car « son » incident devait être radiodiffusé. Si tout allait bien, tout Allemand disposant d’une radio pourrait entendre la « preuve » de l’agression polonaise.

Un certain nombre d’uniformes polonais, envoyé par le bureau de Canaris, arrivèrent au SD. Il les examina : il y en avait assez pour habiller au moins une compagnie ! On les avait soigneusement rangés dans les armoires et Naujocks trouva dans des boîtes, des paquets de cigarettes et d’allumettes polonaises, des lettres et des papiers divers écrits en polonais destinés à être placés dans les poches des uniformes.

Les hommes qui devaient les porter étaient des Allemands parlant couramment le polonais ou ayant une double nationalité. Ils avaient été divisés en trois commandos, dits « forces K », qui devaient se rendre en Pologne avec l’avant-garde de l’armée et occuper d’importants objectifs militaires ou politiques avant que les Polonais pussent les saboter.

Le 10 août, en fin d’après-midi, deux Ford noires V8 entrèrent dans Gleiwitz et stoppèrent devant l’Oberschlesischer Hof. Sept hommes en sortirent, portant des valises, et pénétrèrent dans le bâtiment blanc nouvellement construit.

Naujocks expliqua à l’employé de la réception que ses compagnons étaient les ingénieurs des mines qui avaient retenu des chambres deux jours auparavant. Les fiches furent soigneusement remplies avec des noms, des professions et des lieux de naissance fantaisistes.

Ils demeurèrent là deux jours, deux jours pendant lesquels ils recueillirent ostensiblement des roches, des échantillons de terre. Leur activité autour du poste d’émission pouvait sembler quelque peu insolite, et un observateur aurait même pu se demander pourquoi des géologues préféraient travailler de nuit…

A la salle de conférence de l’OKW, le succès de Naujocks était déjà considéré comme acquis. Keitel et ses collègues déplaçaient maintenant des maquettes sur la table des opérations.

Les deux ingénieurs en chef du poste de Breslau prêtèrent serment et reçurent l’ordre d’être prêts dans la nuit du 31 août. Cette fois, ils transportaient à part leurs valises, deux grandes malles à double serrure. Le monde avait encore trois jours de paix à vivre.

De retour à Berlin, Naujocks étudia les nouvelles photographies qui avaient été prises de la station et le rapport personnel que chaque homme avait fait sur ses propres observations. Sauf imprévu, l’affaire ne devait pas présenter de difficulté, pensait-il. La grande inconnue était la force de police locale et on pouvait supposer qu’elle serait, elle aussi, prise par surprise.

Heydrich lui remit une copie du message qui devait être diffusé par le commando, mais Naujocks n’y jeta qu’un coup d’œil. Il s’intéressait davantage à un détail dont il n’avait été fait qu’une seule fois mention, lors de la première conférence.

- Et les cadavres ? demanda-t-il.

- On s’en occupe, répondit Heydrich un peu sèchement. Un seul suffira, et il vous sera fourni sur les lieux au moment voulu par Mueller.

Mueller… c’était bien l’homme à fournir un cadavre. Le chef de la Gestapo était un des personnages les plus horribles que Naujocks eût jamais connu. Si on laissait faire Mueller, il aurait non pas un cadavre, mais cinquante.

Un cadavre dans une Opel noire

Un message attendait Naujocks à son retour du bureau de Heydrich. Il venait d’Oppeln, à quelque soixante-dix kilomètres de là, signé de Mueller. Naujocks se rendit immédiatement sur les lieux dans la grosse Ford V8.

Le chef de la Gestapo l’accueillit avec la plus grande cordialité.

- Mon cher Naujocks, fit-il en le prenant par le bras, j’ai entendu maintes louanges à l’égard de votre projet. Je dois dire qu’on a choisi l’homme qu’il fallait pour accomplir cette mission.

Il se laissa tomber dans un épais fauteuil de cuir derrière son bureau et invita Naujocks à s’asseoir.

- J’ai emprunté provisoirement ce bureau pour être à pied d’œuvre cette nuit-là. Ma collaboration se limite à vous fournir le corps du délit.

Il rit.

- On aurait une bien piètre opinion de notre police si les Polonais pouvaient exécuter une attaque comme celle-ci sans avoir une seule victime.

