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20 janvier 2013

Le bombardement de Guernica

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Chronologie et batailles de la Seconde Guerre mondiale

 

 voir commentaire sur une anecdote de Picasso sur : 

http://militaires-d-hier.forumgratuit.org/t3862-le-mensonge-de-guernica-1937#27189

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Le mensonge de Guernica

Plusieurs versions qui impliqueraient le dictateur Franco sur cette horreur ! Que de civils massacrés, pendant le bombardement et sans oublier la pression sur tous ceux qui auraient oser proclamé la vérité. Hayet.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Le bombardement de Guernica
Source Wikipedia

Le bombardement de Guernica, le lundi 26 avril 1937, fut un événement majeur et hautement symbolique de la guerre d’Espagne, qui contribua à internationaliser la médiatisation du conflit, par l’intermédiaire d’une intense propagande aussi bien des partisans des Nationalistes que des Républicains ; parmi ces derniers, le peintre espagnol Pablo Picasso a joué un rôle important avec son célèbre tableau Guernica représentant la population bombardée et exposé pour la première fois à l’Exposition internationale de Paris, du 12 juillet à la fin de l’année 1937.

 

La ville de Guernica avait une valeur symbolique, l’autonomie juridique et fiscale était représentée par l’arbre de Guernica où les rois de Castille allaient prêter serment de respecter les fors basques.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Un objectif stratégique militaire

En raison de l’apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l’énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l’attaque, ce bombardement a souvent été considéré comme un des premiers raids de l’histoire de l’aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, et dénoncé pour cela comme un acte terroriste, bien que la capitale (Madrid) ait été déjà bombardée auparavant à de nombreuses reprises1.
Cependant, d’après certains historiens, Guernica aurait été un objectif militaire de première importance. Pío Moa affirme, sans pour autant s’en référer à de quelconques archives, que trois bataillons (7 000 hommes) des forces républicaines y stationnaient le jour du bombardement2.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Un essai technique

Le bombardement de Guernica est célèbre pour avoir été le premier tapis de bombes et le premier bombardement alternant bombes explosives et incendiaires3.

Comme pour les autres interventions de la Luftwaffe pendant la guerre d’Espagne, un des objectifs avoués des dirigeants nazis était de tester les nouveaux matériels de guerre allemands avant de lancer de plus amples offensives en Europe4.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Le bombardement : déroulement des opérations

Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, quatre escadrilles de Junkers Ju 52 de la Légion Condor allemande ainsi que l’escadrille VB 88 de bombardement expérimental (composée de Heinkel He 111 et de Dornier Do 17), accompagnées par des bombardiers italiens (Savoia-Marchetti SM.79) de l’Aviazione Legionaria et escortées par des avions de chasse allemands (Messerschmitt Bf 109), procèdent au bombardement de la ville afin de tester leurs nouvelles armes.

L’attaque commence à 17 h 30, aux bombes explosives puis à la mitrailleuse et enfin aux bombes incendiaires. Après avoir lâché quelque 50 tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 19 h 40. Après le massacre, 20 % de la ville était en flammes, et l’aide des pompiers s’avérant inefficace, le feu se propagea à 70 % des habitations.

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Le bombardement de Guernica guernica

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avion
Messerschmitt Bf 109 C-1 du Jagdgruppe 88 de la Légion Condor qui participa le 26 avril 1937 au bombardement de Guernica.

 

 

 

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Les victimes : un bilan controversé
Le bilan officiel

Le nombre officiel de victimes, toujours maintenu depuis par le gouvernement basque, fait état de 1 654 morts et de plus de 800 blessés5. Il s’accorde avec le témoignage du journaliste britannique George Steer, correspondant à l’époque du Times, qui avait estimé qu’entre 800 à 3 000 des 7 000 habitants de Guernica périrent6.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10La révision du bilan

D’après la BBC, l’historiographie récente parle plutôt de deux cents à deux cent cinquante morts et de plusieurs centaines de blessés7.
Dans España en llamas. La Guerra Civil desde el aire (2003), Josep Maria Solé y Sabaté et Joan Villarroya estiment le nombre de morts à trois cents8.
Raúl Arias Ramos, dans son ouvrage La Legión Cóndor En La Guerra Civil (2003) l’estime à deux cent cinquante9.
Enfin, une étude réalisée en 2008 par deux historiens de l’association Gernikazarra, Vicente del Palacio y José Ángel Etxaniz, donne un bilan de 126 morts10.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10L’historien controversé Pío Moa affirme que le Times, proche de Churchill, a volontairement exagéré le nombre de victimes et nié toute implication de l’aviation italienne (alors que celle-ci était avérée), afin de contrer les thèses pacifistes du parti britannique de gauche, le Labour Party, et convaincre l’opinion internationale qu’il fallait déclarer la guerre contre l’Allemagne d’Adolf Hitler, en insistant sur la menace que ce pays représentait.

Le journaliste Vicente Talón dans son « Arde Guernica » (San Martín, 1970), est arrivé à la conclusion qu’il n’y aurait pas eu plus de 200 morts, estimation reprise par Ricardo de la Cierva, puis, en 1987, par le général franquiste Jesús Salas Larrazábal, dans son livre intitulé Guernica (éd. Rialp), Pío Moa et même la chaîne de télévision publique allemande ARD en avril 199811.
Les chiffres avancés par Vicente Talón ne prennent pas en compte les morts de l’hôpital de Bilbao (592 personnes), mais c’est surtout, d’après Pío Moa, parce qu’il est difficile de distinguer les civils morts dans le bombardement des autres, parmi lesquels se trouvaient de nombreux combattants de la guerre d’Espagne.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Il a été prétendu que les photos des ruines de Guernica auraient pu être des photos de Madrid.
La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Selon Pío Moa
Après consultation des archives des deux camps de l’époque, pour expliquer sa révision du nombre de victimes liées au bombardement de Guernica, Pío Moa en est venu aux conclusions suivantes2 :

• Il n’aurait pas pu y avoir de mitraillage aérien dans le centre-ville en raison de l’étroitesse des rues.
• Il n’y aurait eu que trois vagues de bombardement de quelques minutes chacune, échelonnées entre 16 h 30 et 18 h 30.
• La ville n’aurait été bombardée que par des Junkers Ju 52, bombardiers légers.
• Le marché aurait été annulé à midi sur ordre de la municipalité.
• Les pompiers de Bilbao ne seraient intervenus que le lendemain vers 9 h 30, d’où l’extension de l’incendie. Ils auraient fait preuve, ainsi que la troupe républicaine, d’une passivité et d’une incompétence totale, qui expliquerait la destruction de Guernica à 71 %.
• Le chiffre des 592 morts à Bilbao serait une légende colportée par Euzko Deya en mai. Les chiffres retrouvés dans les archives seraient de 2 morts sur 30 blessés apportés.
• L’essentiel des victimes, comptabilisées au refuge Santa Maria, à l’asile Calzada et au dépôt de la route de Luno, n’atteindrait « que » le chiffre de 120 morts dont 50 non identifiés, selon les registres mortuaires de la commune.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Selon les archives russes
Les archives russes par le biais de l’historien Sergueï Abrossov, mentionnent 800 morts en date du 1er mai 1937. Il s’agit d’un chiffre certes incomplet qui ne prend en compte ni les personnes retrouvées ultérieurement sous les décombres, ni celles décédées plus tard de leurs blessures, mais sans doute objectif.
• Il convient de rappeler que les soviétiques étaient les seuls au monde à entretenir à l’époque une force aérienne stratégique composée essentiellement de bombardiers lourds Tupolev TB-1, R-6 et TB-3 dont l’état était bon mais qui devenaient obsolescents. L’ensemble leur coutait fort cher, d’autant plus que leur remplacement par le Tupolev ANT-42 était prévu : la validité de la doctrine de Douhet était donc sans cesse discutée au sein des E.M. Par conséquent, l’intérêt des conseillers militaires soviétiques présents en Espagne, était la récolte de données fiables et à usage interne quant aux effets dévastateurs de ce bombardement « de masse » grandeur nature, non pas à des fins de polémique.
• Ces archives révèlent en outre, des mitraillages des réfugiés de Guernica par les avions de chasse à l’extérieur des limites de la ville. Ce qui traduirait un acharnement, non pas une maladresse pour parachever l’effet de panique.
• Le trimoteur Ju-52 était pour l’époque un bombardier lourd, qui avait une grosse capacité d’emport dépassant 1 500 kg de bombes. Le Breguet XIX en service chez les républicains sur le Front Nord, n’en pouvait emporter que 400 kg.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Les réactions

Ce bombardement a marqué les esprits non seulement à cause de l’ampleur du massacre mais aussi et surtout à cause de la valeur terroriste qui lui a été attribuée, du fait de l’apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l’énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l’attaque.

S’il a longtemps été considéré comme le premier raid de l’histoire de l’aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, alors que la Légion Condor avait en fait déjà commencé en février 1937 à bombarder des civils12, c’est aussi parce que la valeur symbolique de la ville renforça le sentiment qu’il s’agissait d’un acte terroriste exemplaire de la répression des anti-franquistes.

Le 24 avril, selon l’O.D.B. établi par le conseiller Arjénoukhine, l’aviation républicaine du Front Nord n’alignait plus que 3 Polikarpov I-15, 2 « létov », 4 « breguet », 3 « gourdou » et 1 « koolhoven ».
Seuls les 3 premiers avions de la liste pouvaient avoir une quelconque valeur militaire, cependant combattant sans interruption depuis novembre 1936, les machines étaient tout aussi épuisées que leurs pilotes russes.
D’autant plus que le groupement leur faisant face alignait bien plus de 100 avions modernes.

Au 7 mai 1937, le commandement républicain malgré une situation difficile en Espagne centrale (l’aviation républicaine y combattait déjà à 1 contre 3), se décida tout de même à transférer 9 I-15 et 6 R-Zet par Toulouse, vers Santander.
Ces machines y seront d’ailleurs immobilisées par le Comité de Non-Intervention puis renvoyées désarmées en Aragon.
L’accusation des Républicains par Franco

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Franco, sous la pression internationale faisant suite aux révélations du Times, affirme que la Luftwaffe n’aurait pu voler le 26 avril pour des raisons climatiques, et que la destruction de Guernica est due aux Basques républicains qui auraient incendié et dynamité la ville dans leur fuite, en s’appuyant sur la Dépêche Havas de Guernica. Ce mensonge du futur Caudillo fut plus tard reconnu unanimement.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10En 2004, sur demande expresse d’un député basque, le gouvernement espagnol a même reconnu officiellement la responsabilité du gouvernement de l’époque13.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10L’accusation des Nazis par les Franquistes

Une interprétation différente et plus tardive, émanant de Carlos Rojas et surtout de Ricardo de la Cierva, ne nie pas le bombardement, mais en fait porter l’entière responsabilité au régime nazi :

• À en croire le journal personnel du général allemand Wolfram von Richthofen, chef de la Légion Condor, le bombardement de Guernica a été décidé par le seul général allemand, et sans l’aval de Franco. Le général Emilio Mola avait d’ailleurs émis des consignes strictes à la Luftwaffe, interdisant les bombardements, a fortiori sur les civils. Certains articles de presse de l’époque publiés à Bilbao et certains témoignages semblent accréditer cette thèse.
• Même si cela ne prouve pas que les dirigeants franquistes n’étaient pas impliqués dans l’organisation de ce massacre, l’intérêt que portaient les Nazis à ce type d’action a été mis en exergue par l’historien de l’Espagne Bartolomé Bennassar : il cite dans une synthèse récente sur la Guerre Civile que lors des « conférences » que donna Göring, aux Américains qui l’avaient capturé à la veille de l’effondrement du régime nazi en 1945, le maître de la Luftwaffe affirmait que l’épisode de Guernica constituait pour les nouvelles techniques de bombardement des Heinkel He 111 qui y participèrent, le seul moyen de les tester en condition réelles et d’éprouver leur capacité incendiaire. D’un point de vue stratégique, la Luftwaffe expérimentait donc à Guernica de nouveaux types de bombardement terrorisant les populations, le tapis de bombes et le bombardement en piqué, utilisé pour le Blitz sur Londres. Cette thése est confirmée par Antony Beevor : « Il semble que, pour certaines raisons, le Gefechtbericht (rapport d’opérations) de la légion Condor pour cette journée a disparu » 14. Cet auteur renforce donc la thèse d’une « expérience majeure visant à évaluer les effets de la terreur aérienne » citant Gordon Thomas et Max Morgan Witts ainsi que plusieurs autres auteurs.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10L’erreur accidentelle invoquée par un pilote allemand

Adolf Galland, pilote de la Légion Condor arrivé en Espagne le 8 mai 1937, a admis en 1953 que la ville avait été bombardée par les avions allemands, mais « par erreur ». Selon Galland, la Légion Condor avait été chargée de détruire le pont Rentería, utilisé par les républicains, mais comme la visibilité était mauvaise et les équipages sans expérience, le pont était resté intact, et c’est la ville proche qui avait été gravement affectée.
Cependant, comme l’a fait remarquer l’historien Southworth, « les bombes incendiaires n’ont pas été chargées par erreur » dans les avions, et l’objectif réel du bombardement était par conséquent, de toute évidence, la population de Guernica, et non le pont.

Notes et références
1. ↑ Miguel Angel Sanz, Mémoires d’un p’tit gars des faubourgs de Madrid, Pilote de chasse de la République, TMA Éditions, juin 2005, (ISBN 9782915205060)
2. ↑ a et b La Nouvelle Revue d’Histoire no 25 (juillet-août 2006).
3. ↑ Patterson 2007, p.30 [archive].
4. ↑ Hermann Göring a déclaré, le 14 mars 1946, au Procès de Nuremberg, que l’aide militaire à Franco avait pour double objectif la lutte contre l’expansion du communisme et l’essai technique de la Luftwaffe : « I urged him [Adolf Hitler] to give support [to Franco] under all circumstances, firstly, in order to prevent the further spread of communism in that theater and, secondly, to test my young Luftwaffe at this opportunity in this or that technical respect. »
5. ↑ Gérard Brey, « La destruction de Guernica [archive] », Tiempo de Historia, nº 29, avril 1977.
6. ↑ Voir aussi le premier article de George Steer [archive] (les chiffres alors évalués à « des centaines »)
7. ↑ (en) « The legacy of Guernica » [archive], news.bbc.co.uk, le 26 avril 2001.
8. ↑ Solé i Sabaté, Josep Maria et Villarroya, Joan, España en llamas. La Guerra Civil desde el aire, Temas de Hoy, 2003 (ISBN 9788484603023)
9. ↑ Arias Ramos, Raúl, La Legión Cóndor En La Guerra Civil, La Esfera de los Libros, 2003 (ISBN 9788497341370)
10. ↑ (es) « Refugios de vida para Gernika » [archive], elcorreo.com, le 27 avril 2008.
11. ↑ Bombardeo de Gernika. Críticas al «revisionismo» en el 61º aniversario [archive].
12. ↑ En février 1937, la Légion Condor, appuyée par la Marine insurgée nationaliste a mitraillé et bombardé des colonnes de réfugiés civils pendant une dizaine de jours sur la route entre Málaga et Almería. Les historiens actuels avancent les chiffres de 100 000 à 150 000 réfugiés civils fuyant Málaga sur le point d’être prise par les troupes italiennes alliées aux nationalistes. Ces faits n’ont été révélés que tardivement à travers des publications historiques, des expositions de photos de l’époque et des vidéos basées sur les archives de l’Armée italienne (cf. Neila Majada & Bueno Pérez : Carretera Málaga-Almería -febrero de 1937-, 2006)
13. ↑ Rapport de 2004 des [archive] Cortes Generales
14. ↑ voir Antony Beevor p. 421

 

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10

La dictature franquiste se fonda sur le mensonge de Guernica
http://mai68.org/spip/spip.php?article2369

Le 26 avril 1937, la petite ville de Guernica, symbole des libertés basques, est détruite par l’aviation allemande (la légion Condor) au service de Franco. Pour la première fois dans l’histoire militaire, une agglomération civile est entièrement rasée sous un déluge de bombes au phosphore. Ces dernières sont des bombes incendiaires, ce qui permit à Franco de faire croire que c’étaient les anarchistes qui avaient détruit Guernica par le feu !

En effet, dès le 27 avril, à 21 h, la radio franquiste proclame : « Nos aviateurs n’ont reçu aucun ordre pour bombarder cette population (…). Ce sont les rouges [1] qui, dans l’impossibilité de contenir l’avance de nos troupes, ont tout détruit (…). » Et d’ajouter avec un aplomb incroyable : « Il n’y a pas d’aviation allemande ou étrangère en Espagne nationaliste (…). Nous n’avons pas brûlé Guernica (…). »
Le 29 avril, vers midi, les Franquistes entrent dans Guernica et font visiter, sous bonne escorte, les ruines de la ville aux correspondants de presse étrangers. Les articles de ceux-ci sont soumis à censure. Sous la menace des mitraillettes, tous envoient dans leurs pays respectifs des articles expliquant comment et pourquoi les anarchistes ont brûlé Guernica ! Tous les journaux Européens ou presque reprennent alors cette thèse. Sauf un journal anglais. Bien sûr, la plupart des rédactions ne furent pas dupes mais marchèrent tout de même dans la combine parce que tous les États du monde étaient alliés avec Franco contre la révolution espagnole.
Picasso lui-même, qui, à l’annonce du bombardement, a peint son « Guernica » pour le pavillon espagnol de l’Exposition internationale de 1937 à Paris, sera un instant saisi par le doute tant la propagande franquiste, puissamment relayée par celles des nazis allemands et des fascistes italiens, fera des ravages.

Bien sûr, au moins dès la sortie de la guerre, la vérité fut dite partout… Sauf en Espagne !
En effet, en Espagne, quiconque essayait de dire que c’était Franco qui avait demandé à Hitler d’envoyer sa légion Condor (aviation) bombarder Guernica avec des bombes incendiaires était immédiatement emprisonné, torturé et passé par les armes. Sa famille se taisait de peur de suivre le même chemin.

Il fallait que dans leur ensemble les Espagnols croient que c’étaient les anarchistes qui avaient commis un horrible et grandiose attentat terroriste à Guernica, afin de justifier la dictature franquiste : « La dictature franquiste est là pour éviter que les anarchistes recommencent ce qu’ils ont fait à Guernica ! »

Ce n’est que très progressivement que les espagnols apprirent la vérité. Vers 1960, ils eurent le droit de savoir que c’étaient les Allemands qui avaient brûlé et massacré Guernica. Mais officiellement, Hitler l’avait fait sans demander l’avis de Franco, sans même le prévenir !

Quelques années plus tard, les Espagnols eurent le droit de savoir que Franco avait été mis au courant par Hitler, que Franco avait refusé qu’un tel crime soit commis, mais qu’Hitler n’avait tenu aucun compte de son avis.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Encore quelques années et les Espagnols surent que Franco avait donné son accord à Hitler.

Bien sûr, pendant toutes ces années, quiconque s’aventurait à dire toute la vérité subissait immédiatement la répression la plus dure.

La seconde Guerre Mondiale fleche-boule10Il fallut la mort de Franco pour que les Espagnols aient enfin droit à toute la vérité : Franco avait demandé lui-même à Hitler de bombarder Guernica, de brûler cette ville et de faire un maximum de morts ; il lui demanda de la bombarder avec des bombes incendiaires [2] afin de pouvoir faire croire aux Espagnols que c’étaient les anarchistes les coupables ! pour affaiblir les révolutionnaires, et pour justifier la prise du pouvoir par Franco, ainsi que sa future dictature !

NOTES :
1°) Franco assimilait les anarchistes aux « rouges », alors que pourtant c’étaient très essentiellement les anarchistes (drapeau noir, ou noir et rouge) qui menaient la lutte contre son coup d’État militaire. Cela ne présentait pas seulement l’avantage de simplifier les choses, surtout, ça faisait de la pub subliminale auprès des personnes qui voulaient se battre contre Franco : elles étaient incitée à leur propre insu à se diriger vers le Parti « communiste » plutôt que vers les anarchistes ! Franco savait bien que le Parti « communiste » était infiniment moins dangereux pour le pouvoir que les anarchistes. Et nous, nous savons bien que Staline a trahi la révolution espagnole.
2°) Il n’y a pas besoin d’une aviation moderne avec des bombes modernes pour brûler totalement une ville. Il était envisageable de faire croire que c’étaient les anarchistes qui avaient brûlé Guernica, mais personne n’aurait pu croire que les anarchistes avaient bombardé cette ville ! C’est pourquoi la légion Condor devait utiliser des bombes incendiaires.

 

 

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Chronologie et batailles de la Seconde Guerre mondiale

14 janvier 2013

Breguet 521 Bizerte

Classé sous — milguerres @ 22 h 58 min

Breguet 521 Bizerte 257417Breguet5212

Vue du Breguet 521-03 (deuxième appareil de pré-production)

Le Bizerte était comme son équivalent civil, le Saïgon un développement de l’hydravion anglais Short S.8 Calcutta dont quatre exemplaires furent construits sous licence par Breguet en 1931-32.

Le prototype, Bre 521-01, fit son premier vol en septembre 1933 au Havre, il était équipé de trois moteurs Gnome-Rhône 14 Kdrs de 845 CV. Après une série d’essais, il fut mis en service en avril 1935 dans la Marine française (Escadrille E1). Dans le même temps, trois autres appareils avaient été commandés, le second de la série différait des autres par un cockpit prolongé jusqu’au nez de l’avion et des postes de tir situés de chaque côté au niveau des ailes à la place du classique poste avant. D’autres mitrailleuses Darne étaient placées latéralement au niveau de l’arrière de la cabine et une était située à l’extrémité arrière. L’équipage était de huit personnes. Le Bizerte était prévu pour des vols de reconnaissance, mais il pouvait emporter une petite charge de bombes (quatre fois 75 kg) sous les ailes basses.

Douze exemplaires avaient été construits fin 1936, les derniers, désignés Bre 522 avaient reçu des moteurs Hispano-Suiza 14AA à la place des Gnome-Rhône 14 Kirs 1. La production atteignit 28 avions fin 1938 (entre temps l’usine du Havre avait été achetée par SNCA du Nord). Trois Bizerte légèrement modifiés et équipés de moteurs Gnome-Rhône 14N de 900 CV furent encore assemblés au début de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant la première partie du conflit, les hydravions furent employés pour des missions de reconnaissance en Atlantique et Méditerranée (Escadrilles E1, E2, E6 et E9). Plus tard, après la défaite française, une partie des appareils sera utilisée par la Luftwaffe pour des missions de secours.

 

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Vue d’un hydravion de reconnaissance et de bombardement Breguet 521 Bizerte.

Br-521-03
Moteurs(s)/Engine(s) 3 moteurs à pistons de 900 CV Gnome-Rhône 14 Kirs 1
Envergure/Span 35,13 m Longueur/Length 20,48 m Hauteur/Height 7,50 m Poids total/Weight 15.000 kg
Vitesse/Speed 255 km/h à 2000 m Plafond/Ceiling 6.000 m Autonomie/Range 2.000 km

source : http://jn.passieux.free.fr/html/Breguet521.php

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8

Br-521/ -522 BIZERTE

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8

Futur vainqueur, le Br-521.

vu par : http://www.ffaa.net/seaplanes/bizerte/bizerte_fr.htm

614364BREGUET521BIZERTE
Prototype du Br-521 Bizerte. (DR)

Dérivé du Breguet/ Shorts Calcutta (en fait, le Br-521 a seulement sa coque en commun avec le Calcutta), le prototype effectua son premier vol le 11 Septembre 1993 à 9 h 00 depuis les usines Breguet Le Havre (bassin de Tancarville exactement) vers Le Hoc avec Lantz aux commandes, De la Bruyère en passager et Dubost en mécanicien. Louis Breguet effectua le deuxième vol. Le 4 Janvier 1934, le marché 221/3 fut signé, trois Bizerte sont commandés. Le 23 Janvier 1934, le prototype est convoyé vers la BAN Fréjus-St-Raphaël pendant six heures. Le 11 Septembre 1934, le Breguet Bizerte et l’O-256 sont envoyés en mer Méditerranée. Le premier avion était commandé par le CF Serre et le second par le CV Lartigue. Après 4 800 km, ils reviennent finalement le 15 Septembre. Onze Bizerte (N° 4 à 14) furent achetés le 31 Décembre 1934 (marché 983/4). Les nouveaux exemplaires suivant le N° 3 furent équipés avec un nouveau système d’arme composé de cinq mit. 7,5 mm (3 900 obus), de trois nouveaux moteurs Gnôme & Rhône 14 Kdrs de 850 ch et l’avion était désormais capable d’accueillir huit membres d’équipage. En Janvier 1935, deux CAMS 55/10 qui appartenaient à l’escadrille 1E1 basée à Cherbourg furent remplacés par deux Bizerte (N° 1 et 2). Le 23 Avril 1936, une nouvelle commande (marché 347/6) fut effectuée, et cinq avions furent délivrés aux escadrilles E2 et E3.

Le numéro 12 de l’ES était équipé avec trois Hispano-Suiza 14 AAO2 de 940 ch. Il était désigné Br-522 Saïgon. Il emportait quatre bombes ASM G2 de 75 kg.

Le 22 Février 1937, le marché 129/7 fut signé et neuf machines supplémentaires furent achetées (Numéro 20 à 28). Le 13 Octobre 1937, trois exemplaires supplémentaires (N° 29, 30 et 31) furent commandés pour faire face à l’attrition de la flotte (marché 1 389/7). Le 7 Décembre 1939, trois Bizerte (19/ E13, 20/ E15, 21/ E16) furent envoyés à Dakar jusqu’au 17 Mars, puis ils furent remplacés par les N° 22 (E54), 25 (E57) et 24 (E56). Le 28 Juillet 1938, trois nouveaux avions furent commandés.

Ces 34 exemplaires, étaient utilisés par les escadrilles E2, E3, E1, E5 et E9. Deux unités gardèrent leurs avions pendant la 2ème GM (Forces de Vichy). Dix-sept Br-521 furent achetés, capturés ou réquisitionnés par l’Armée Allemande. Le dernier Bizerte survivant fut envoyé à la casse en Mai 1946.

 

 

 

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8

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Rhône 14 Kdrs de 850 ch. (ARR/ DR)

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Une histoire : Bizerte et la France

La Tunisie et la Grande Guerre

La Tunisie au gré des conflits

12 janvier 2013

Conquête et instauration du protectorat en Tunisie

Classé sous — milguerres @ 20 h 30 min

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La Tunisie au gré des conflits

Conquête et instauration du protectorat en Tunisie
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source wikipedia
drapeau anime de tunisie
Le 28 avril 1881, 28 000 hommes placés sous le commandement du général Forgemol de Bostquénard entrent en Tunisie. Les troupes françaises du général Jules Aimé Bréart pénètrent le 1er mai à Bizerte sans résistance majeure et obtiennent la reddition de 8 000 hommes ; Bréart poursuit sa route vers Tunis6 et l’occupe en trois semaines sans combattre.Bréart entre dans la capitale entre les 3 et 6 mai et installe son campement à La Manouba.
Il a en sa possession le traité du Bardo, établissant un protectorat, qui lui a été transmis la veille par le gouvernement français.
Le 11 mai, Bréart, le consul général Théodore Roustan et le général Pierre Léon Mauraud, accompagnés par une escadron armée, présentent au bey de Tunis, résidant à Ksar Saïd, les clauses du traité.
Surpris, Sadok Bey demande quelques heures de réflexion et rassemble immédiatement son cabinet. Certains de ces membres insistent pour que le bey fuie vers Kairouan pour organiser la résistance mais Sadok Bey décide finalement d’accepter le protectorat.
Le traité du Bardo est signé par les deux parties — Sadok Bey menacé de mort et le général Jules Aimé Bréart — le 12 mai au palais de Ksar Saïd. La France est appelée à contrôler la sécurité et la politique étrangère du pays pour une « période temporaire mais indéterminée ».

Cependant, le bey prie Bréart de ne pas faire entrer ses troupes dans Tunis de peur des troubles qui pourraient s’ensuivre, la ville étant sous le coup d’une profonde émotion après les événements qui viennent de se produire.
Bréart fait part de ce désir au gouvernement français qui donne l’ordre de ne pas occuper la ville immédiatement.
Le 15 mai, il se rend avec une faible escorte à la maison de France à Tunis où il est reçu par Roustan qui vient d’être nommé résident général de France et ministre plénipotentiaire par son gouvernement. De retour à La Manouba, il passe en revue les troupes campées aux abords de la localité et ce, au milieu d’une foule d’Européens venus accueillir les nouveaux conquérants.

Résistances

Le gouvernement français croit alors que les troupes d’occupation sont suffisantes pour la prise de l’ensemble du territoire.
Cependant, quelques mois plus tard, les troupes françaises doivent faire face à des révoltes.
Le 10 juin, Ali Ben Khlifa, caïd de la tribu des Neffet, réunit à la Grande Mosquée de Kairouan les représentants des tribus qui proclament « leur détermination à s’opposer aux Français par les armes ».
Les principales villes se révoltent alors contre les quelque 50 000 soldats français soutenus par une puissante flotte : six cuirassés sont envoyés depuis Toulon (Colbert, Friedland, Marengo, Trident, Revanche et Surveillante) pour rejoindre les vaisseaux de la marine française déjà dans les eaux tunisiennes.
À Sfax, trois cuirassés de la division du Levant sont déjà présents (Alma, Reine Blanche et La Galissonnière) avec quatre canonnières.
La ville est bombardée et prise le 16 juillet après de durs combats, qui se solde par sept morts et 32 blessés côté français.

Conquête et instauration du protectorat en Tunisie  colber10
Le cuirassé Colbert qui prend part à l’invasion de la Tunisie

D’autres villes comme Gabès et Kairouan sont investies dans les mois qui suivent ; 32 000 hommes, 6 000 chevaux et 20 000 tonnes de matériel et de ravitaillement sont envoyés à Kairouan qui tombe sans combattre le 28 octobre.

Pendant ce temps, les 6 et 7 octobre, le général Logerot fait occuper la colline du Belvédère à Tunis, où il installe une batterie d’artillerie qui tient la ville sous ses canons.
Il fait occuper également les forts de Sidi Belhassen et de La Rabta.
Le 10 octobre, un bataillon d’infanterie installe son camp sur l’avenue de la Marine et à proximité de la résidence générale de France, tandis que la kasbah est occupée par deux bataillons d’infanterie et qu’une batterie d’artillerie pénètre dans la citadelle par les portes occidentales donnant sur la sebkha Séjoumi ; le drapeau français est alors hissé sur la kasbah.

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Chasseurs français approchant Tunis

Conséquences

Le Royaume-Uni et l’Empire allemand approuvent en silence l’invasion du territoire alors que l’Italie proteste en vain.
La Tunisie devient alors un protectorat français avec une large partie des pouvoirs conférés au résident général de France en Tunisie qui garde la haute main sur le gouvernement, les finances et les forces armées.
En 1882, Paul Cambon tire parti de sa position de résident pour laisser le bey quasiment sans pouvoir et pour administrer dans les faits la Tunisie comme une nouvelle colonie française.
Les Français établissent ensuite une importante base navale à Bizerte en 1898.

Une histoire : Bizerte et la France
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Tableau sur la prise de Sfax

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La Tunisie au gré des conflits

7 janvier 2013

Bâtiments de flotte à Bizerte

Classé sous — milguerres @ 0 h 18 min

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Une histoire : Bizerte et la France

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8

Bâtiments de flotte à Bizerte

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8

NOM GENRE LANCEMENT : Farfadet Sous-marin
SITUATION Bizerte à Toulon pour réparation
COMMANDANT : Lt. de vais. RATIER
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS : Déplact. 200 tx., vitesse 12 n, 5 tubes lance-torpilles
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : Petit lutin
Le sous-marin, Q.7, Farfadet construit à Rochefort en 1899. C’est un Morse perfectionné. (http://familledelboca.chez.com/fsfarfad.html)
Lancé le 17/5/1901.
Armé le 29/8/1902.
Longueur : 41,35 m.
Largeur : 2,045 m.
Tirant d’eau : 2,72m.
Déplacement : 184,971 t.
Coulé accidentellement, à Bizerte dans le port de SIDI-ABDALLAH, le mercredi 6/7/1905, un capot coincé non fermé le fera couler par 10m de fond, il ne sera pas renfloué rapidement, on signalera 13 victimes. La malchance a été énorme dans son sauvetage.
Sur le Farfadet, il fallait laisser le capot ouvert pour permettre l’échappement de l’air intérieur pendant le remplissage des ballasts, la plus petite imprudence suffisait à favoriser une entrée d’eau par cette ouverture si près de la surface.
Le lieutenant de vaisseau RATIER, ne pouvant pas fermer le panneau, donne l’ordre à son équipage de fermer le panneau inférieur sous leurs pieds afin de conserver l’étancheité du submersible.
Le lieutenant de vaisseau RATIER, le patron LE TROADEC et le timonier LE JEAN ont eu la chance d’être soufflés hors du kiosque au moment de la plongée.
Le Farfadet pique du nez et se pose dans la vase par 10 m de fond.
Un bâtiment accompagnateur récupère les naufragés et l’on mouille un balisage sur le lieu du naufrage.
Des remorqueurs, ponton-grue, gabares se dirigent sur les lieux avec des scaphandriers à bord. Deux fois le sous-marin sera remonté on entendait l’équipage frapper des coups sur la côque, par deux fois l’élinguage largua, la deuxième fois les secours arrivent à injecter de l’air avant que les amarres lachent. Ensuite, plus aucun bruit, le sous-marin sera sorti 9 jours plus tard avec des moyens plus importants.
Frère du Korrigan et du Gnôme.
En 1909, il changera de nom pour Le Follet.
Rayé des effectifs le 22/11/1913.
Il finira sa carrière en 1922.

Bâtiments de flotte à Bizerte farfad10

NOM GENRE LANCEMENT : Gnome Sous-marin
SITUATION Rochefort Bizerte
COMMANDANT : Lt. de vais. CARRÉ Lt. de vais. THÉROINE
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS Déplact. 200 tx., vitesse 12 n,
Armement : 5 tubes lance-torpilles
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : A rapprocher du Farfadet et du Lutin
Le sous-marin Gnôme construit à Rochefort sur mer en 1899. (http://familledelboca.chez.com/fsgnome.html)
Lancé le 23/7/1902.
Armé le 2/6/1905.
Frère du Korrigan, Lutin et du Farfadet.
Longueur : 41,35 m.
Largeur : 2,045 m.
Déplacement : 184,97 t.
Tirant d’eau : 2,72 m.
Rayé des effectifs le 3/10/1910.
Il finira sa carrière en 1912

gnome10

NOM GENRE LANCEMENT : Gustave-Zédée Sous-marin lanct 1893
SITUATION Flottille de la Méditerranée Toulon
COMMANDANT : —
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS Déplact. 266 tx., long. 49 m, larg. 3,20 m, tirant d’eau 3,20 m,
vitesse 12,5 n, coût 400.000F,
Armement : 1 tube lance-torpilles
Equipage : 2 officiers et 11 hommes
TRADITION DU NOM : Nom de l’inventeur du premier sous-marin construit par l’Ètat . Il subsistera dans l’avenir pour perpétuer le nom d’un créateur de génie.

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NOM GENRE LANCEMENT : Korrigan Sous-marin
SITUATION Tunisie Bizerte
COMMANDANT : Lt. de vais. THOMASI Lt. de vais. FENOUIL
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS : Déplact. 200 tx.,vitesse 12,3 n,
Armement : 4 tubes lance-torpilles
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : —
Le sous-marin (Q8) Korrigan construit à Rochefort sur Mer en 1899. (http://familledelboca.chez.com/fskorrig.html)
Lancé le 24/1/1902.
Armé le 29/8/1902.
Frère du Farfadet et du Gnôme.
Longueur : 41,35 m.
Largeur : 2,045 m.
Déplacement : 184,97 t.
Tirant d’eau : 2,72 m.
Rayé des effectifs le 3/10/1910.
Il arrêtera sa carrière en 1911.

korrig10

NOM GENRE LANCEMENT : Lutin Sous-marin
SITUATION : Rochefort Bizerte (en réparation)
COMMANDANT : Lt. de vais. FOURNIER Lt. de vais. N.
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS Déplact. 200 tx., Vitesse 12 n,
Armement :5 tubes lance-torpilles,
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : A rapprocher de Farfadet

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___
réf recherches :
http://guy.joly1.free.fr/tableau-honneur-guerre-navale-submersibles-sous-marins.html
http://familledelboca.chez.com/fsfarfad.html
http://familledelboca.chez.com/fsgnome.html
http://familledelboca.chez.com/fskorrig.html

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Une histoire : Bizerte et la France

6 janvier 2013

Bizerte Les bâtiments de guerre de l’armée française

Classé sous — milguerres @ 23 h 46 min

 

 

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Une histoire : Bizerte et la France

La Tunisie et la Grande Guerre

La Tunisie au gré des conflits

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8Bizerte : Les bâtiments de guerre de l’armée française

Le Watt – le Farfadet – le Gnome –  le Gustave-Zédée – le Korrigan – le Lutin – le vieux MARCEAU

(recherches en cours –liste non exhaustive)

Le Watt

 

Bizerte Les bâtiments de guerre de l'armée française watt-q75-infos1

Le Watt est un sous-marin français, de la classe Pluviôse, construit sur le chantier naval de Rochefort au début de XXe siècle.

1914 : opérations, patrouilles en Manche

De septembre 1914 à juin 1915 : il effectue des séjours à Portsmouth dans le cadre des accords de défense franco-anglais.