Je vais vous dire ce que je ferai pour vous. Deux minutes après le déclenchement de l’opération, à 19 h 30, le soir du 31 août, je passerai devant la station-radio dans une Opel noire et je déposerai devant l’entrée un cadavre, fraichement tué, vêtu bien entendu d’un uniforme de l’armée polonaise.

- Je crois comprendre que vous attendrez un signal par radio avant de déclencher votre opération. Ce signal sera donné aussitôt que j’aurai annoncé que le cadavre est disponible. Je vous souhaite bonne chance, Naujocks, mais je suis persuadé que vous n’en aurez pas besoin. Tout semble avoir été minutieusement organisé. A propos, ne vous inquiétez pas au sujet de la victime. Elle a déjà été choisie dans un camp juif.

Naujocks se sentait les nerfs tendus en convoquant ses hommes à une conférence dans la chambre n° 7 du Oberschlesischer Hof, à quatre heures de l’après-midi, le 31 août 1939.

Il était obsédé par la pensée qu’après cette nuit, il serait un homme marqué, à la foi acteur et témoin d’une des plus terribles supercheries de l’Histoire, du plus gigantesque abus de confiance. Il en saurait trop, beaucoup trop.

Lui permettrait-on dès lors de vivre ? L’un quelconque de ses six camarades serait-il encore en vie le lendemain à la même heure ? Et si le succès devait leur être aussi fatal que l’échec ?

Les six hommes entrèrent et prirent place un peu partout : deux sur le lit, trois sur des chaises et le dernier s’appuya contre la cheminée. Naujocks s’assit sur le rebord de la fenêtre.

- Nous y sommes, dit-il. Les deux malles se trouvent dans ma voiture. Elles contiennent sept uniformes de l’armée polonaise. Ce soir, à 19 heures, nous serons dans le bois de Ratibor, à quelques kilomètres de notre objectif, et, là, nous nous changerons.

- Karl, fit-il à l’expert de T.S.F. de Heydrich, vous mettrez en marche la radio qui se trouve dans l’autre malle et vous attendrez un peu avant 19 h 30 le signal qui nous permettra d’entrer en action. Je vous donnerai le plus tard la longueur d’onde.

- A 19 h 30 précises, laissant derrière nous nos vêtements et toute trace de notre identité, nous nous rendrons à la station et nous maîtriserons son personnel – il n’y aura pas plus de cinq ou six personnes en service. Vous ne prononcerez pas un mot et vous leur laisserez penser que nous sommes des Polonais.

- Une fois à l’intérieur, Karl et Heindrich demeureront avec moi, Karl, vous devrez connecter la ligne à Breslau, vous le savez. Heinrich, j’ai là pour vous le texte d’un petit discours que vous prononcerez au micro. En même temps, je tirerai un coup de feu en l’air ; je vous en avertis afin que vous ne vous alarmiez pas.

- Une Opel noire arrivera devant l’entrée principale de la station quelques minutes après nous et un cadavre sera jeté sur les marches. Ne vous mêlez pas de ça. C’est un autre département qui s’en occupe. Nous ne devrions pas rester plus de cinq minutes en tout, et je ne m’attends pas à rencontrer d’opposition.

- Mais si la police surgit, n’hésitez pas à tirer. Quoi qu’il arrive, nous devons fuir. Si l’un de vous est capturé, il doit prétendre qu’il est Polonais. Le Q.G. à Berlin a prévu une telle éventualité et demandera que le prisonnier lui soit remis.

- Souvenez-vous : à 19 h 30 ce soir, vous devenez des Polonais et vous tirez sur quiconque essaierait de vous barrer le chemin. Même si vous tuez quelqu’un, il n’y aura ni poursuites ni enquêtes. Tels sont les ordres !

Naujocks souhaitait être réellement aussi confiant qu’il en avait l’air. C’était la plus étrange mission à laquelle il eût jamais participé, une mission où un seul détail oublié ou négligé pouvait faire échouer l’ensemble de l’entreprise.

Pour rompre le silence qui suivit son exposé, il glissa la main dans sa poche, en tira l’enveloppe contenant le discours et la tendit à Heinrich qui le lut imperturbablement sans faire de commentaire. Quelques questions furent posées et la réunion prit fin.

Naujocks n’avait pas la moindre idée de ce que ses compagnons pensaient de l’opération. Il se sentait légèrement nerveux et après avoir dit à ses hommes de se trouver à l’hôtel à 18 h 30, il descendit prendre un verre.