Septembre 1915 : de Brest à La Pallice, opérations dans le golfe de Gascogne

17 janvier 1917 : escadrille de chasse de Bizerte ; patrouilles dans le canal de Sicile et sur les côtes d’Algérie

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule826 mars 1918 : il est attaqué au nord de La Galite par méprise par le navire anglais Jeannette II. Celui-ci lance des charges de profondeur qui endommagent le sous-marin et l’obligent à faire surface. Après avoir fait surface les escorteurs anglais SS Frank Parish et américain USS Wenonah (SP-165) (en) lui tirent dessus.

Le commandant (Lieutenant de vaisseau Paul Bourély) est tué. Cinq blessés sont transférés sur le bâtiment anglais Jeannette II. L’un d’eux, le quartier-maître canonnier Lambert succombe à ses blessures.

16 octobre 1919 : condamné à Bizerte

1er décembre 1919 : rayé

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule811 juin 1921 : coque vendue à Bizerte pour démolition.

 

Farfadet Sous-marin

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8NOM GENRE LANCEMENT : Farfadet Sous-marin
SITUATION Bizerte à Toulon – pour réparation
COMMANDANT : Lt. de vais. RATIER
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS : Déplact. 200 tx., vitesse 12 n, 5 tubes lance-torpilles
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : Petit lutin
Le sous-marin, Q.7, Farfadet construit à Rochefort en 1899. C’est un Morse perfectionné. (http://familledelboca.chez.com/fsfarfad.html)
Lancé le 17/5/1901.
Armé le 29/8/1902.
Longueur : 41,35 m.
Largeur : 2,045 m.
Tirant d’eau : 2,72m.
Déplacement : 184,971 t.
Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8Coulé accidentellement, à Bizerte dans le port de SIDI-ABDALLAH, le mercredi 6/7/1905, un capot coincé non fermé le fera couler par 10m de fond, il ne sera pas renfloué rapidement, on signalera 13 victimes. La malchance a été énorme dans son sauvetage.
Sur le Farfadet, il fallait laisser le capot ouvert pour permettre l’échappement de l’air intérieur pendant le remplissage des ballasts, la plus petite imprudence suffisait à favoriser une entrée d’eau par cette ouverture si près de la surface.
Le lieutenant de vaisseau RATIER, ne pouvant pas fermer le panneau, donne l’ordre à son équipage de fermer le panneau inférieur sous leurs pieds afin de conserver l’étancheité du submersible.
Le lieutenant de vaisseau RATIER, le patron LE TROADEC et le timonier LE JEAN ont eu la chance d’être soufflés hors du kiosque au moment de la plongée.
Le Farfadet pique du nez et se pose dans la vase par 10 m de fond.
Un bâtiment accompagnateur récupère les naufragés et l’on mouille un balisage sur le lieu du naufrage.
Des remorqueurs, ponton-grue, gabares se dirigent sur les lieux avec des scaphandriers à bord. Deux fois le sous-marin sera remonté on entendait l’équipage frapper des coups sur la côque, par deux fois l’élinguage largua, la deuxième fois les secours arrivent à injecter de l’air avant que les amarres lachent. Ensuite, plus aucun bruit, le sous-marin sera sorti 9 jours plus tard avec des moyens plus importants.
Frère du Korrigan et du Gnôme.
En 1909, il changera de nom pour Le Follet.
Rayé des effectifs le 22/11/1913.
Il finira sa carrière en 1922.

farfad10

Gnome Sous-marin

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8NOM GENRE LANCEMENT : Gnome Sous-marin
SITUATION Rochefort Bizerte
COMMANDANT : Lt. de vais. CARRÉ Lt. de vais. THÉROINE
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS Déplact. 200 tx., vitesse 12 n,
Armement : 5 tubes lance-torpilles
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : A rapprocher du Farfadet et du Lutin
Le sous-marin Gnôme construit à Rochefort sur mer en 1899. (http://familledelboca.chez.com/fsgnome.html)
Lancé le 23/7/1902.
Armé le 2/6/1905.
Frère du Korrigan, Lutin et du Farfadet.
Longueur : 41,35 m.
Largeur : 2,045 m.
Déplacement : 184,97 t.
Tirant d’eau : 2,72 m.
Rayé des effectifs le 3/10/1910.
Il finira sa carrière en 1912

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Gustave-Zédée Sous-marin

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8NOM GENRE LANCEMENT : Gustave-Zédée Sous-marin lanct 1893
SITUATION Flottille de la Méditerranée Toulon
COMMANDANT :
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS Déplact. 266 tx., long. 49 m, larg. 3,20 m, tirant d’eau 3,20 m,
vitesse 12,5 n, coût 400.000F,
Armement : 1 tube lance-torpilles
Equipage : 2 officiers et 11 hommes
TRADITION DU NOM : Nom de l’inventeur du premier sous-marin construit par l’Ètat . Il subsistera dans l’avenir pour perpétuer le nom d’un créateur de génie.

Korrigan Sous-marin

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8NOM GENRE LANCEMENT : Korrigan Sous-marin
SITUATION Tunisie Bizerte
COMMANDANT : Lt. de vais. THOMASI Lt. de vais. FENOUIL
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS : Déplact. 200 tx.,vitesse 12,3 n,
Armement : 4 tubes lance-torpilles
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : —
Le sous-marin (Q8) Korrigan construit à Rochefort sur Mer en 1899. (http://familledelboca.chez.com/fskorrig.html)
Lancé le 24/1/1902.
Armé le 29/8/1902.
Frère du Farfadet et du Gnôme.
Longueur : 41,35 m.
Largeur : 2,045 m.
Déplacement : 184,97 t.
Tirant d’eau : 2,72 m.
Rayé des effectifs le 3/10/1910.
Il arrêtera sa carrière en 1911.

korrig10

Lutin Sous-marin

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8NOM GENRE LANCEMENT : Lutin Sous-marin
SITUATION : Rochefort Bizerte (en réparation)
COMMANDANT : Lt. de vais. FOURNIER Lt. de vais. N.
ANNEES : 08/1905 06/1907
RENSEIGNEMENTS Déplact. 200 tx., Vitesse 12 n,
Armement :5 tubes lance-torpilles,
Equipage : 9 hommes
TRADITION DU NOM : A rapprocher de Farfadet

lutin

Le vieux Cuirassé « MARCEAU » s’est échoué près de Bizerte
article paru dans le Petit Parisien du 21 Janvier 1922

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ftp://ftp.bnf.fr/060/N0604905_JPEG_1_1EM.jpg

texte de l’article ci dessus :
Marseille 20 janvier (dép. Petit Parisien)
Un radio de Bizerte annonce qu’après la rupture de ses amarres le vieux cuirassé « Marceau » s’est échoué à environ un mille du
remorque (Marine Chambon), sur les roches du cap Zebib, près de Bizerte.
Les remorqueurs de Bizerte tentent d’accoster le Marceau que la mer démontée va vraissemblablement démolir.
Les quatres hommes que se trouvaient à bord pour guider le vieux cuirassé ont pu être sauvés au moyen d’un va-et-vient établi
avec la terre.
Le Marceau avait été acquis récemment par un entrepreneur de la Seyne-sur-Mer et devait être démoli à Toulon.

_________________________________

Le Marceau
source wikipedia

Le Marceau était un cuirassé à tourelle et barbette de la classe Marceau de la marine française, mis en chantier à La Seyne-sur-Mer à partir de 1881 aux Forges et Chantiers de la Méditerranée.
Il a servi dans l’escadre de la Méditerranée jusqu’en 1900, puis il a subi une importante refonte dans son chantier naval d’origine avant d’être est mis en réserve à l’arsenal de Toulon. De nouveau en service en 1906, il a été utilisé pour l’entraînement de l’école des apprentis torpilleurs. Pendant la Première Guerre mondiale il a été utilisé comme navire-atelier et ravitailleur de sous-marins à Malte et à Corfou.

Après 1918, il a été à nouveau mis en réserve au port de Bizerte. En 1921, il a été rayé des listes et vendu pour démolition. Lors de son remorquage vers Toulon par le Marius Chambon il échoua sur la côte, près de Bizerte, durant une tempête et fut démoli sur place.

Histoire
A servi dans Pavillon de la marine française Marine nationale française
Quille posée 28 novembre 1882
Lancement 24 mai 1887
Armé 18 avril 1891
Statut Retiré le 1er octobre 1920
Caractéristiques techniques
Type cuirassé
Longueur 101,6 m
Maître-bau 20,2 m
Tirant d’eau 8,4 m
Déplacement 10.850 tjb
Propulsion 2 machines à vapeur (8 chaudières)
Puissance 11.000 cv
Vitesse 16 nœuds
Caractéristiques militaires
Blindage ceinture 460 mm
pont 80 mm
barbette 400 mm
kiosque 150 mm
Armement 4 canons de 340 mm
16 canons de 138 mm
4 canons de 65 mm (anti-aérien)
14 x 47 mm
5 tubes lance-torpilles de 450 mm
Rayon d’action 740 tonnes de charbon
Autres caractéristiques
Chantier naval Forges et Chantiers de la Méditerranée La Seyne-sur-Mer

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Marius bar 2

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Marius bar 1

___
réf recherches :
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http://familledelboca.chez.com/fsfarfad.html
http://familledelboca.chez.com/fsgnome.html
http://familledelboca.chez.com/fskorrig.html

wikipedia

Gallica

ftp://ftp.bnf.fr/060/N0604905_JPEG_1_1EM.jpg

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Une histoire : Bizerte et la France

La Tunisie et la Grande Guerre

La Tunisie au gré des conflits

La légende noire du 15° Corps

Classé sous — milguerres @ 17 h 39 min

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MISTRE Maurice : La légende noire du 15° Corps (par A. Bach)

http://www.crid1418.org/bibli/?p=73

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8voir les opinions de deux membres du forum : http://militaires-d-hier.forumgratuit.org/t3756-la-legende-noire-du-15-corps

La légende de la lâcheté des soldats du midi en 1914 prise à bras-le-corps par un ouvrage critique, militant et érudit.

MISTRE Maurice, La légende noire du 15° Corps, C’est-à-dire éditions, St-Michel l’Observatoire, 2009, 235 p.

Ce livre narre une des premières désinformations de l’opinion initiée par le gouvernement au début de la guerre et en démonte le mécanisme. Alors que ce dernier est encore seul au courant que toutes les armées françaises, sans exception, des Vosges à Charleroi, ont eu le dessous dans leurs affrontements avec l’armée allemande, sort le 24 août un article de presse dans le journal Le Matin qui, inspiré par le Ministre de la Guerre, donne à l’opinion une première explication des défaites inattendues et inexplicables, de Charleroi à Sarrebourg, encore non médiatisées : la lâcheté des troupes de Provence.

Intitulé «  La Vérité sur l’affaire du 21 Août – Le Recul en Lorraine », rédigé ou plutôt signé semble-t-il, par le sénateur Gervais, il va susciter de forts remous dans l’opinion et laisser des traces jusqu’à aujourd’hui.

Maurice Maistre, provençal lui-même, aidé par des passionnés comme lui, livre ici les résultats d’une enquête qui lui a demandé de nombreuses années de recherche. S’appuyant sur un corpus de sources particulièrement étoffé que ce soit les sources officielles, les articles de presse, les archives locales et les témoignages des combattants, cadre et troupe, il éclaire un point d’histoire resté encore jusqu’à aujourd’hui dans le domaine des rumeurs et des jugements non étayés. Voici un résumé de la démonstration de sa thèse.

 

Un état d’esprit initial à l’unisson de la nation

Il met en valeur tout d’abord en s’appuyant sur le contenu des lettres des soldats du 15° corps, l’état d’esprit de ces derniers lors de la mobilisation. Il s’avère qu’il est à l’unisson du pays, comme en témoigne Jules Besson-Girerd, qui, alors que la mobilisation reporte son mariage prévu le 18 août et qu’il trouvera la mort à Bidestroff le 20 août, écrit à sa soeur depuis Menton, le 8 Août : «  Je suis versé dans l’active et nous marchons au feu en première ligne, ce qui nous va tout juste mais que faire ? La France nous demande un sacrifice, eh bien nous y allons tous de bon cœur ». Sa signature finale est précédée de la mention  « Ton frère qui croit sa vie brisée ».

Les très nombreuses citations de lettres narrant le transport ferroviaire vers la frontière nous fournissent des aperçus affinés de cet événement. Les soldats décrivent les larmes dans les yeux de leurs proches lors de leur départ puis l’espèce de marche triomphale, enthousiasmante scandée par les clameurs et les petits soins donnés aux soldats dans les gares des régions traversées pour en terminer par la surprise d’un accueil froid par des populations lorraines qui, au vrai, anticipent le fait que leur sol va servir de théâtre aux dévastations guerrières.

 

Des préliminaires préoccupants

La légende de la lâcheté des troupes du Midi va trouver un premier aliment dès le 10 août. Ce jour-là une initiative inconsidérée décidée par le commandant d’une Division de cavalerie qui a réussi à obtenir le concours de deux bataillons du 15° Corps se termine par un fiasco payé par plus de 500 tués en quelques heures le 11 août en matinée. Le général en question se retrouve limogé, car reconnu pleinement responsable de cet échec local mais la rumeur commence à poindre que les troupes engagées se sont débandées.

 

Joffre : Le 15° Corps «  cause de l’échec de notre offensive »

Le 14 août les I° et II° Armées françaises s’engagent face à l’Est et franchissent la frontière. La II° Armée au Nord comprend du Nord au Sud les 20° Corps (recrutement lorrain-parisien), 15° Corps recruté dans le quart sud-est de la frontière italienne au Gard, des Bouches du Rhône à l’Ardèche, 16° Corps (Languedoc-Roussillon). L’offensive, finalement assez coûteuse, progresse normalement entrecoupée par une journée de repos et de réorganisation le 18 août. Cette pause a été l’occasion de l’envoi et de la rédaction d’un grand nombre de lettres, les dernières pour beaucoup. On peut y constater moral et détermination, lettres fiables car, hélas pour eux, non retouchées ultérieurement par les auteurs.

La journée du 19 est particulièrement acharnée face à un adversaire qui durcit sa résistance. Le 20 au matin, dans le brouillard se déclenche la contre-offensive allemande qui s’applique sur l’ensemble des I° et II° Armée. Sous le choc le front plie et à 10 heures le général de Castelnau ordonne la retraite générale qui ne va s’arrêter qu’à la nuit du 22 à l’Est de Nancy. Il faut expliquer au politique les raisons de cet échec. Joffre en fournit une dès le 20 à 19 heures par téléphone à Messimy, Ministre de la Guerre: « j’ai fait replier en arrière le 15° Corps qui n’a pas tenu sous le feu et qui a été cause de l’échec de notre offensive. J’y fais fonctionner ferme les conseils de guerre ».

 

Un constat peu respectueux de la réalité

L’auteur qui décrit longuement les réalités du combat au travers des documents officiels et des témoignages des soldats montre bien que ces deux affirmations sont controuvées. Il n’y a pas que le 15° Corps en retraite mais la totalité des deux armées. Le communiqué du 21 août 11 h, plus mûrement réfléchi, adressé lui aussi au Ministre, reconnaît que nos troupes se sont heurtées à une position fortifiée, ont du se replier mais que « tout le monde y a fait son devoir ». Si cette nouvelle expression est certainement aussi excessive que celle de la veille, elle est toutefois moins éloignée de la vérité. La preuve en est fournie par l’auteur qui avec une équipe autour de lui a, à partir du fichier de “Mémoire des hommes”, reconstitué patiemment l’état des morts au combat du 15° Corps

 

Loin des chiffres annoncés jusqu’ici de 1000 tués pour une perte annoncée de 9800 hommes, ils ont répertorié 4160 tués entre les 10 et 20 août 1914 dont 3370 pour les 48 heures des 19 et 20 août. Ces chiffres, sont à rapprocher du nombre de tués du 20° Corps de Foch (3400 d’après les chiffres connus). Ils ne témoignent pas de disparité entre les corps, du moins en ce qui concerne les tués. L’auteur signale en particulier les 309 tués du 27° BCA à Gelucourt le 20 août soit près de 40% de son effectif. A un tel niveau de pertes auquel il faut ajouter les blessés, et sachant qu’un grand nombre de cadres, épine dorsale de la lutte, sont hors de combat, on peut considérer que l’efficacité tactique d’une troupe est fortement amoindrie et que des phénomènes de panique et de fuite sont dans l’ordre des choses. Il faut souligner à cette occasion l’énorme apport qu’a été pour la recherche la mise en ligne des fiches des tués sur le site “Mémoire des hommes”. On peut désormais quantifier le volume des pertes et bâtir des tableaux particulièrement éloquents sur les batailles–massacres à partir de ces données vérifiées.

 

Genèse d’un article crucifiant

Pour comprendre les conditions de lancement de la rumeur de lâcheté des Méridionaux, il est important de s’appuyer sur la chronologie. Le communiqué du 21 août peut être considéré comme une annulation de l’assertion de Joffre de la veille sur la couardise annoncée du 15° Corps. Or, le 24 août, un article paraît qui ignore ce rectificatif puisqu’il contient la phrase suivante : « surprises sans doute par les aspects terrifiants de la bataille, les troupes de l’aimable Provence ont été prises d’un subit affolement. L’aveu public de leur impardonnable faiblesse s’ajoutera à la rigueur des châtiments militaires ».

Comment avait évolué la situation depuis ce 21 août ? Le 21 août, le GQG avait été informé que la I° Armée, tout comme la II°, s’était mise en retraite. En soirée c’est le général commandant la IV° Armée qui avait annoncé ses déboires dans les Ardennes tandis que celui commandant la V° avertissait d’un échec sérieux de son 10° Corps d’armée près de Charleroi. Le pouvoir politique, s’il ne connaîssait pas exactement l’étendue des échecs le 23 août, à savoir que les 5 armées françaises étaient en retraite, en savait suffisamment pour conclure qu’un tel résultat ne pouvait être imputé uniquement à l’un des 21 corps d’armée d’active présents sur le terrain. Le problème était qu’il ne pouvait laisser se diffuser les idées selon lesquelles ces incontestables défaites pourraient être imputées soit à la stratégie mise en œuvre soit au constat de la supériorité matérielle et intellectuelle de l’armée allemande ou soit aux deux. Ainsi avant que le public n’apprenne l’étendue et la généralisation du désastre, cet article rédigé le 23 et signé par le sénateur Gervais sur l’idée du ministre de la Guerre, idée assumée par lui, livrait en pâture à l’opinion l’honneur des  soldats de « l’aimable Provence ».

 

Des paniques avérées

Etait-ce totalement injustifié ? Non. Comme le note justement Maurice Mistre : « Une troupe qui bat en retraite est toujours plus ou moins démoralisée. Les retraites en bon ordre ne se voient que dans les récits d’officiers racontant leur vécu après-guerre ». Au 15° Corps, des fuites-paniques ont eu lieu, une des plus connues a concerné le 173° RI

 

Un cas emblématique : celui du 173° RI

A certaines paniques correspondent des explications comme dans le cas, du 173° RI. Ce régiment recruté en Corse, à la hâte, n’a pu partir à temps pour le Nord-Est avec sa division d’affectation, la 30°. A dire vrai, il n’était pas initialement prévu car cette 30° Division disposait déjà de ses deux brigades complètes, avec leurs deux RI. En effet, compte tenu du fait que l’Italie faisait partie de la Triple Alliance, il avait été convenu qu’en cas de guerre, la défense de l’île se suffirait par la levée d’un régiment à partir des autochtones résidant sur l’île. L’Italie ne semblant pas s’aligner sur l’Allemagne, le commandement militaire sur place avait hâtivement fait monter en puissance ce régiment et l’avait offert au 15° Corps en surplus. Comme le relève honnêtement l’historique du 58° RI : « il faut tenir compte de la mobilisation de ce régiment dans lequel furent incorporés pêle-mêle des hommes de tout âge et dont beaucoup n’avaient jamais fait de service militaire. Lancés dans la fournaise, en descendant du train, ils ignoraient tout de la guerre ». En effet, ce régiment est arrivé en pleine bataille le 18 août, a rejoint à pied le lieu des combats durant la journée avant qu’un de ses bataillons relève par nuit noire dans la forêt de Bride un autre du 58° RI bousculé par l’ennemi et pressé de se retirer avec ses morts et ses blessés. Cette mission, déjà difficile de jour sur un front stabilisé, même pour une troupe excellente, tient de la gageure de nuit, en forêt, sans positions organisées.

Dernière des difficultés, ce bataillon devait se maintenir en contact à sa gauche avec une unité du 20° Corps d’armée, unité totalement inconnue des officiers du 173° et qui le restera car le 58° lui-même avant relève n’avait pu trouver ce contact. Comment s’étonner alors que, à partir du 20 août matin, la contre-offensive allemande frappe là un maillon faible du dispositif ? Erreurs, fusillades réciproques entre amis, débandades en furent le résultat. Cette débandade est donc une réalité constatée sur le terrain par les troupes et la population. Le régiment en question, à l’issue de son baptême du feu dans une telle situation, affaibli par l’étendue de ses pertes, ne pouvait en sortir que momentanément brisé moralement. Le 20° Corps en a été en particulier un des témoins, car il lui a été demandé d’envoyer une unité pour reprendre le terrain perdu par cette unité, tâche qu’on accomplit toujours avec répugnance L’irritation de l’unité envoyée(37° RI) fut d’autant plus grande qu’en réalité, le 20° Corps, considéré comme le corps d’élite de l’armée française était alors lui-même en grande difficulté. Une de ses divisions, la 39°, avait été surprise le matin du 20 et en quelques heures avait laissé sur le terrain 23 de ses 36 canons. Le 20° Corps ne pouvait vraiment plus compter que sur sa deuxième division, la 11ème, dite Division de Fer, pour se rétablir dans sa zone d’action. La situation était d’autant plus compliquée que si la 39° Division avait été surprise, c’est que sur ordre de son chef, le général Foch, elle n’avait pas pris de posture défensive la nuit précédente de manière à pouvoir se projeter en avant dès l’aube sans perte de temps. De ce fait elle avait reçu l’attaque allemande dans les pires dispositions tactiques. Le hic était que la veille le général Castelnau avait demandé au 20° Corps d’arrêter sa progression et de s’installer sur le terrain en mesure le lendemain de prêter main forte aux deux autres corps d’armée confrontés à des difficultés de progression. Or Foch n’avait pas tenu compte de cet ordre et avait maintenu son ordre d’offensive sans se soucier des voisins. Il y aurait eu une grande émotion si cette situation – désobéissance de Foch, conséquence pour sa 39° Division – avait été diffusée par voie de presse. Comme le fait remarquer le Lt Picheral du 19° RAC dans son récit De Lagarde à Dieuze, paru en 1922, le 20° CA avait en temps de paix un recrutement qui, pour une large part était un recrutement parisien. Son commandement et ses états-majors, composés d’officiers brillants, avaient des relations étroites avec le ministère de la Guerre et avec toutes les personnalités parisiennes.

 

La diffamation: un procédé qui s’enracine et s’appuie sur des stéréotypes

Toutes les conditions étaient réunies pour tenter de faire une diversion en fournissant comme explication à la retraite la faillite d’un corps d’armée, cet aveu exonérant les autres de leur manque de réussite. L’auteur rappelle en citant Noël Kapferer (Rumeurs, le plus vieux media du monde, Seuil, 1995) que la rumeur, « production sociale ou à dessein porte sur le comportement des autres, plus pour le fustiger que le décrire [...] Elle est le paravent facile à un déficit d’explications approfondies d’où son succès en période de crise ». L’opinion y était préparée. L’auteur a déniché de nombreuses publications qui présentaient depuis longtemps les populations du Midi sous un jour peu favorable. En voici quelques unes :

Georges Charles Huysmans dans le Carnet Vert publié en 1887 : « Midi égale race de mendiants et de lâches, de fanfarons et d’imbéciles ». Gaston Méry dans son ouvrage Jean Révolte de 1892 : « Le Méridional se faufile partout où il y a une parcelle de pouvoir ; le pouvoir c’est ce qui l’hypnotise comme l’or hypnotise le Sémite». Le futur président de la République, Poincaré, dans le journal L’Opinion du 25 Mars 1911 : « Je crains que les gens du Midi n’aient pas des intérêts extérieurs de la France le même souci que ceux du Nord ».

A ces traits de caractère diffamatoires largement répandus, on peut et doit ajouter une raison supplémentaire d’exécration, notamment dans les régions conservatrices, cas de la Lorraine à cette époque, explicitée finement par l’auteur : « les historiens ont dit que cette guerre avait marqué une trêve entre la France de Voltaire et celle de Jeanne d’Arc. Apparemment et collectivement peut-être, mais foncièrement et individuellement, non !…. Il est bon de rappeler aussi que les grands thèmes idéologiques de l’époque : patriotisme, pacifisme, nationalisme, internationalisme étaient facteurs de division. Les conflits sous-jacents existaient toujours et s’exprimaient à la moindre occasion. » (p. 93).

Or le Midi inquiète depuis longtemps par sa turbulence politique et cette dernière donne lieu à des interprétations tranchées comme celle présentée par le Cdt Bouyssou dans son rapport à l’issue des émeutes viticoles de 1907 : « le Biterrois est intelligent, paresseux, jouisseur, extrêmement vaniteux, souple et faux. Par nature, il fait de la politique, il lit les journaux et aime à pérorer sur le forum […] Au point de vue moral, le Midi est totalement perverti […] Dans ce pays le respect de l’autorité est aboli, le mépris de toute hiérarchie est érigée en principe ».

 

Un « Midi » fortement ancré à gauche

L’auteur consacre un chapitre, fortement documenté, à la coloration politique de la Provence. Citons seulement le fait que le Var et le Gard ont envoyé en 1914 cinq députés socialistes sur six à la Chambre. En 1913 si la loi des trois ans de service militaire est votée, elle n’a recueilli l’assentiment que de deux députés du Var sur sept. Donc avant 14 l’image du Provençal est bien assise dans l’opinion: il est “emphatique, futile, anticlérical, rouge”.

Dans sa forme comme dans son contenu, un message pour être cru doit correspondre à un point de vue déjà instillé par imprégnation dans l’opinion sous forme de stéréotype. L’auteur en constate le résultat en citant les réactions tant de la presse que des milieux politiques. Pour le provençal et monarchiste Maurras, les « quelques défaillances individuelles » ont pour origine naturellement « la démocratie diviseuse et cosmopolite ». Clemenceau, sénateur du Var, a lui relayé la stigmatisation dans son article de L’Homme libre du 25 août : « Ce jour-là, ils (les Méridionaux) ont déplorablement failli et, parait-il, avec trop d’ensemble. Qu’on les encadre et qu’on les mène au plus fort du feu pour leur donner sans retard la chance de réparation à laquelle leur passé leur donne droit ! [..] On m’informe de bonne source que des officiers, des soldats ont été fusillés sur le front des troupes. Si cela est vrai, c’est qu’un chef énergique s’est enfin trouvé là pour faire rentrer par une immédiate répression, trop justifiée, chacun dans le devoir ».

Des articles paraissent pour minimiser l’impact de celui du sénateur Gervais, pour tenter de faire oublier cette accusation. De même un groupe interparlementaire de députés et sénateurs de la 15° Région va entrer en lutte pour s’insurger contre l’image ainsi donnée, mais le siège de l’opinion est désormais fait et perdurera, nationalement et internationalement comme en témoigne cette réflexion tirée d’une lettre d’octobre 1917, après Caporetto, d’une italienne à un officier français retranscrite par le contrôle postal :« vous avez des raisons de ne point nous insulter : rappelez-vous ce qui s’est passé chez vous au commencement de cette guerre, lorsque des milliers de vos soldats, presque tous du Midi, se sont divisés en deux groupes, les uns devenant déserteurs, les autres se rendant à l’ennemi ». Il faut noter ici la qualité et le nombre de citations, riches et variées, utilisées par l’auteur pour fournir un tableau composite des réactions des uns et des autres, citations croisées, nationales, gouvernementales, locales, civiles et militaires.

La dernière partie du livre est consacrée à la description des efforts faits localement pour réhabiliter la mémoire des soldats du 15° Corps, efforts couronnés de succès en Provence mais non dans la nation. Certes sous la pression parlementaire Messimy déclarera-t-il au Sénat le 29 Novembre 1923 : « J’ai connu cet article avant qu’il ne fut imprimé, j’en ai autorisé la publication ; je suis responsable de ses conséquences, pour une part tout au moins » mais au fond comme le remarque François-Xavier Emmanuelli dans Histoire de la Provence (Hachette, 1980) : «  il y a eu pour beaucoup de survivants de la bataille de Dieuze, un deuil qui n’a pu se faire et une parole qui n’a pu être entendue ».

Ce traitement proche de ce qu’on appelle communément de nos jours un « lynchage médiatique » est à l’origine de la constitution d’une mémoire douloureuse, enfouie dans les mémoires familiales mais qui a survécu jusqu’à aujourd’hui hors des modes de diffusion de l’histoire officielle nationale. Cet apparent oubli officiel, cette absence de souci de revenir sur une distorsion de la réalité aboutit de temps en temps à l’émergence d’individualités ou d’équipes comme dans le cas de Maurice Mistre qui, prenant au mot le devoir de mémoire, se lancent dans une contre-enquête historique pour fissurer l’image constituée conjoncturellement, dans un contexte particulier, et depuis jamais retouchée.

Raviver un passé resté mémorialement douloureux ne peut se faire que sous le mode contestataire car s’il y a présomption d’injustice il doit y avoir des coupables et leur dénonciation ne peut être sereine. L’auteur comme on dit est ici du genre « engagé ». Il laisse apparaître ses préférences partisanes et en particulier en profite pour régler ses comptes avec le général Castelnau dont on sent bien qu’il le fustige certes comme commandant de la II°Armée mais surtout comme Président d’un mouvement de droite après-guerre (la Fédération Nationale Catholique) qu’il apprécie peu. La description de son action est puisée dans les portraits à charge faits par ceux qui n’aimaient pas ce général, alors que certaines des affirmations reprises ici se sont depuis révélées fausses. Sur le plan ponctuel, on peut relever, mais bien peu, quelques approximations. Ainsi le décret du 2 octobre 1870 instaurant les cours martiales n’avait plus d’existence légale en 1914 contrairement à ce qui est affirmé. De même le commandant Wolff n’a pas été condamné à mort le 25 août mais le 1er septembre.

Ceci étant dit, j’ai été frappé par la rigueur historienne qui transparaît dans la richesse des sources réunies, la qualité de leur agencement, de leur critique, preuves que ceux que certains désignent dédaigneusement comme des «  amateurs éclairés » sont à même de faire avancer la recherche sur 14-18. Si, comme le dit Antoine Prost « la grande guerre n’appartient à personne, pas même aux historiens » cette dernière a en fait besoin de ces amateurs engagés qui, comme ici, quand ils respectent scrupuleusement les règles de la recherche historique, ouvrent de nouveaux horizons à la compréhension de ce stupéfiant conflit. Il ne faut donc pas jeter le bébé avec l’eau du bain et considérer que les quelques saillies partisanes et coups de sang qui parsèment l’ouvrage ne sont que peu de choses par rapport à l’apport historique qu’offre cette enquête rigoureuse qui interpelle sur la facilité de façonnage de la vérité par les medias en temps de guerre.

En bref je recommande fortement la lecture de cette déconstruction d’une légende en mentionnant que de tels travaux, rigoureux, rencontrent peu d’échos chez les éditeurs installés et que cet ouvrage n’a pu voir le jour que « grâce aux souscripteurs qui par avance en ont soutenu l’édition » comme cela est indiqué en début de livre

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5 janvier 2013

Bizerte et son nouveau port

Classé sous — milguerres @ 1 h 01 min

 

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Une histoire : Bizerte et la France

La Tunisie et la Grande Guerre

La Tunisie au gré des conflits

Ch. Maumemé

Attaché au Service géographique de l’armée

Bizerte et son nouveau port

In: Annales de Géographie. 1895, t. 4, n°17. pp. 464-479.

doi : 10.3406/geo.1895.5729

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1895_num_4_17_5729

 Ch. Maumemé à travers ce récit fait une éloge sur la région de Bizerte, avant la période du protectorat. Bizerte et son lac n’évoqueront que des projets de guerre… Bizerte, aux sites pittoresques… devient aux yeux du monde, un site stratégique… de guerre… Je vous laisse le plaisir d’imaginer Bizerte vers les années 1890… si vous la connaissez aujourd’hui … vous penserez certainement comme moi… elle aurait du rester un site naturel. Ce récit est le début de l’implication de Bizerte, de la Tunisie, au sein de conflits qui ne la ou les concernaient pas … que nous aurons l’occasion d’évoquer à travers d’autres documents, articles, récits. Hayet 

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Au moment où les grands travaux commencés à Bizerte il y a neuf ans sont terminés ou le port vient être ouvert aux navires et la ville jointe Tunis par une voie ferrée peut-être est-il pas sans intérêt étudier Bizerte à son double point de vue de port de guerre et de débouché commercial du Nord de la Tunisie de fixer la physionomie avait celte ville tunisienne lorsque nous sommes arrivés physionomie qui efface de jour en jour examiner aussi dans leurs détails les travaux qu’ils feront effectués, la Compagnie du Port et qui en feront à bref délai la place la plus considérable de la côte Afrique

Un coup d’œil sur la carte de la Méditerrannée et la valeur de cette position nous frappera immédiatement : Bizerte est située à l’issue d’une des très rares échancrures qui entaillant la falaise barbaresque permettent de pénétrer facilement dans l’intérieur de la Tunisie

Au contraire sur tout autre point de cette inhospitalière côte du Nord escarpée et battue de la mer on se trouve dés abord en face de massifs montagneux hérissés de rochers et coupés de ravins et où les populations indigènes sont encore à l’heure actuelle presque étrangères les unes aux autres par suite des difficultés de communications

Une large dépression dont le lac de Bizerte et le lac Achkel, (Garaat Achkel) occupent l’embouchure, s’étend jusqu’au Sud de Mateur prolongée encore par la fertile vallée de Oued Tine.

De Mateur vers le Sud-Ouest des pentes douces s’élèvent jusqu’au plateau de Beja ; on arrive ainsi sans avoir eu à franchir d’obstacles naturels la vallée moyenne de la Medjerdah et les deux territoires que l’on traversés sont les plus riches du Nord de la Tunisie, riches en fourrages en céréales et en troupeaux

D’autre part la petite vallée de Oued Chaïr affluent de l’Oued Joumine ouvre un passage facile au milieu des collines et met ainsi en communication à Mateur avec la basse vallée de  la Medjerdah

C’est du reste cette trouée que suit la voie ferrée Tunis-Bizerte tout récemment inaugurée

Le lac de Bizerte et le cirque d’embouchure de la Medjerdah forment deux vastes dépressions séparées l’une de l’autre par un petit seuil montagneux très peu épais et dont altitude atteint à peine 57 mètres au col d’AÏN Rhelal

Elles déterminent entre elles la longue île d’el Alia qui se bifurque sur Ras Zebid et Porto Farina tandis qu’une langue de dunes et d’atterrissements se prolongent en face de Bizerte limitant le lac au Nord et ne laissant qu’un mince chenal d’écoulement de ses eaux

Toute cette île est couverte de cultures travaillée par les Maures andalous dont elle fut jadis le centre de cantonnement, elle est jalonnée de gais villages dont les maisons blanches s’étagent au-dessus de forêts d’oliviers dévalant vers la mer :  Metline longue agglomération serpentine de maisons communiquant ensemble sans autre rue qu’un ravin qui la contourne. Ras el Djebel dont les minarets effilés s’aperçoivent de loin alternant dans air avec les têtes épanouies des palmiers.  Rafraf dont les coteaux couverts de vignes produisent les raisins les plus estimés de toute la Tunisie

Les descendants des Andalous habiles cultivateurs ?  entretiennent de ravissants jardins abrités du vent où le soleil mûrit en abondance des fruits délicieux et superbes oranges, mandarines, citrons grenades, abricots, pommes, figues et raisins

Il faut considérer que Bizerte met les côtes de France à 6 heures de moins que Tunis et que les arrivages de primeurs en seront d’autant facilités.

Tout ce ravissant coin de terre de la presqu’ île de Porto-Farina qui malgré sa fécondité a  été jusqu’à présent un des plus délaissés de la Tunisie, trouvera à Bizerte son débouché naturel lorsque les

services de paquebots devenus plus fréquents par sulte de l’ouverture du port et les chargements à quai permettront l’ exportation régulière et rapide de toute cette production en partie inutilisée

Je n’ai pas parlé de la région même de Bizerte où la colonisation est déjà portée et où un seul domaine atteint environ 10000 hectares1

Des cultures de toutes sortes y sont faites par les indigènes des bois d’oliviers couvrent les collines et bordant le lac,  mirent leurs frondaisons dans ses eaux bleues oasis lumineuses au milieu desquelles brillent sous le soleil les maisons blanches de Zarzouna de Menzel Abderrahman ou de Menzel Djemil

Bizerte possède en outre aux portes de la ville une source d’immenses richesses :c’ est la pêche de son lac colossal vivier où les poissons peuvent se reproduire en toute sécurité étant jamais inquiétés tant qu’ ils restent dans ce réservoir naturel.