Sous des uniformes polonais

Quand ils se retrouvèrent, ils semblaient tous se sentir mieux. Loin d’être silencieux, ils parlaient beaucoup. La perspective de l’action prochaine qui romprait la tension de l’attente les soulageait.

L’après midi avait été interminable pour tous et Naujocks vérifia qu’aucun de ses compagnons n’avait bu. Il avait pris lui-même deux verres et le regrettait.

- Allons-y !

Ils descendirent l’escalier et montèrent dans les deux voitures, l’air aussi naturel que possible.

Naujocks était dans la première auto avec Karl et Heinrich. Les autres étaient dans la deuxième qui suivait à quelques mètres.

Ils roulèrent assez rapidement vers le bois de Ratibor et la frontière. La station de Gleiwitz était sur leur gauche et légèrement derrière eux quand ils pénétrèrent dans le bois par un étroit sentier.

Les autos s’arrêtèrent à la première clairière, parfaitement invisibles de la route. Naujocks descendit et fit signe à ses compagnons de garder le silence.

Il retira de l’auto les deux malles qu’il ouvrit. La première contenait sept Luger neufs dont les canons portaient encore des traces de graisse, déposés sur une pile de sept uniformes de l’armée polonaise. Chaque homme se changea rapidement, toujours en silence.

Pendant qu’ils examinaient leurs pistolets, Karl manœuvrait la radio qui se trouvait dans l’autre malle et, les écouteurs sur les oreilles, attendait le signal de Berlin. Il regardait sa montre quand il oui parvint : 19 h 27.

Naujocks remonta aussitôt dans l’auto dont il referma silencieusement la portière. Les autres l’imitèrent à l’exception de Karl qui ne savait que faire de la radio. On avait oublié de lui donner des instructions à ce sujet, mais ce n’était pas le moment de s’embarrasser de tels détails. Il l’abandonna et grimpa à son tour sur le siège arrière.

Les deux autos s’arrêtèrent dans un crissement aigu de pneus devant la station.

La nuit tombait. En grimpant les six marches menant à la grande porte vitrée, Naujocks distingua une lumière à une fenêtre sur la droite. Parfait. Elle indiquait où se trouvait au moins un des membres du personnel.

Il ouvrit la porte, ses deux compagnons sur les talons. Un homme portant un uniforme bleu marine apparut dans le petit hall et s’arrêta net en les voyants. Avant qu’il eût pu lancer un cri, Heinrich l’avait déjà empoigné.

Naujocks observa qu’il était quelque peu brutal, « sonnant » à deux reprises la tête de l’homme contre le mur, mais ce fut efficace.

Tournant dans le corridor à droite à la recherche de l’homme dont il avait aperçut la lumière, il le trouva dans la deuxième pièce penché sur un meuble classeur.

Avant qu’il eût pu se retourner, Naujocks l’avait assommé d’un coup de crosse. Il s’effondra, entraînant dans sa chute une chaise et un portemanteau qui cogna une armoire métallique en tombant. Des cris et un bruit de pas parvenaient du fond du corridor, de l’autre côté du hall.

Naujocks heurta Karl en sortant précipitamment de la pièce et il l’entendit dire « Vite, par ici. » Tous deux se précipitèrent sur une porte verte sur laquelle on lisait « silence ».

Heinrich était déjà à l’intérieur du studio, une petite chambre aux meubles gris clair avec au centre un bureau sur lequel était posé un microphone. Dans mur, face à la porte, deux ouvertures rectangulaires garnies de vitres épaisses donnaient sur une pièce encore plus petite, remplie d’appareils comme Naujocks en avait vus à Radio-Berlin.

Radio-Breslau écoute en vain

Heinrich était penché sur le bureau, tenant d’une main le micro et de l’autre un papier froissé qui était le texte de son discours… Il attendait un ordre.

Karl sortit en jurant et reparut une seconde plus tard de l’autre côté des hublots. Il contemplait, les yeux exorbités, les rangées régulières de cadrans et de manettes, les manœuvrant les unes après les autres.

Naujocks faisait le guet tout en regardant avec impatience Karl qui, dans la chambre de contrôle, perdait rapidement la tête. On le voyait crier mais aucun son ne parvenait de la pièce insonorisée. Quelque chose avait dû mal tournée.