D’ innombrables familles de daurades et de mulets de soles et anguilles de turbots et de rougets vivent dans ses eaux et pourraient y atteindre la vieillesse enviée des carpes de Fontainebleau si leur humeur inquiète ne les poussait à la mort

Ces poissons que des profanes pourraient juger placides et sédentaires sont tout au contraire de tempérament fort nomade et certaines époques de l’année leur goût pour les voyages se traduit par des migrations en masses. Chaque espèce a sa date de départ , à peu près invariable et ce terme arrivé se dirige en escadrons serrés vers la sortie du lac pour gagner la mer.  Les pêcheurs connaissant cette loi naturelle à laquelle obéissent les poissons, se sont et cela parait-il depuis la plus haute antiquité servis de cette observation pour les capturer . Le procédé qu’ ils emploient à Bizerte est assez curieux et mériterait être décrit tout au long mais le récit d’une de ces pêches vraiment miraculeuses ne rentre pas dans le cadre de cette élude ; contentons-nous d’en indiquer à grands traits le principe et à en constater les résultats utiles à connaître au point de vue commercial

A la sortie du premier goulet par lequel le lac épanche dans la mer immenses barrages sont dressés d’un bord à l’autre. Ces barrages construits d’une façon particulière portent le nom de hordigues

Un vieux pêcheur posté non loin de ces barrages est chargé de surveiller en permanence les manoeuvres des habitants da lac.

Ce raïs ou capitaine des pêcheurs est un homme d’expérience et de vue perçante qui sait en outre à peu d’écart près à quel moment de la lune passe la daurade, par quels courants se montre le mulet, quel temps choisira la brème

Lorsqu’il voit les familles se grouper pour quitter leurs demeures, il fait un signal et aussitôt accourent tous les pêcheurs de la ville. Les filets sont tendus et une immense battue s’exécute au cours de laquelle on prend en moyenne, 10 à 12 000 poisons.

Dans L’année on compte treize pêches correspondant treize passages différents .

D’après la statistique officielle de la Compagnie du Port , la pêche par les barques et dans les réservoirs du 1er janvier au 31 décembre 1892 se chiffre par la quantité de 305200 poissons pesant ensemble 365395 kilos

Les chiffres donnés par le Service de la navigation et des ports sont plus élevés encore et accusent une moyenne de 500 000kilos

Cela représente approximativement 750000 piastres soit 430000 francs

Encore faut-il compter une perte énorme par suite des difficultés de transport du poisson

En effet la ville de Bizerte consomme à peine un vingtième de la pêche le reste est expédié à Tunis (70 kilomètres) et ce transport se faisait jusqu’à présent à dos de mulets

On peut se figurer quel doit être le déchet pendant les mois d’été avec une température moyenne de 30° de chaleur

Jusqu’en 1890 la pêche du lac fut affermée par l’état tunisien des adjudicataires qui moyennant une redevance environ 270000 piastres en devenaient fermiers pendant trois années consécutives ; cette adjudication comprenait en même temps la pêche en mer dans les eaux de Bizerte et dans celles de Porto-Farina

En 1890 par le traité passé entre la Direction des travaux publics tunisiens et MM Hersent-Gouvreux la pêcherie du lac fut attribuée à la Compagnie concessionnaire du port de Bizerte

Les pêcheries se trouvèrent ainsi pendant un moment menacées de destruction car la lagune sur laquelle était leur emplacement devait d’une part être coupée pour le passage du chenal et d’autre part recevoir les déblais provenant des dragages pour former l’assiette de la ville future

On ne pouvait faire abandon en pure perte des revenus considérables de ces pêcheries ; aussi seront-elles reportées en arrière au delà de la pointe de Cebra

Un grand barrage en filets de fer sera tendu d’une rive à l’autre ne laissant en son milieu qu’une portière mobile de 35 mètres de long pour assurer le passage des vaisseaux

Quant au mode de  pêche des essais d’un nouveau genre ont été faits et tout porte à croire que cette industrie entre les mains d’une compagnie riche et intelligente se perfectionnera et donnera un rendement supérieur encore à celui que les Arabes peu soucieux du progrès en tiraient jusqu’à présent

Ne quittons point les parages du lac sans parler un phénomène physique observé déjà par les anciens décrit par Pline le Jeune et par Ptolémée et ont dû pour leurs travaux étudier de très près les ingénieurs de la Compagnie du Port ; ce sont les courants alternatifs et en sens inverses qui animent le lac.Tantôt les eaux de la mer entrent dans le lac et tantôt ce sont les eaux du lac qui se déversent à la mer avec un courant très rapide.  Ce phénomène est extrêmement complexe indépendamment des marées qui agissent sur lui d’une façon régulière ; il est régi bien plus puissamment par deux influences essentiellement variables : les vents et la quantité de pluie tombée dans le bassin de réception du lac Ces deux forces en outre se combinent ou se combattent suivant les cas

 Les vents dominants pendant l’hiver sont ceux de l’Ouest or on a observé d’une façon générale que par ces vents ce sont les eaux de la mer qui entrent dans le lac pourtant il arrive souvent que par ces mêmes vents les eaux du lac sortent avec une grande rapidité. C’ est alors le réservoir principal d’alimentation du lac qui est la Garaat Achkel  est en trop-plein par suite des apports considérables que lui font après les hivers pluvieux ; les innombrables torrents qu’il reçoit et dont l’Oued Sedjenan l’Oued Tine et l’Oued Joumin sont les plus importants

Je pense donc qu’on arrivera point à  préciser dans quelles limites peuvent varier et ces courants et leurs différentes vitesses arrivées dans le canal à certaines époques de l’année

On parviendra certainement à amoindrir leur rapidité et empêcher de gêner en quoi que ce soit la circulation dans le canal mais ces courants de vitesses variables et les ensablements dont ils sont certainement une des causes seront les obstacles avec lesquels le port de Bizerte aura le plus à compter dans l’avenir

A l’époque où la France s’y installa, Bizerte avait de valeur au point de vue purement pittoresque Adossée des collines boiséesd’oliviers, entourée de murs à créneaux allongée vers la mer dont a séparait seulement un liséré de sables d’or était l’une des plus jolies cités orientales qu’on pût voir Deux larges canaux coulant au ras des maisons blanches traversaient la ville reflétant dans leurs eaux bleues les minarets ajourés et balançant doucement les mahonnes amarrées aux quais demi écroulés ; par-dessus ces canaux, de petits ponts d’un seul arceau, réunissaient le quartier insulaire au quartier continental : celui-ci renfermait les souks , les cafés arabes et au sommet la Kasbah dominant la mer et la ville de ses hautes murailles étagées formidables jadis, aujourd’hui simplement décoratives

Bizerte méritait encore à ce moment le surnom de Venise d’ Afrique car c’est au Rialto et au Pont des Soupirs que faisaient penser ces canaux enjambés par des ponts en dos d’âne et les ruelles tortueuses se ramifiant à l’infini.

C’était  à la vérité une Venise plus petite sans grands monuments mais possédant de la lumière bleue dans son ciel et dans ses eaux claires de l’air sur ses terrasses, de la gaieté dans ses groupes d’Arabes et dans son petit port rempli de barques, et une certaine grandeur sévère dans ses longues rues voûtées pleines d’ombre fraîche et de silence

Mais telle qu’elle était alors Bizerte avait aucune valeur ni commerciale ni militaire

L’ importance considérable que cette ville est appelée à prendre ne pouvait lui venir qu’autant elle serait aux mains d’une puissance civilisée capable d’aménager son lac intérieur pour la création d’un vaste port

Ce lac d’une superficie de 30000 hectares possède sur une étendue de plus de 6000 des fonds d’une dizaine de mètres il est en- outre entouré d’une enceinte de collines qui le dérobent aux vues du large et en même temps abritent des vents

C’ est une rade fermée assez spacieuse pour que les escadres réunies du monde entier puis y évoluer à l’aise

Mais il en fallait de beaucoup que ce lac fût immédiatement utilisable et que Bizerte pût même être un petit port de commerce

Des obstacles considérables s’y opposaient : le lac en effet ne se déversait dans la mer que par un canal étroit :  le chenal large de plus de huit cents mètres sur un parcours de sept kilomètres et ayant en cette première partie des allures de fleuve tropical se rétrécissait tout à coup barré par la ligne de dunes côtières et dans cet étranglement, les fonds sur plus d’1 kilomètre de longueur atteignaient même pas 2 mètres

La partie de ce canal qui à l »Est de la ville servait de port Bizerte était ensablée et les quais tombaient en ruines : quant  à la vieille jetée qui partait de la pointe de la Kasbah, la mer avait fait brèche en maintes endroits

Seules les mahonnes tunisiennes osaient se risquer jusqu’à Bizerte, encore n’était-ce que dans la belle saison car une barre était formée à l’ entrée de la passe produisant pendant tout hiver des brisants dangereux ; quant aux bateaux mar chands il leur fallait mouiller au large dans une rade peu tenable par les vents qui soufflent une partie de année

Bizerte avait pourtant été autrefois un port d’une certaine importance comme en témoignaient ces diverses constructions,  quais et jetées mais tout cela fut ruiné par les bombardements successifs que

cette ville barbaresque eut à subir de la part des puissances chrétiennes et suivant la coutume orientale rien ne fut jamais réparé probablement depuis 1770, année où le comte de Broves amiral français avait bombardé puis incendié Bizerte

Le bey Ahmed lui-même ce grand constructeur, le Louis XIV tunisien n’avait rien fait pour relever Bizerte , ayant porté tous ses soins sur Porto-Farina dont il voulait faire le port militaire de la Régence

Cet état de délabrement dura longtemps encore après notre occupation ;  pendant les premières années rien ne fut tenté en faveur de Bizerte bien qu’on eût vanté souvent les avantages de sa situation et que l’amiral Aube, durant son passage au ministère de la marine eût réclamé l’établissement d’un port de guerre en ce point .

Nous pouvons avouer aujourd’ hui que le mauvais vouloir latent des autres puissances de l’Angleterre et de Italie et la crainte exagérée de complications diplomatiques, furent pour beaucoup dans cette lenteur à entreprendre des travaux d’une utilité aussi incontestable ;

Après avoir fait un coup d’audace en s’emparant de la Tunisie, la France eut peur un moment et n’osa point agir en propriétaire dans sa conquête

En 1885 seulement on décida qu’une station de torpilleurs serait établie à Bizerte

Le service maritime commença l’année suivante, une restauration partielle des quais, des dragages furent faits pour ouvrir la barre, désensabler le port et le rendre praticable des navires de 3 mètres de tirant eau ; mais ces travaux furent conduits comme une simple réparation d’ouvrages dont on voulut tirer parti sans aucun plan pour constituer une oeuvre nouvelle

Malgré les dragages , les courants ramenaient sans cesse les sables : on perdit ainsi trois années et il fallut se résoudre à prolonger la jetée de la Kasbah de façon à  protéger l’entrée de la passe

C’est alors que la Société Gouvreux-Hersent-Lesueur vint proposer au gouvernement tunisien d’exécuter ces travaux à forfait.

L’ entreprise leur fut adjugée en décembre 1888 moyennant le prix forfaitaire de 120000 francs la jetée Nord devait être poussée à 250 mètres en mer

Déjà dès le mois avril 1883 M. Abel Gouvreux avait remis à M. Gambon ministre résident à Tunis un avant-projet pour ouverture d’un port à Bizerte, mais cette première tentative n’avait pas eu de résultat effectif.

Ce ne fut  qu’au cours de cette entreprise en 1889 que MM Gouvreux-Hersent purent effectuer des études et reconnaissances pour évaluation des travaux nécessaires à la mise exécution de leur projet de port conçu dès les premiers temps de notre occupation en Tunisie.

Des sondages sur un réseau très serré furent pratiqués dans la bande littorale choisie pour le passage du futur canal ainsi que dans la partie de la baie de Cebra où des dragages sont à prévoir dans l’ avenir

Ces sondages faits à 10 mètres de profondeur permirent de reconnaître que le terrain était presque partout favorable aux dragages à exception d’une petite masse de calcaires qui malheureusement se trouve sur le tracé du canal

Il fallut rechercher des carrières de pierre capables de fournir les matériaux nécessaires aux constructions à faire en mer. On reconnut deux gisements importants un à AÎN Roumi nommée depuis AÏN Meriem au nord de Bizerte, l’autre au Djebel Makiouf sur la rive sud de l’avant-lac

Ces études complétées par des observations sur le régime de la mer, de la plage maritime, et des courants alternatifs des deux lacs furent poussées avec assez d’activité pour que le traité de

concession pût être signé dès le 11 novembre 1889 entre la Société concessionnaire et la Direction des travaux publics tunisiens

D’après ce contrat , les travaux devaient être terminés en 1895 et le nouveau port devait comprendre

(1)Nous devons tous ces intéressants renseignements sur les travaux du Port de Bizerte amabilité de Couvreus autres détails techniques ont ëté empruntés

la Note sur le port de Bizerte de Ingénieur Resal note insérée au Bulletin de la Compagnie du poride Bizerte juillet 1893)

 

 deux jetées de 1000 mètres de longueur s’avançant jusque dans les fonds de 13 mètres

Un chenal accès de la mer au lac creusé à 8 mètres de profondeur avec 100 mètres de largeur à la ligne d’eau et 64 mètres au plafond

Des quais auxquels pourront accoster les navires pour opérer directement leur chargement ou déchargement dans les wagons

Un mouillage pour de nombreux navires dans la baie de Cebra à  l’entrée du lac

Par contre le traité garantissant aux concessionnaires l’exploita tion du port futur leur assurait la propriété des pêcheries du lac, ainsi que celle des terrains gagnés par eux sur les eaux ; sur ces terrains doit être bâtie la ville européenne

Les travaux du port furent commencés immédiatement et se greffèrent sur les travaux en cours dont ils furent la continuation.  

La jetée du Nord actuellement terminée après un travail de huit ans est enracinée sur l’ancien môle de la Kasbah Elle  à 4000 mètres de long et est dirigée vers Est vers la pointe du cap Zebid qui enserre du côté de l’Orient, le golfe de Bizerte

Pour amener à pied d’oeuvre les énormes blocs qui constituent cet ouvrage, une voie ferrée été créée

reliant la jetée la carrière AÏN Meriem, aux environs de laquelle est formé un véritable village d’ouvriers

La deuxième jetée celle du Sud comporte également 1000 mètres de long . Son musoir doit être aussi dans les fonds de 13 mètres à  420 mètres du musoir de la jetée Nord, les deux jetées couvrant

ainsi une nappe de plus de 100 hectares ; c’ est dans cette zone où l’on espère obtenir un calme suffisant que débouche par les courbes de 9 mètres le canal reliant le lac à  la mer ; l’axe de ce canal dirigé au Nord-Est, bissecte ouverture entre les deux jetées et passe au Sud-Est de la ville à environ 550 mètres de la porte dite Bab Tunis

Le long de sa rive Nord se trouvent les quais ; une fois achevé, ils auront une longueur de 200 mètres.

De l’autre côté vers le lac, le canal trouve à son issue un élargissement de 700 mètres environ qui est l’entrée de la baie de Cebra

C’est dans cette baie en eaux calmes que pourront relâcher les navires qui ne pénétreront pas jusqu’au lac ; les fonds supérieurs à 6 mètres occupent dans cette rade intérieure abritée des vents, une surface de plus de 70 hectares et les quais pourront être, lorsque l’importance prise par le port le nécessitera, prolongés autour de cette baie dont les bords seront rectifiés en conséquence

Au Nord des quais entre le canal et les murailles s’ élèvera ou plutôt s’élève chaque jour pierre à pierre, la Bizerte européenne celle qui sera la Bizerte de l’avenir tandis que l’ ancienne celle des Andalous abandonnée à ses habitants arabes ou maltais se délabrera de plus en plus mutilée vive malheureusement par le vandalisme savant des ingénieurs auxquels elle a été livrée et qui ont dû (malgré eux je voudrais le croire) démolir les jolis ponts en dos âne et combler

les canaux de la Venise africaine

Il y a pourtant malgré ces quelques mutilations que je déplore, une idée très féconde dans cette création d’une deuxième ville à côté de l’ ancienne. Ce procédé est infiniment supérieur à celui qu’ on eût autrefois suivi en tâchant d’approprier la ville de Bizerte à La situation actuelle par démolition ou expropriation d’une partie de ses quartiers. Un ouvrage fait en vue d’un but déterminé, répond toujours mieux si médiocre soit-il, que l’adaptation d’une oeuvre déjà existante et qui fut faite jadis dans un but tout différent.  

Aux besoins nouveaux d’une civilisation, il faut des installations nouvelles. Cette manière de créer une ville de toutes pièces à côté de celle qu’on ne peut plus utiliser est de beaucoup préférable. Elle permet aux deux civilisations de se développer côte à côte sans que l’une étouffe l’autre, chacune

pouvant tirer de sa voisine les avantages que celle-ci comporte

Le temps n’ est-il pas là en fin de compte pour faire justice entre elles en ne laissant subsister que la meilleure ?  Mais je voudrais su’on respectât tout en les améliorant au point de vue de l’hygiène les villes anciennes ne fût-ce que pour marquer aux yeux des générations suivantes, les étapes de histoire.

Ne serions-nous pas heureux de retrouver actuellement et embrasser d’un même coup d’oeil les civilisations qui se sont succédées sur ce sol africain, les ruines de l’Hippone Diaryte des Romains à  côté de la ville punique qu’elle a remplacée et à  leur suite la Benzert arabe et la Bizerte française

Cette idée me semble implicitement comprise dans le principe du Protectorat sinon dans le mot lui-même.

Tunis a progressé de cette façon depuis le premier pas de notre occupation : la ville arabe n’a en rien été endommagée et à son côté est créée et se développe chaque jour la ville européenne.

Cette digression m’a écarté quelque peu de la question des travaux

La ville nouvelle ai-je dit ,s’élève sur cette partie qui autrefois était le goulet maintenant comblé, par lequel le lac se déversait dans la mer. Un vaste terre-plein existe en effet  aujourd’hui sur toute

cette étendue. En comparant les états de lieux ancien et actuel,  on reconnaît que plus de 50 hectares de terres auront été sorties des eaux et que des fonds de mètres auront été comblés Le volume des dé blais effectués pour le passage du canal a été en effet de 2 millions 20 mille mètres cubes enlevés par deux dragues capables de produire deux mille mètres cubes de dragages par jour. Tous ces déblais rejetés dans l’ancien goulet de la pointe Nord de la baie de Sebra au long des murailles de Bizerte, ont ainsi formé peu à peu l’assiette de la nouvelle ville. Sur ces terrains créés hier , on a déjà bâti en commençant par les maisons les plus utiles à une cité naissante : ce sont naturellement les hôteliers restaurateurs et marchands de vin qui ont ouvert la marche, suivis de près par les fonctionnaires pour ceux-ci et pour les différents services publics, gendarmerie, justice, église,contrôle civil ,etc. etc. le gouvernement tunisien s’est fait réserver des emplacements

Toutes les constructions qui seront faites sur ces terrains seront exonérées de tous impôts pendant les dix premières années de leur mise en usage : excellent moyen pour constituer rapidement

un centre de population commerçante

Le tableau suivant faisant ressortir le nombre de tonnes de marchandises entrées à Bizerte

au cours des dernières années montrera la progression ascendante

du trafic de cette ville avant même l’ouverture du port

1890 ……. 498 tonnes

1891 ……. 761

1892 ……. 13346

1893 ……. 16 864

Le procédé employé pour créer les terrains sur lesquels reposera la future ville mérite d’être décrit

Un système appelé débarquement flottant est installé sur deux bateaux plats sufffsamment écartésl’ un de l’autre pour qu’un chaland chargé puisse passer entre eux et  y effectuer le déchargement de son contenu. Ces deux bateaux plats logent l’un la machine motrice avec ses transmissions, l’autre une pompe et sa locomobile ; ils supportent en outre à une certaine hauteur le beffroi d’une drague avec sa chaîne à godets

Une large gouttière, à laquelle on donne une longueur allant parfois jusqu’à 40 mètres a son origine au sommet de ce beffroi, un peu au-dessous du déversement des godets, son autre extrémité aboutissant au-dessus du fond à combler et le dominant de plusieurs mètres

Ce système flottant est amarré près du bord à  remblayer

Les godets puisent dans le chaland les déblais de dragages, les élèvent au récepteur de la gouttière et les y déversent . L’eau envoyée par la pompe chasse alors ces matières le long de ce couloir disposé suivant une certaine inclinaison

Elles glissent rapidement jusqu’à l’extrémité où elles se projettent avec une force égale à  leur masse multipliée par le carré de leur vitesse de chute ; elles amoncellent se superposent et se tassent elles mêmes étant à peu près liquides. La majeure partie des eaux qu’elles contiennent s’écoule, l’évaporation fait le reste

Un vrai terrain alluvions est ainsi créé d’alluvions artificielles est vrai et bien plus rapidement déposées que des alluvions naturelles mais une manière analogue et offrant une solidité égale, celle des couches géologiques que des eaux libres auraient stratifiées

Ce genre de procédé qui avait été inauguré à Suez fut modifié par MM Hersent et Couvreux pour leurs travaux de régularisation du Danube et ceux du canal de Gand où il donna excellents résultats

Employé à Bizerte, il a permis d’ obtenir des remblais suffisamment consistants pour que des bâtiments importants : ateliers, gare de chemin de fer, hangars des quais, gendarmerie etc. etc. fussent immédiatement construits

En vue du développement que peut prendre cette future ville de Bizerte, il a fallu prévoir son alimentation en eau : des recherches faites dans la partie montagneuse de l’île el Alia ont amené la découverte de sources capables de fournir une quantité eau amplement suffisante à la consommation moyenne probable. Les conduits d’amenée auront jusqu’à Bizerte une longueur d’ une quinzaine de kilomètres et passeront en siphon à 25 mètres au-dessous du pla fond du canal

La route de Tunis à Bizerte par le Fondouk , route suivie par les diligences contourne le lac au Nord et passant par Menzel Djernil est obligée de traverser le canal près de son embouchure. Un large bac mû par la vapeur réunit les deux rives depuis qu’on a commencé les travaux du port

Mais cette route de terre sera de plus en plus délaissée grâce au chemin de fer qui relie depuis peu de temps Tunis à Bizerte ; Cette voie se détachant de la ligne Bone-Tunis a la hauteur de Djedeïda, longe à l’Ouest la plaine basse de la Medjerdah franchit AÏN Rhelal, le seuil de collines qui sépare les deux dépressions dont j’ai parlé au début et par la vallée de Oued Ghaïr, descend sur Mateur, borde à l’Est le lac Achkel passe l’Oued Tindja sur un pont métallique et aboutit à Bizerte non loin des quais de la gare étant à peu près au centre de la future ville

Les trains doivent mettre deux fois par jour Tunis en communication avec Bizerte et parcourir en deux heures et demie les 73 kilomètres qui séparent ces deux villes

Construite par la Société des Batignolles, la ligne a été livrée dans le courant octobre 1894, à la Compagnie Bône-Guelma

Certes on aura dans les premiers temps au moins quelques mécomptes avec cette voie faite en hâte dans des terrains marécageux et qui auraient au contraire exigé des précautions particulières

Mais enfin la voie existe et pourra s’améliorer

La route de terre de Mateur à Bizerte qu’elle emprunte en partie perdra ainsi de son utilité :une nouvelle route amorcée aujourd’hui la doublera en quelque sorte mais en se rendant de Mateur à Bizerte par l’Ouest du lac Achkel de façon à longer la base du pays des Mogods

Ce territoire des Mogods un des plus sauvages de la Tunisie, compte 9000 habitants Le pays est couvert de hautes broussailles au milieu desquelles par places, les Mogods cultivent du maïs

De récentes recherches ont fait reconnaître quelques gisements miniers : fer et calamine et il est probable vu la nature du sol qu’ on en découvrira encore bien d’ autres

Cette particularité jointe à l’excellence du terrain pour la culture du maïs et du tabac donnera-t-elle dans l’avenir quelque valeur à cette région .Je le croirais volontiers après les nombreuses ruines romaines qu’on y rencontre et qui prouvent qu’elle a eu son époque de prospérité : mais elle est jusqu’à présent restée fermée par suite des difficultés naturelles de ses mon tagnes coupées en tous sens par de profonds ravins. La vallée de Oued Sedjenan est la seule trouée qui permette d’y pénétrer. Encore cette unique voie d’accès est-elle barrée pendant la majeure partie de l’année par des boues liquides et profondes qui au mois avril couvrent toute cette rive du lac, empêchent totalement le passage des vallées et isolent par suite, les Mogods dans leur labyrinthe

La route traversera cet oued prés de son embouchure dans le lac Achkel au-dessous du marabout de Sidi bou Guebrin (Homme aux deux tombeaux) dans un des endroits les plus pittoresques et les plus poétiques qu’il soit possible de rencontrer, mais aussi des plus foncièrement bourbeux.  Il me reste de mes courses d’ hiver en ce pays, l’impression d’un engloutissement presque permanent : le sol s’effon drait chaque instant sous les pas des animaux qui entraient par fois au poitrail ou même y chaviraient de telle sorte qu’il fallait en atteler deux autres après le naufragé pour extraire des fondrières

Si on veut que cette route nouvelle réalise son but et rattache effectivement les Mogods à Bizerte, il sera nécessaire de faire de longues chaussées surélevées pour éviter l’enlisement

Je ne veux pas quitter cette partie du pays sans parler plus longue ment que je ne l’ai fait au début, du territoire de Mateur. C’ est dans un cercle de montagne, une plaine immense dont le centre est

occupé par le lac Achkel tandis que du milieu du lac émerge une colossale pyramide, le Djebel Achkel, île étonnante hérissée de rochers et de broussailles habitée par des troupeaux de buffles gou vernés pour le compte du domaine beylical par un fonctionnaire tuni sien, le « caïd des buffles ».

Le piton escarpé complètement isolé dans son lac, domine majestueusement les eaux élevant sa pointe aiguë à 500 mètres au-dessus de leur surface De toute la ceinture de montagnes qui borde l’horizon à  une distance considérable, on aperçoit cette masse étrange qui prend suivant la lumière et l’éloignement, les nuances les plus variées des colorations éclatantes ou sombres tour à tour.

Cette plaine très basse n’ est à proprement parler que le rebord de la cuvette dont le lac de Bizerte occupe le fond. C’est pendant une partie de l’année su(une véritable mer intérieure remplie par les eaux des pluies et celles qu’amènent les ravins de ce gigantesque cirque.

Elle conserve lorsque les eaux baissent, un limon fertile qui en fait pour les céréales et les fourrages une des plus riches zones du Nord de la Tunisie en même temps qu’un splendide pays élevage.

Dès le commencement de mai, de longs convois de mahonnes traversant le lac Achkel gagnent par Oued Tindja le lac de Bizerle où elles viennent apporter les fourrages de Mateur

Vers le milieu de la plaine la petite ville arabe de Mateur toute blanche au bord de ses jardins verts, adossée d’une minuscule colline qui rompt à peine la monotonie plate du pays, est un des centres de

transactions les plus importants du Nord de la Tunisie. Trois grands marchés ont lieu chaque semaine où les bœufs, les moutons, les chevaux et les grains se vendent en quantités indépendamment de tous les autres produits servant à l’alimentation et aux usages arabes.

Toutes les tribus des environs viennent à ce marché.

Un grand nombre de fermes européennes parmi lesquelles il faut citer celle d’un Anglais Smith,  établi dans le pays longtemps avant notre arrivée, se sont déjà installées dans la plaine de Mateur que je crois appelée au plus brillant avenir comme centre de colonisation.

Par étude de la région dont elle est le débouché naturel et par examen des grands travaux qui y ont été faits, nous avons pu nous convaincre que Bizerte deviendra sous peu un port de commerce considérable doté de tous les perfectionnements que peuvent exiger des transbordements et chargements rapides

Mais là n’est pas le seul but à atteindre, il en est un plus important encore.

Postée comme une vedette en bordure de la grande route qui met l’Europe en relations avec l’Orient en particulier , l’Angleterre avec les Indes, Bizerte doit être un des points les plus formidables de la Méditerranée car si Gibraltar tient l’entrée de la route ‘Orient , Bizerte commande le deuxième défilé resserré entre les côtes de Sardaigne, de Tunisie et de Sicile où s’engage cette route.  Il est extraordinaire que rien jusqu’à présent n’ait encore été fait dans ce but

Peut-être et je l’espère a-t-on prévu et se propose-t-on d’effectuer les travaux nécessaires mais je le répète rien n’a  été fait en dehors de la création d’une station de torpilleurs

Le canal en effet, ne comporte d’après les conventions entre les Travaux publics tunisiens et la Compagnie du Port qu’une profondeur de 8 mètres atteinte actuellement .

Il est à penser que ce n’est là qu’un acheminement et à souhaiter que, une fois le port ouvert au commerce,le canal soit creusé à la profondeur nécessaire pour que les cuirassés puissent pénétrer au lac : celui-ci doit être la rade militaire : il est en somme la vraie raison de la valeur de Bizerte car il offre à notre marine la meilleure base d’opération pour courir sus à  tout adversaire qui tenterait de franchir le canal de Sicile. Qu’une escadre française puisse être concentrée dans cette rade intérieure ses croiseurs éclairant au large peu d’heures après avoir été renseignée sur l’approche de l’ ennemi, elle aura coupé les communications entre Malte et Gibraltar. La menace seule de cette éventualité si grave pour elle, suffirait probablement pour écarter Angleterre d’une coalition contre nous.

Et Bizerte tient cette menace enfermée dans son lac

Nous pouvons d’autre part nous rendre compte par le simple examen de la carte que les ports de France, de Corse, et même d’Algérie sont trop éloignés de la route des vaisseaux pour la menacer efficacement : en outre aucun port d’Algérie n’ est fermé

Sans ajouter d’autres considérations d’ordre politique et qui ne rentrent point dans ce cadre, ces seules raisons géographiques réclament impérieusement que Bizerte devenue port de commerce, soit en outre organisée et cela dans le plus bref délai en port de guerre.

Des travaux essentiellement militaires s’imposent tels que la création d’arsenaux et de cales pour les réparations de navires.  Les bords du lac devront en certains points, être rectifiés. Une portion notamment de son pourtour semble indiquée non seulement par la nature elle-même mais encore par les travaux qu’y firent les Romains. Sur la rive Sud-Ouest entre la Koubba el Arbaïn (sépulture des 40 marabouts) au lieu nommé hennchir Sbedah sur prèsde 1200 mètres, les bords du lac furent autrefois taillés ; des restes de quais et de môles construits en énormes blocs sont encore visibles

Les fonds de 9 mètres viennent jusqu’à 300 mètres des berges ; il aurait donc que des dragages relativement insignifiants à aire en cette partie pour permettre aux navires d’arriver aux établissements militaires construits dans la zone que je viens d’indiquer

Cette merveilleuse rade est à déjà demi fermée par la ceinture de collines qui la couvrent des vues du large des batteries défendant la passe, termineront cette fortification naturelle du côté de la mer mais

il importera en outre et cela en vue d’un mouvement tournant qui pourrait être tenté par Tunis, de la compléter du côté de l’intérieur par l’établissement de petits ouvrages dont les positions sont indiquées par le terrain lui-même et par les passages qui traversent cette circonférence de collines.

Bizerte ville de commerce pourra s’enrichir à l’aise et sans crainte sous la protection de son lac, port deguerre, camp maritime retranché, qui offrira aux flottes de France un point d’appui inattaquable

 

Capitaine MAUMEME

Attaché au Service géographique de l’armée

 

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Une histoire : Bizerte et la France

La Tunisie et la Grande Guerre

La Tunisie au gré des conflits

1 janvier 2013

Les infirmières et la Grande Guerre

Classé sous — milguerres @ 17 h 49 min

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 Les femmes et la Guerre

Les infirmières dans les premiers temps

de la guerre de 1914-1918 *

par Bernard MARC 

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Des problèmes nouveaux et illimités

Dès le 2 août 1914, la nature du conflit mondial posait à la 7ème direction chargée du service de santé des armées et dirigée par le médecin inspecteur Troussaint des problèmes de traitement des blessés et des malades qu’elle n’arrivera pas à juguler avant la fin de l’année 1915.

L’organisation, quoique revue en 1912 et théorisée entre autres par

le médecin-major Simonin du Val-de-Grâce (1), fut dépassée par l’ampleur des problèmes: une guerre moderne tout d’abord, avec des blessures dues à l’artillerie ou aux balles des shrappnels, des combats permanents sans trêve pour le ramassage des blessés (2), une guerre de mouvement dans les premiers temps du conflit. D’où des conséquences immédiates pour les soins aux blessés : pas de bases fixes pour le service de santé, de nombreux établissements sanitaires dans la zone occupée par l’ennemi, des évacuations sanitaires irréalisables (3) entre autres fautes de trains ou de voies ferrées utilisables ou bien irréalistes, avec des voyages vers le premier hôpital de l’arrière pouvant prendre trois ou quatre jours, sans le moindre soin digne de ce nom (4-8).

C’est avec 10 490 médecins dont seulement 1 495 militaires de carrière et de 2 318 pharmaciens dont 126 seulement du cadre militaire actif que le corps de santé devait faire face, au début de la guerre de 1914-1918. Ces effectifs étaient inférieurs à ceux  théoriquement prévus d’au moins 7 000 médecins au service des armées et de 5 000 médecins au service de l’intérieur.

A cette carence en personnel, s’ajoutent les difficultés dues à la violence et l’aspect de guerre moderne qui caractérisent déjà les tout premiers mois du conflit mondial. Les postes de secours régimentaires sont débordés et les récits des témoins concordent.

En effet, lorsque les blessés arrivent un peu à l’arrière au poste de secours, amenés par les brancardiers arrivés seuls ou aidés par des camarades de bonne volonté, ils

trouvent des postes de secours débordés comme le décrit le médecin inspecteur Mignon (9) : « 3 ou 400 blessés furent couchés sur des matelas, des canapés, de la paille. Le château une fois comblé, les blessés débordèrent sur l’école, l’église, les maisons particulières (…) ». Comme personnel médical un aide-major, un médecin auxiliaire, un infirmier étudiant en médecine, des infirmiers régimentaires et des habitants

bénévoles. « En fait de matériel, un panier de pansements de cavalerie, le contenu de sacoches régimentaires, des sacs d’infirmiers et des pansements individuels » (10).

L’organisation des évacuations sanitaires, sensée permettre des meilleurs soins une fois au calme est tout autant désorganisée et débordée, lorsqu’elle est possible puisque n’existent pour toute l’armée que vingt-cinq sections sanitaires d’évacuation, hippomobiles bien sûr, parfois tombées aux mains de l’ennemi ou dispersées par les mouvements de la bataille de la Marne et de la « course à la mer » avant que le front ne se stabilise à la fin de l’année 1914 (Fig.3).

L’espoir pour les blessés consistait en partie dans les trains sanitaires. S’il existait cinq trains permanents, assez bien équipés, qui circulaient sur les différentes voies de chemins de fer, il fallut leur adjoindre pas moins de 115 trains sanitaires improvisés, trains de marchandises dans les wagons desquels on mettait douze brancards par wagon, qui servirent à l’acheminement des blessés vers les hôpitaux de l’arrière (Fig.4).

Les victimes de cette désorganisation furent d’abord les blessés. Si Georges

Clemenceau vit son journal « l’Homme libre » interdit en septembre 1914 suite à un article particulièrement critique sur le problème des blessés, il ne fut pas le seul, loin de là, à s’élever contre cet état de fait.

 

Un afflux massif de blessés et de malades

Ce qui frappe dans l’étude des premiers temps de la Grande Guerre, au plan de l’organisation sanitaire, c’est bien sur le désordre et l’improvisation pour tenter de les pallier, mais aussi c’est l’importance des besoins.

En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le compte-rendu récapitulatif du 2 août 1914 au 31 décembre 1914 des blessés et malades pris en charge par la 7ème direction ne compte pas moins de 798 833 blessés français et des troupes d’Afrique et 322 672 malades pour ces mêmes effectifs, en quatre mois.  

 

Cet afflux est d’autant plus évident, à une période de grande désorganisation, lorsqu’on le compare avec les chiffres de la période des quatre premiers mois de l’année 1915, période qui succède aux premiers mois du conflit et qui fait l’objet du tableau 2.

Globalement, les nombres diminuent significativement, en ce qui concerne les blessés (- 69 % pour les troupes de métropole, – 56 % pour les troupes d’Afrique). A contrario, les cas de maladie progressent (+ 44 % et + 23 % respectivement pour les troupes de métropole et les troupes d’Afrique), ainsi que leur gravité – le début de 1915 est une période où de nombreux cas de typhoïde apparaissent – (+ 281 % de décès dans les troupes de France ).

 

Une organisation sanitaire parallèle, bénévole et efficace

Devant de tels problèmes, qui n’étaient pas la seule vision des polémistes, des mesures furent prises : un arrêté ministériel du 9 octobre 1914 créa une direction générale du Service de Santé aux Armées, direction individualisée qui n’existait pas jusqu’alors et le recours au bénévolat, parfois seul à avoir fait face à l’afflux de blessés, fut vivement encouragé.

En effet, d’août 1914 à la moitié de 1915, la très large majorité des soins aux soldats blessés et malades aura été le fait de l’oeuvre des bénévoles, notamment ceux des trois sociétés de la Croix-Rouge :

- Société française de secours aux blessés militaires (S.S.B.M.),

- Union des Femmes de France (U.F.F.)

- Association des Dames françaises (A.D.F.).

Si l’organisation et la montée en puissance du service de santé aux armées n’avait pas été une des préoccupations majeures de l’Etat-major français, malgré une réforme tardive en 1912, la Croix-Rouge avait au contraire prévu la mise à disposition d’hôpitaux et de formations sanitaires nombreuses et efficaces, avec le personnel adéquat.