Il n’hésita qu’une seconde ; le temps était devenu une question de vie ou de mort. Il s’engouffra de nouveau dans le corridor tourna à gauche et pénétra dans la chambre de contrôle.

Karl, pâle, le front emperlé de sueur, tremblait. Naujocks sentit une sourde colère monter en lui. Quoi qu’il eût pu arriver, rien ne justifiait un tel affolement. Maudit soit Heydrich qui lui avait donné cet idiot !

- Qu’y a-t-il ?

- Je ne peux pas trouver la manette de connection…

- La manette de quoi ?

- Le truc qui doit nous faire relayer par Breslau. Je ne le trouve pas.

- Il faut que vous le trouviez, imbécile ! Je croyais que vous connaissiez votre affaire.

Karl criait, éperdu :

- Comment voulez vous que je sache où il est ? Je peux le manœuvrer, mais encore faut-il que je le trouve.

C’était le désastre. L’émission devait d’une façon ou d’une autre être faite. De l’autre côté de la vitre, Heinrich gesticulait, agitant son texte. Lui aussi avait perdu son calme habituel et semblait terrorisé.

- Pouvez-vous au moins faire une émission locale ? demanda Naujocks à Karl.

Celui-ci avait l’air effondré.

- Oui, fit-il, mais seulement sur la longueur d’onde locale. C’est insuffisant. On ne pourra pas l’entendre hors du village.

- Eh bien, faites-la. Faites quelque chose. Il faut bien que ce sacré texte soit lu à quelqu’un.

Il regagna rapidement le studio, laissant Karl manipuler de nouveau ses boutons.

- A mon signal, commencez à lire, dit-il à Heinrich. Vous crierez, car je vais faire du bruit et tirer des coups de feu.

Pendant les deux ou trois secondes qui précédèrent le signal de Karl, Naujocks pensa qu’il était encore heureux qu’il n’y eût pas eu d’intervention extérieure.

Heinrich débita son texte à toute vitesse en criant presque.

Naujocks n’écouta même pas. Il avait lu le discours une douzaine de fois : les leaders de l’Allemagne précipitaient l’Europe dans la guerre. La pacifique Pologne était constamment menacée et brimée par Hitler qui devait être écrasé à tout prix. Dantzig était polonais… Il se demanda qui avait pu écrire ce discours. Probablement Heydrich ou peut-être Hitler lui-même.

Il fit feu à trois reprises en l’air et se mit à hurler. Heinrich s’y attendait, mais il laissa presque choir le microphone au premier coup de feu et se trompa dans sa lecture.

Il se reprit sur un geste impérieux de Naujocks qui tira encore un coup de feu contre un mur et fit enfin signe à Karl, hypnotisé derrière le hublot, d’arrêter l’émission.

Quelques secondes plus tard, les trois hommes avaient quitté le studio rempli de fumée et se précipitèrent vers la grande porte. Ils rencontrèrent deux des quatre autres, revolvers au poing, et le groupe quitta le bâtiment.

Naujocks pouvait s’imaginer la consternation de ses chefs en ce moment précis ; ils devaient être autour de leurs radios, attendant impatiemment d’être les témoins de la diabolique machination du Führer. Il pensa aux deux ingénieurs de Radio-Breslau en train de manipuler éperdument des manettes dans leur chambre de contrôle. Et Hitler, à la Chancellerie, devait écumer.

Oui, ils étaient tous là à attendre. Naujocks se voyait déjà avec ses six compagnons devant le peloton d’exécution. Mais ils n’étaient plus sept, ils étaient huit maintenant.

Le huitième était arrivé quelques minutes auparavant dans l’auto de Mueller et gisait dans une posture grotesque sur les marches, mort. Mueller avait dû le tuer lui-même.

Naujocks ne s’arrêta que le temps de jeter un coup d’œil sur le cadavre, celui d’un homme, grand, blond, qui semblait âgé, d’une trentaine d’années.

C’était là le cadavre que le monde devait découvrir le lendemain. Le sacrifié. Ou plutôt, un membre de la bande de criminels polonais qui avait traversé la frontière, envahi Gleiwitz et lancé une émission incitant le peuple allemand à la révolte.

Il portait bien l’uniforme polonais, n’est-ce pas ? La police allemande l’avait abattu en refoulant les envahisseurs. Dachau attendait ceux qui émettraient un doute.