Le pardon étant une vertu chrétienne, l’armée de la troisième République verrait ses blessés largement accueillis dans toutes les institutions sanitaires catholiques et soignés par leur personnel soignant, notamment les religieuses infirmières qui avaient été chassées des hôpitaux publics en 1905, à la suite de la loi Combes de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Mais puisque les ecclésiastiques étaient si nombreux parmi les brancardiers, quoi de plus normal (12, 13). Outre l’Eglise et ses oeuvres charitables et soignantes, l’apport du bénévolat soignant fut nécessaire. Ce furent les sociétés affiliées à la Croix-Rouge qui l’apportèrent. Ces sociétés s’étaient mises en place dès la fin du XIXème siècle, date de leur création, et renforcées singulièrement à l’approche du conflit et encore plus dès le début de celui-ci, pour recruter, encadrer et former les bonnes volontés.

Une structure de soins indispensable dans une période de désorganisation

Les trois sociétés rattachées à la Croix-Rouge avaient su s’adjoindre médecins et chirurgiens, dispensés du fait de leur âge ou de leur état de santé d’un service actif aux armées et su prévoir les effectifs infirmiers et soignants nécessaires, elles avaient aussi prévu les structures hospitalières indispensables, réparties sur l’ensemble du territoire national pouvant monter en puissance selon les nécessités du conflit.

Cette structure de recours fut particulièrement utile car si l’armée disposait sur le territoire entier de 244 214 lits, répartis dans 1 987 hôpitaux, l’avancée des armées allemandes, notamment dans la 6ème région (Soissons, Château-Thierry, Châlons-sur- Marne, Epernay, Reims, Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Verdun) allait la priver de 64 298 lits, soit 26,3 % de sa capacité. A un moment crucial, alors que 1 134 000 entrées allaient être notées dans les 4 premiers mois de la guerre, la réserve en lits n’était plus que de 179 916 lits !

On comprend mieux les alternatives à l’hospitalisation qui perdurèrent jusqu’en 1915 au moins.

Grâce aux efforts des diverses sociétés de Croix-Rouge, dont les sociétés britanniques, canadiennes et américaines qui s’y étaient associées, le nombre de lits et d’hôpitaux allait être porté pour le service de santé des armées respectivement à 362 510 lits et 3 968 hôpitaux le 1er novembre 1914, 414 052 lits et 5 202 hôpitaux le 1er janvier 1915 et 507 562 lits et 5 305 hôpitaux le 15 mai 1915 (Fig. 5), alors qu’à cette période, comme nous l’avons vu, le nombre d’hospitalisations était en diminution notable. Les infirmières étaient devenues les chevilles ouvrières du système, figurant sur les clichés du personnel et des blessés des hôpitaux, thèmes de nombreuses cartes postales

Cette reconnaissance était logique puisque doubler le nombre de lits et d’hôpitaux en neuf mois et les doter de personnel était un réel tour de force.

Cet énorme effort ne fut pas isolé puisque les infirmières et soignantes auxiliaires contribuèrent au fonctionnement des infirmeries de gare (Fig.9) qui fut la première forme de médicalisation ou de paramédicalisation d’un transport sanitaire où nul médecin, au début tout du moins et à l’exception des cinq trains permanents (sur 120) n’était présent, les trains étant le plus souvent faits de compartiments séparés, le passage de l’un à l’autre n’étant possible qu’à l’arrêt (14, 15). Pour la seule 6ème Région (16), on comptait, en ce qui concerne la seule société de secours aux blessés militaires des infirmeries des gares régulatrices de Soissons et de Vitry-le-François ainsi que des cantines aux gares de Bar-le-Duc, Château-Thierry, Reims et Epernay. En ce qui concerne l’infirmerie de gare de Soissons, avant l’occupation par l’armée allemande, on sait que :

« cette infirmerie eut un fonctionnement très actif, pendant lequel les infirmières, sous la direction de la Présidente du Comité des Dames, la Comtesse Guy de la Rochefoucauld, assurèrent avec le plus grand dévouement le service des pansements et le ravitaillement de tous les trains de jour et de nuit ».

Des conditions du travail telles qu’elles méritent aux bénévoles une citation au Journal Officiel du 4 décembre 1914 :

« M. Fosse d’Arcosse (André), Président du Comité de la Société française de Secours aux blessés militaires à Soissons, a volontairement assumé avec Mgr Péchenard et Mme Mâcherez la charge et les risques de représenter la ville devant l’ennemi et défendu avec énergie les intérêts de la population en l’absence du maire et de la plupart des membres du conseil municipal. Malgré un bombardement intense, qui a ruiné en partie la ville, a pris avec Mgr Péchenard et Mme Mâcherez les mesures les plus efficaces pour maintenir le calme et l’ordre dans la ville et protéger la vie des habitants ».

Mais le rôle de ces bénévoles, soignants et infirmières, ne s’arrêtait pas là : en effet, pour ne prendre que l’exemple de la 6ème Région (les Ardennes, la Marne, l’Aisne, la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et l’Oise) un document de synthèse (16) indique que, dès le début du conflit, la 6ème Région comptait « grâce au concours de dévouements ardents et à la précieuse collaboration des équipes mobiles d’infirmières, envoyées de

Paris » un total de « 71 hôpitaux auxiliaires classés, 7 postes de secours frontières, 10 postes abris » .

Pour Châlons-sur-Marne, l’hôpital auxiliaire n° 6, comprenant 150 lits pour grands blessés, avait été établi avec l’aide de l’évêque, Mgr Tissier, qui mit à disposition « le grand séminaire Sainte-Croix, ainsi que les lits et le matériel » pour un hôpital qui fut « prêt à fonctionner dès le 10 août 1914″. Pour le fonctionnement : « vingt infirmières (…) y donnent leurs soins aux blessés (…) les services médicaux et chirurgicaux

furent assurés par des médecins et des chirurgiens civils de la ville sous la direction de M. Evrain, médecin-chef. Le Service de Santé y a placé par la suite un chirurgien militaire. En mars et en septembre 1915, et plus tard en diverses circonstances, les grands blessés affluèrent à l’hôpital n° 6, qui (…) fut transformé en hôpital d’évacuation ».

Un autre exemple est donné pour la ville de Fismes où, dès la mobilisation générale d’août 1914, il était organisé « une nouvelle ambulance de 100 blessés dans les locaux du groupe scolaire. Tous les aménagements furent faits par les soins du Comité : adduction d’eau, salle d’opérations, cuisine, lingerie, dépôt mortuaire, etc. La lumière électrique fut généreusement installée et offerte par M. Faustin, propriétaire de l’usine

de la Chapellerie (…).

(L’ambulance reçut) bientôt de très nombreux blessés et malades : au moment de la bataille de la Marne, ils affluèrent en si grand nombre qu’on dut les placer entre les lits, sur des matelas, par terre. On opérait jour et nuit (…). Après la bataille de la Marne, le Service de Santé a pris possession de ces formations, profitant de toutes nos installations et conservant nos brancardiers et infirmières (…) ».

Un hôpital type de l’Union des Femmes de France : l’hôpital temporaire n°103 à Paris

Sous l’égide de l’Union des Femmes de France, autre composante de la Croix- Rouge, l’hôpital temporaire n° 103 vit le jour rue d’Ulm, dans les locaux de l’Ecole normale supérieure. Outre les frais d’aménagement, l’Union des Femmes de France finançait l’hospitalisation des blessés en très large partie puisque les frais d’hospitalisation réglés par le Service de Santé militaire étaient de deux francs par jour pour des frais réels estimés en moyenne à six francs par jour. Pour ce financement, tous les moyens étaient bons, des collectes aux dons en passant par les souscripteurs assurant une part des frais d’un lit pendant un mois (75 francs) ou par les spectacles de charité .

D’autre part, les locaux avaient été aménagés pour transformer en salles d’hôpital les locaux de l’Ecole normale à l’exemple des salles de cours devenues dortoirs (avec cloisonnements individuels et sonnettes en tête de chaque lit). Le rez-de-chaussée comprenait les bureaux de la directrice et du médecin-chef, le secrétariat, la pharmacie, la salle de désinfection et la salle de bains, la salle à manger et la cuisine, la salle de mécano-thérapie. A l’étage, les bâtiments avaient une affectation par aile :

  • salle de contagieux,
  • salle d’opération,
  • salle de radiographie,
  • salles de pansements – comprenant des annexes avec
  • autoclaves,
  • étuve
  • Poupinel,
  • four Pasteur,
  • pour la stérilisation des compresses, des pansements, des champs opératoires
  • et des instruments

ainsi que les préparations en tambours des compresses après 40 minutes d’autoclave.

A l’étage aussi, une tisanerie et la salle de l’infirmière-major qui servait aussi de bureau pour les infirmières et les médecins pour les prescriptions et les dossiers médicaux.

Ces derniers étaient des médecins civils trop

âgés ou inaptes au service armé sous la direction d’un chirurgien, médecin-chef de l’hôpital, le Dr Floesheim et assisté d’un médecin pour tous les cas médicaux, le célèbre Dr Galtier-Boissière.

A la pharmacie dirigée par un pharmacien de la rue d’Ulm, les préparatrices en pharmacie étaient des élèves scientifiques de l’Ecole normale et le coursier un scout affecté à l’hôpital…

L’administration et la direction de l’hôpital incombaient à la directrice de cet hôpital temporaire par l’Union des Femmes de France qui avait en particulier la responsabilité du choix des infirmières et infirmières-majors qui, après leur formation initiale, devaient accomplir un stage d’évaluation d’un mois, pour juger de leurs capacités à un travail d’équipe en milieu hospitalier (Fig. 10), ces infirmières étant bénévoles et issues de tous les milieux. Ce stage consistait d’abord à réaliser les soins matériels des blessés, puis à assister une infirmière panseuse, et enfin à réaliser les pansements des blessés.

Munies de leurs certificats de stage, les nouvelles infirmières pouvaient s’incorporer à l’équipe de l’hôpital.

 

Un effort de formation particulièrement notable

L’Union des Femmes de France (U.F.F.), fondée en 1881, avait créé par ailleurs un enseignement spécial dès la déclaration du conflit pour former des aides auxiliaires qui pouvaient devenir ensuite infirmières auxiliaires puis infirmières au titre de guerre.

Avec un programme de formation élémentaire (notions de base, notions pratiques sur le déplacement des malades, l’emploi des objets de salle, des pansements, l’application des bandages, l’utilisation des appareils courants) associé à la multiplication des monitrices et des lieux de formation de l’U.F.F., cinq mille bénévoles furent formées dès les

premiers temps du conflit et quatre mille furent reçues au certificat d’aide auxiliaire de guerre.

L’effort fut maintenu par l’Union des Femmes de France qui attribua, en 1914 et en 1915, 3 159 diplômes d’infirmières après une formation de six mois et 2 607 diplômes d’infirmières auxiliaires. Parallèlement, l’Association des Dames françaises (A.D.F.) inaugurait le 17 août 1914 des séries de cours à l’hôpital-école Michel-Ange du 16ème

arrondissement de Paris, d’où sortirent 2 434 infirmières diplômées et 306 infirmières majors, dont respectivement 1 321 et 59 pour la province.

Enfin, la Société française de secours aux blessés militaires (S.S.B.M.), directement liée au service de santé militaire dont elle était auxiliaire (décret de 1864), dispensait depuis 1881 des cours annuels centrés sur la médecine et la chirurgie de guerre, buts officiels de la Société.

L’enseignement, basé sur l’étude du Manuel de l’infirmière, permettait d’acquérir un diplôme initial, obtenu après des sessions d’étude de deux mois ou des sessions d’examen pour les auxiliaires ayant servi six mois dans les hôpitaux, et donnait accès au diplôme de guerre.

Le programme enseigné, théorique et pratique, figure dans les tableaux 3 et 4 suivants.

Les infirmières emportent l’estime

La conclusion de cette première période de conflit fut donnée par le sous-secrétaire d’Etat au service de santé, Justin Godart, qui prit la tête de celui-ci à la moitié de 1915 :

« Dix corps d’Armée seulement étaient dotés du cadre et du matériel prévus par le nouveau règlement de 1910. Là comme ailleurs, il fallut donc, pour parer au plus pressé, recourir à l’improvisation » (17).

L’improvisation militaire des premiers temps fut largement compensé par l’organisation et le dévouement des bénévoles et des religieuses dans les associations caritatives et organismes de Croix-Rouge, et par les efforts de « professionnalisation » infirmière.

Le bilan, un an après le début des hostilités, semblait réellement positif à Justin Godart qui avait pris la tête du service de santé, pour presque toute la durée du conflit :

« Mais à ces hâtives méthodes de la première heure, je puis bien dire maintenant qu ‘a succédé une organisation rationnelle et solide, bien faite pour rassurer les plus légitimes inquiétudes. En voulez-vous un exemple ? eh bien ! au lieu des 250 000 lits que prévoyaient les journaux de mobilisation, nous en comptons aujourd’hui plus de 500 000, c ‘est-à-dire plus du double ! Et un égal effort peut-être constaté dans tous les services chargés d’assurer les soins nécessaires à nos blessés et malades » (17).

Lorsqu’à partir du 1er mai 1917 seront épinglées les premières médailles de la Croix-Rouge pour les infirmières volontaires, ces médailles auront été bien méritées.

 

NOTES

(1) SIMONIN J. – (médecin-major). Le Service de santé de l’arrière avant et après la bataille. Paris, 1910.

(2) 2 septembre. « Nous ne pouvons prendre que les blessés du village, car en dehors, on se fait canarder. Travail toute la nuit. Que de blessés ! Que d’horreurs ! ». In Laby L. Les carnets de l’aspirant Laby. Médecin dans les tranchées. Paris, Bayard, 2001, p. 51.

(3) 8 septembre. « J’avais seul établi une ambulance dans la mairie à défaut du personnel de l’ambulance n° 2 qui n’est arrivé que le soir. J’ai soigné 200 blessés ; (…) sommes désignés pour y aller avec six voitures. (…). Arrivés à cent mètres de Marcilly, un commandant nous donne l’ordre de tourner bride : la route est bombardée … impossible de passer (…) désolés de ne pas pouvoir accomplir notre mission, nous faisons demi-tour ». In LAPY L. Les carnets de l’aspirant Lapy. Médecin dans les tranchées. Paris, Bayard, 2001, p. 54.

(4) BESSIÈRES A. (S.J., Abbé). – Le train rouge, deux ans en train sanitaire. 2ème édition. Paris, G. Beauchesne, 1916, 287 p.

(5) JAVAL A. (Dr). La grande pagaie 1914-1918. Paris, Denoël, 1937, 172 p.

(6) KLEIN F. (Abbé). – La guerre vue d’une ambulance. 3ème édition, Paris, Armand Colin,

1915 : 276 p.

(7) OLIER F. – Les hôpitaux temporaires de Bretagne, 1914-1918. Rennes : Olier François, 1986,46 p.

(8) PRADEL E. de (Dr). – La guerre en sabots chez les majors. Extraits d’un journal d’un médecin de l’armée territorial mobilisé pendant la Grande Guerre 1914-1918. Paris, Victorien frères,1926, 196 p.

(9) MIGNON (médecin-inspecteur général). Le Service de santé pendant la guerre 1914-1918.

Volume 1, Paris, Masson, 1926-1927.

(10) MIGNON (médecin-inspecteur général) : ouvrage cité.

(11) MINISTÈRE DE LA GUERRE. DIRECTION DU SERVICE DE SANTÉ. – Etude de statistique chirurgicale.

Guerre de 1914-1918. Les blessés hospitalisés à l’intérieur du territoire. L’évolution de leurs blessures. 2 tomes, Paris, Imprimerie Nationale, 1924, 451 p. et 413 p.

(12) KLEIN F. (Abbé). – La guerre vue d’une ambulance, 3ème édition, Paris, Armand Colin,1915,276 p.

(13) COLSON A. (Abbé). – La Grande Guerre 1914-1918 raconté à mes petits-neveux. Carnets d’un caporal-brancardier. Archives personnelles de l’auteur.

(14) HELYS M. – Cantinière de la Croix-Rouge, 1914-1916. Paris, Perrin, 1917.

(15) ROUSSEL-LEPINE J. – Une ambulance de gare. Croquis des premiers jours de guerre (août

1914). Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1916.

(16) « Action de la Société dans la 6ème Région d’Août 1914 à Juillet 1916″ publié dans le Bulletin de la Société française de Secours aux blessés militaires. Nouvelle série n° 6, juillet

1917, p. 112-130.

(17) Déclaration de Justin Godait, sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, chargé du service de santé militaire, pour « Lectures pour tous » numéro spécial du 15 octobre 1915 : l’effort national.

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 Les femmes et la Guerre

31 décembre 2012

Les mutins de 1917 André LOPEZ

Classé sous — milguerres @ 12 h 13 min

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Dossier sur les Mutineries de 1917

Les mutins de 1917  André LOEZ

extrait de l’article

Une nouvelle histoire des mutineries de 1917
vu par Romain Ducoulombier

http://www.laviedesidees.fr/Une-nouvelle-histoire-des.html

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8

L’annexe de la thèse d’André Loez relative à cette sociologie des mutins

ETUDE COMPLETE REALISEE AUTOUR DU LIVRE de André LOEZ
14-18

Refus de la guerre

Une histoire des mutins
Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8
documents et articles tirés de http://www.crid1418.org/doc/mutins. 

Les mutins de 1917  André LOPEZ mutins10
Ce livre étudie, pour la première fois, les mutins de 1917 eux-mêmes. En saisissant les pratiques et les discours protestataires au moment même où l’événement surgit, dans son intensité première, lorsque des mutins manifestent, chantent l’Internationale, envisagent de « marcher sur Paris », l’ouvrage replace les mutineries au cœur de la Grande Guerre, dont il permet de renouveler le récit.
Ainsi, dans les débats sur la guerre et la ténacité des combattants, il entend apporter une pièce manquante, à travers l’unique événement qui constitue, en France, une rupture frontale de l’obéissance et du consensus. Mais l’étude des mutins, de leurs gestes et de leurs mots, ne conduit pas à réactiver l’opposition simpliste du « patriotisme » et du « pacifisme ». Le livre redonne ainsi toute leur place aux hésitations des soldats, partagés entre dégoût du conflit et impératif du devoir ; aux incertitudes des officiers, entre désarroi et sévérité ; et à la force de l’institution militaire brièvement défiée. Il permet de repenser le refus de guerre, en retrouvant la difficulté de l’action collective dans le cadre improbable d’une armée en campagne. Cette étude des mutins est aussi l’histoire d’un échec, qui éclaire les logiques et les limites des mouvements sociaux les plus contemporains. C’est enfin l’histoire d’une répression, qui permet de comprendre l’arrière-plan des débats actuels sur la réhabilitation de ceux qui furent fusillés.
Retrouver les mutins, c’est comprendre la guerre en miroir, à travers les mots et les actes de ceux qui la refusèrent.

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8thèmes ci-dessous extraits et publiés à partir de : http://www.crid1418.org/doc/mutins.