La portière de l’auto fut ouverte à Naujocks. Le moteur était déjà en marche et l’autre voiture juste derrière. Il se jeta sur son siège et l’auto partit en trombe, suivie de l’autre.

Dans le rétroviseur, il pouvait voir qu’il n’y avait aucun signe d’agitation devant la station. Il songea sombrement que personne, peut-être, n’avait entendu l’émission de Gleiwitz, pas plus que le bruit infernal qu’ils avaient fait.

Il cherchait des yeux le tournant menant à la clairière qu’ils avaient quittée… quand ça ? Quinze minutes auparavant. Cela semblait invraisemblable. L’opération proprement dite n’avait duré que quatre-minutes.

Quatre-minutes d’histoire.

Les félicitations de Heydrich

A 7 heures du matin, le 1er septembre 1939, Naujocks était dans le bureau de Heydrich. Il n’avait pas pris la peine de se raser, se sentait sale et avait une terrible migraine.

Heydrich, toujours d’une rare élégance, l’observait calmement. Naujocks fixait le tapis et attendait la tempête. Il leva la tête, surpris, quand il entendit son chef lui dire :

- Félicitations.

Heydrich poursuivait :

- Dommage pour le contretemps, mais je suppose qu’on n’y pouvait rien. Je dois avouer que j’étais inquiet la nuit dernière quand je n’ai rien entendu à 19 h 30. Mais vous n’avez pas besoin de vous en faire. L’important est que l’émission ait eu lieu et que nul n’ait été pris.

La surprise de Naujocks se transforma en méfiance. Il n’avait jamais, jusque-là, été félicité par son chef. Jamais personne ne l’avait été, en fait.

Il ne répondit pas, mais tira de sa poche un rapport dont il n’avait pas terminé la rédaction qu’à 3 heures du matin et le jeta sur le bureau :

- Tout est là. Nous n’avons pas eu d’ennuis. Il n’y avait que cinq hommes dans le bâtiment : après 18 heures, Gleiwitz, à l’exception du bulletin d’information et des prévisions météorologiques, retransmet simplement des émissions venues d’ailleurs. On s’est occupé d’eux avant que quelqu’un puisse donner l’alerte ou téléphoner. C’était facile, mais j’étais furieux de n’avoir pas pu être relayé par Breslau.

- Il s’est trouvé, dit Heydrich, que j’avais prévu une telle éventualité. Avez-vous lu les journaux ce matin ? Eh bien, jetez un coup d’œil sur le Volkischer Beibachter. Vous y trouverez un article fort intéressant en première page.

Il était très intéressant en effet. L’organe officiel du parti avait une information exclusive. Le petit discours de Heinrich était reproduit sous le titre : « Des agresseurs attaquent la radio de Gleiwitz. »

L’article disait :
Un groupe de soldats polonais s’est emparé la nuit dernière, peu avant 20 heures, du bâtiment de Radio-Gleiwitz. Seuls quelques employés se trouvaient à cette heure-là en service. Il est manifeste que les assaillants polonais connaissaient parfaitement les lieux. Ils attaquèrent le personnel et firent irruption dans le studio, assommant ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin.
Les agresseurs coupèrent la ligne de relais de Breslau et lurent au micro un discours de propagande préparé à l’avance, en polonais et en allemand.
Ils ont déclaré que la ville et la station-radio étaient aux mains des Polonais et ils ont insulté l’Allemagne, faisant mention du « Breslau polonais » et du « Dantzig polonais ».
Les auditeurs, d’abord pris par surprise, alertèrent la police qui arriva sur les lieux quelques minutes plus tard. Les agresseurs ouvrirent le feu contre les forces de l’ordre, mais, au bout de quelques minutes, ils tous fait prisonniers. Au cours de la bataille un Polonais a été tué.

 Hitler est très content, fit Heydrich. Il m’a appelé à 5 heures ce matin.

Ainsi, son affabilité provenait des félicitations qu’il avait reçues au petit matin.

- Allez dormir un peu, mais réveillez-vous à 10 heures. Une importante déclaration sera faite.

Naujocks ne se réveilla pas à 10 heures, ce qui était malheureux. Pendant qu’il dormait, Hitler fit un discours dans lequel il dit que sa patience était à bout, et que l’incident de Gleiwitz, était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Il fallait donner une leçon aux Polonais.

Quand l’homme qui avait appuyé sur la détente se réveilla, les chars allemands traversaient déjà en trombe la frontière.

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