—–
Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8-Annexe à télécharger au format .pdf (tableaux, sources, bibliographie, documents).
http://www.crid1418.org/espace_scientifique/ouvrages/Loez_mutins_anx.pdf
Cette annexe comporte quatre parties :
I. Tableaux (p. 2)
A. La connaissance des mutineries de 1917
B. Les témoins des mutineries
C. La sociologie des mutins
D. Les manifestations des mutins
E. Les écrits des mutins
F. La mesure de l’indiscipline et sa répression
II. Sources (p. 18)
Analyse des sources
Liste des sources consultées (dont les témoignages)
III. Bibliographie (p. 41)
1. Instruments de travail et cadres d’analyse
2. Histoire générale
3. Histoire et sociologie des mouvements sociaux
4. Première Guerre mondiale
5. Année 1917 et mutineries françaises
IV. Documents et témoignages (p. 66)
A.. Rapports militaires sur les mutineries
B. Textes et documents des mutins de 1917.
C. Récits des mutineries

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8-Entretien de l’auteur avec la Lettre du Chemin des Dames (.pdf)
en savoir plus en téléchargeant le pdf ci-dessous :
http://www.crid1418.org/doc/actu/Loez_mutins_entretien.pdf
« J’ai cherché à largement donner la parole à ces soldats »…./….

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8-Entretien de l’auteur avec La Raison (pdf)
en savoir plus en téléchargeant le pdf ci-dessous :
http://www.crid1418.org/doc/actu/entretien%20la%20raison.pdf

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8-Recension dans Le Mouvement social (par Antoine Prost)
http://mouvement-social.univ-paris1.fr/document.php?id=1642
André Loez, 14-18. Les refus de la guerre. Une histoire des mutins, 2010
Revenir sur l’histoire des mutins après Guy Pédroncini, Len Smith et Denis Rolland ne manque pas d’ambition1. André Loez en a les moyens et il nous livre un ouvrage de première importance. Passons sur la clarté du plan et la fluidité de l’écriture. Passons sur l’ampleur de la documentation qu’attestent 94 pages de notes : outre les archives du commandement, des conseils de guerre, de la justice militaire, du contrôle postal, l’auteur a labouré celles des acteurs et les témoignages publiés2. L’important est sa problématique, qui renouvelle l’historiographie de la Grande Guerre.

Alors que les motivations des soldats étaient au centre du débat, André Loez tourne le dos à cette approche psychologique. Il est assez vain « de chercher dans les consciences des ‘raisons’ de tenir et de combattre, dans la mesure où aucun autre choix n’est disponible » (37). Il y a la guerre, un événement qui s’impose à tous, une évidence collective à laquelle les individus s’adaptent. Ils n’ont pas le choix. Ce « fait national » est « de part en part un fait social, irréductible à la psychologie et à la culture ou au patriotisme des seuls individus » (43). On semble ici congédier l’histoire culturelle, au profit d’une histoire sociale renouvelée.

Du coup, la question se déplace. Avant de chercher des raisons aux mutins, il faut comprendre pourquoi le choix d’une révolte est devenu possible au printemps de 1917. L’échec du Chemin des Dames n’est pas une explication suffisante : 22 unités seulement sur les 85 touchées par les mutineries avaient été engagées le 17 avril, tandis que 19 étaient au repos complet et 8 dans un secteur calme. La 5e DI, où la mutinerie fut spectaculaire, était en réserve. La dénonciation des attaques inutiles et la lassitude de la guerre apparaissent beaucoup plus tôt. La désobéissance des soldats ne relève donc pas d’une démotivation passagère et vite surmontée, mais elle révèle que « d’autres choix et d’autres conduites sont devenues possibles et pensables, en raison d’une inflexion des cadres sociaux et symboliques de l’obéissance » (56).

De nombreux événements construisent en effet une représentation de l’avenir où il devient envisageable que la guerre puisse prendre fin : avec la révolution russe, l’entrée en guerre des États-Unis, le recul allemand sur la ligne Hindenburg, l’espoir suscité par les préparatifs du Chemin des Dames, l’impression de flottement au sommet de la hiérarchie lors de la nomination de Pétain, la perspective d’une paix n’est plus absurde. Elle prend plus de consistance avec les grèves de mai et surtout le congrès socialiste de Stockholm auquel le parti français décide le 28 mai de se rendre, avant que le gouvernement ne refuse des passeports à ses délégués le 4 juin. L’exemple vite connu des premiers refus d’obéissance donne des idées. Nous sommes alors à l’apogée des mutineries.

A. Loez étudie attentivement celles sur lesquelles nous sommes le mieux renseignés. C’est tout un continuum de désobéissance, qui va de l’altercation avec un officier au projet de marche sur Paris. Le mouvement lui semble sous-estimé, car il a découvert, grâce notamment aux JMO, 27 mutineries jusque là ignorées, et deux de plus encore entre la rédaction de son livre et celle de son annexe. D’autre part, les sources françaises ne mentionnent pas 8 mutineries signalées par le commandement allemand qui, contrairement à ce qu’on croit souvent, les a connues. Il analyse la chronologie et la géographie du mouvement, comme la sociologie des mutins. Les employés de commerce ou de banque, les instituteurs, les représentants de commerce sont sur-représentés, tandis que les professions socialement dominées sont sous-représentées. Les mutins sont plus jeunes, moins souvent mariés et plus souvent parisiens que les non-mutins. Il étudie la façon dont les mutins s’organisent, ce qu’il appelle l’improvisation de la désobéissance. La conscience d’une transgression absolue et périlleuse de l’ordre militaire les incite à rendre leur action présentable. La violence envers les officiers est limitée à une douzaine de cas sur 80 pris en compte.

Reste évidemment la question du sens des mutineries. A. Loez refuse ici « la posture du chercheur omniscient qui sait lire et narrer le grand texte de l’histoire » (364). Qu’est-ce qui permet à l’historien de décider que telles paroles plutôt que telles autres livrent le sens véritable de l’événement ? De quel droit arbitrerait-il entre ces deux mutins d’un même régiment dont l’un explique : « On ne nous donne pas les permissions qui nous sont dues ni le repos qu’on nous a promis » tandis que l’autre affirme : « Il faut faire la paix à tout prix ; se battre comme ça, c’est idiot » (366). Les versions unifiées des mutineries, qui les présentent comme une grève pour des revendications matérielles, ou au contraire comme un mouvement pacifiste, reposent sur une généralisation abusive à partir de citations choisies pour les conclusions qu’elles autorisent. L’indispensable critique des témoignages doit tenir toujours compte des contextes d’énonciation, et ne pas détacher les discours des pratiques. Il y a là, sans qu’A. Loez la systématise, une réflexion épistémologique sur les limites des citations dans l’administration de la preuve en histoire. Nous ne pouvons pas savoir ce que pensaient, ce que ressentaient des centaines de mutins dont seuls quelques uns ont parlé et dont, de surcroît, la parole a été construite en fonction de la situation et des interlocuteurs : camarades présents, officiers ou juges du Conseil de guerre. L’attribution d’une pensée ou d’un discours, d’un sens unifié, aux soldats constitués en entité collective est arbitraire. Au demeurant, de quel droit postuler que tous les participants d’une action collective partagent les mêmes motivations ?

Refusant donc de privilégier le sens porté par certaines paroles plutôt que par d’autres, A. Loez les prend toutes en compte, avec une attention fine aux termes utilisés. La palette en est étendue, de ceux qui minimisent les mutineries : chahut, tapage, chambard, grabuge, rouspétance, à ceux qui en soulignent la gravité : révolte, grève, ou révolution, en un sens spécifique : « nous sommes en révolution ». En s’attachant simultanément à la diversité des pratiques, il définit ainsi quatre types de mutins : les tapageurs, pour qui la mutinerie est une sorte d’exutoire passager ; les grévistes, de bons soldats injustement traités ; les citoyens qui réclament leurs droits ; les militants, qui se mobilisent pour la fin de la guerre. Il ne faut donc pas se laisser enfermer dans l’alternative patriotes ou pacifistes : la réalité est beaucoup plus complexe et mouvante. Mais une constante demeure : la nécessité, pour les mutins, de construire la légitimité de leur action, ce qui les conduit à se situer à l’intérieur de l’espace politique de la République et à développer un égalitarisme intense.

La remise en ordre suit. A. Loez révise le rôle de Pétain. Celui-ci n’a pas été nommé pour mettre fin aux mutineries : sa nomination intervient le 15 mai, alors que le gouvernement ne connaît pas encore la crise qui débute à peine et dont il est saisi à la fin du mois. Pas davantage Pétain ne donne l’ordre de cesser les offensives : le 19 mai, il prescrit des attaques à objectifs limités, déchaînées brusquement, certes économes en infanterie, mais visant à poursuivre l’usure adverse. C’est bien plutôt la crise d’obéissance et la nécessité de rétablir d’abord l’ordre militaire qui l’obligent à renoncer aux attaques. D’autre part, il n’hésite pas à faire fusiller des mutins ; il obtient même (directive du 12 juin) la suspension des transmissions à l’autorité civile pour recours en grâce. Certes, quelques jours plus tard, il atténue cette sévérité en demandant de ne pas oublier qu’il s’agit de « nos soldats » qui se battent depuis trois ans, mais il reprend en mains les unités en mariant améliorations concrètes, exhortations, et rappel de la légitimité de la règle militaire. Les permissions satisfont les droits légitimes des poilus tout en dispersant provisoirement les éventuels mutins, ce qui facilite doublement le retour à l’ordre. Simultanément, le contexte se modifie, la perspective d’une fin possible de la guerre a court terme se dissipe, et les soldats rentrent dans le rang parce qu’ils n’ont pas d’autre choix.

Le titre de l’ouvrage : « les refus de la guerre » résume bien la thèse d’A. Loez. Il montre comment, dans une situation qui s’impose à la collectivité toute entière, l’institution politique, sociale et militaire fait faire la guerre à des hommes qui la refusent. De nombreux témoignages attestent la précocité et la réalité de ce refus, mais la généralisation d’A. Loez me semble excessive : le refus n’épuise pas la réalité qui est plus complexe, et parfois contradictoire. A. Loez n’aborde pas le comportement des troupes de première ligne, bien qu’il y signale une mutinerie. Faut-il en conclure que ces troupes ne refusaient pas la guerre ? Rien ne le permet, et pourtant elles continuent à la faire. C’est donc que le refus coexiste avec d’autres sentiments, car le refus de la guerre est bien, lui aussi, un sentiment qui inspire des actes et des paroles, ou si l’on préfère, une attitude. Un an plus tard, les ouvriers étudiés par J.-L. Robert cessent leurs grèves quand Ludendorff perce le front : ils ne veulent pas être ceux par qui le malheur arrive.3 N’y a-t-il pas, chez les soldats, la même conscience d’une responsabilité devant la collectivité, les proches, les amis ? Imposée certes par le contexte : c’est la guerre, on n’y peut rien, mais elle n’en crée pas moins des obligations. Y a-t-il le même refus, en août et septembre 1914 ? A. Loez ne le soutient pas, même s’il juge vain d’explorer les sentiments quand la situation commande. Mais la situation ne façonne-t-elle pas aussi des émotions, des sentiments ? Et que serait une histoire sans émotions et sans sentiments ? A. Loez le sait parfaitement, et il leur fait en réalité leur place, après avoir mis en garde contre le risque d’y voir des causes alors que ce sont pour lui plutôt des effets. En quoi son livre est bien une histoire totale de la guerre : sociale, politique, militaire, mais aussi culturelle.
Antoine Prost
1 Guy Pedroncini, 1917, Les mutineries de l’armée française, Paris, Julliard, 1968 ; Léonard V. Smith, Between Mutiny and Obedience. The Case ot the French Fith Infantry Division during World War I, Princeton, Princeton University Press, 1994 ; Denis Rolland, La grève des tranchées. Les mutineries de 1917, Paris, Imago, 2005.
2 Les sources et la bibliographie figurent, avec la liste des mutineries retenues, dans une annexe de 86 pages consultable sur internet.
3 Jean-Louis Robert, Les Ouvriers, la Patrie et la Révolution. Paris 1914-1919, Les annales littéraires de l’Université de Besançon, n° 592, Série historique n° 11, 1995.

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8-Recension sur Nonfiction.fr (par Pierre Chancerel)
http://www.nonfiction.fr/article-3563-une_relecture_des_mutineries_de_1917.htm
Une relecture des mutineries de 1917
L’histoire des mutineries de 1917 a engendré une importante littérature historique. Rupture évidente de la cohésion nationale, l’événement, même s’il est limité dans le temps, symbolise à lui seul la fin de l’Union sacrée. On pourrait croire que tout a été dit sur le sujet et pourtant André Loez apporte un éclairage nouveau sur ces événements. L’ouvrage est intéressant à plus d’un titre. D’abord, parce qu’il renouvelle le questionnement sur les mutineries. Ensuite, plus généralement, son travail est l’occasion d’une réflexion plus générale sur les sources historiques, leur silence et leur sincérité, et sur le travail de l’historien en général. Au fil de la lecture, on est frappé par la grande rigueur de l’auteur, qui lui a permis de prendre en compte toutes les dimensions de ces mutineries et l’a conduit à s’intéresser à l’ensemble des mutins, et pas seulement aux plus cultivés d’entre eux.

L’ouvrage est étayé par une solide documentation. Il inaugure sans doute une nouvelle époque, dans laquelle l’exemplaire papier est complété par des ressources en ligne. Ainsi, des annexes au livre sont disponibles sur Internet, sur le site du Crid 14-18 (Collectif international de Recherches et de débat sur la guerre de 1914-1918). Ces documents sont constitués de tableaux qui recensent les différentes mutineries et les sources dont on dispose. Ils établissent également des données statistiques sur l’identité des mutins et de la répression qu’ils ont subie. Plus traditionnels, une bibliographie et un guide des sources figurent dans l’annexe en ligne, ce qui permet d’alléger le livre.

Toutes les composantes des mutineries ont été réexaminées. Pour commencer, les mutineries sont insérées dans le temps long. André Loez revisite l’historiographie récente de la Première Guerre mondiale. Il en vient à rejeter les explications traditionnelles du conflit. Pour lui, les soldats ne se sont pas battus par consentement, ou par patriotisme, pas plus qu’à cause du poids de la contrainte que l’autorité militaire ferait peser sur eux en cas de révolte. Il dépasse cette opposition et propose, au contraire, une nouvelle clé, une « hypothèse sociologique » , selon laquelle on ne fait la guerre tout simplement parce qu’on n’a pas le choix, aucune autre alternative valable n’existe pour les combattants. Dans une société qui exalte la virilité et le courage, déserter ou refuser la guerre est tout simplement impossible. André Loez montre que les soldats s’adaptent peu à peu au conflit et à sa durée. S’instaure un « rapport ordinaire à la guerre » , selon lequel être soldat devient un métier et génère de nouvelles habitudes, de nouvelles pratiques. Dans ces conditions, on espère la fin de la guerre, sans pouvoir la penser formellement. Chaque événement extérieur n’est espéré que dans la mesure où il peut abréger le conflit et mettre un terme aux terribles conditions de vie des combattants. Les refus d’obéissance sont toujours isolés et ne sauraient remettre en cause la guerre dans son ensemble.
Pierre CHANCEREL

Champs de bataille où les Australiens combattirent. fleche-boule8-Réponse aux critiques de Leonard Smith dans le Journal of Military History (vol 75-1, janvier 2011, format pdf)
Texte paru dans le volume 75, n°1, du Journal of Military
History, janvier 2011, p. 350-351, en réponse au compterendu
écrit par Leonard V. Smith dans le n°74-4 d’octobre
2010, p. 1301-1303….
en savoir plus en téléchargeant le pdf ci-dessous :

http://www.crid1418.org/doc/textes/loez_smith_jmh.pdf

sources
http://www.laviedesidees.fr/Une-nouvelle-histoire-des.html
http://www.crid1418.org/doc/mutins
http://mouvement-social.univ-paris1.fr/document.php?id=1642
http://www.nonfiction.fr/article-3563-une_relecture_des_mutineries_de_1917.htm

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Dossier sur les Mutineries de 1917

 

Une Garde à l’Yser

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La Belgique et la Grande Guerre

 

http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_29.htm
de la revue ‘Revue de la Presse’, du No. 161, 15 novembre 1918
‘La Belgique Héroïque et Vaillante’
‘Une Garde à l’Yser’
Recueillis par le Baron C. Buffin

http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_29.htm
Une Garde à l'Yser illust10

Une Garde à l’Yser
Le Boyau de la Mort – 2 Juin 1915

par le caporal J. Libois
du 12e régiment de ligne

Cette journée a été plus terrible que les combats de Dixmude. Je certifie que le caporal Libôis a fait un récit exact de la situation critique du boyau de la mort de la borne 16 de l’Yser.

Le sous-lieutenant Vuechs, du 12e de ligne

Extrait d’une lettre du 12-9-15

L’offensive française d’Arras amena sur notre front une activité inaccoutumée. Notre régiment, revenu à l’ingrat secteur d’Oostkerke, connut pendant cette semaine des journées particulièrement pénibles, et des bataillons furent sérieusement éprouvés.

Ce soir, notre compagnie fait la relève. Des sections désignées sont commandées pour les avant-postes. « Demain, nous dit le lieutenant Vuechs, nous occuperons une position sur la digue de l’Yser. Nos différents postes sont échelonnés le long d’un boyau creusé parlegénie, mais dans ce boyau, par suite des récentes attaques, se trouvent encore une trentaine de cadavres. Au fur et à mesure que nous rencontrerons les morts, nons les ramasserons et les placerons sur le parapet. Des brancardiers les évacueront ensuite. Encore un mot: le boyau pénètre dans les lignes allemandes qui sont de l’autre côté de l’Yser et se trouve donc sous le feu ennemi; il faudra se baisser, ramper même, quand le boyau manquera de profondeur. Beaucoup de prudence pendant le trajet. Voilà! Pour le reste, je compte sur vous. »

Le lieutenant commandera la tête de sape, la tranchée numéro 1. C’est le poste le plus avancé: à trente mètres des Boches. J’en serai, ainsi que le sergent Deltenreetune dizaine d’hommes. Qu’adviendra-t-il? Du nouveau, sans doute, et l’on s’en réjouit.

Tont doucement tombe le crépuscule d’été. Les soldats sont alignés, les lourds havresacs au dos, les besaces remplies de provisions pour deux jours.

— « A droite, par quatre! Marche! » Et d’un pas tranquille, la compagnie défile en longue colonne à travers les prairies et les champs de féveroles suavement parfumées. Et l’on va fredonnant et chantant. A mi-chemin, halte et repos habituel. Les soldats couchés dans les champs, à la nuit tombante, forment un tableau qui ne manque pas de pittoresque. Les nuages empourprés de ce beau coucher de soleil des Flandres prennent peu à peu une nuance rosée. Devant nous, vers l’est, le clocher horriblement décapité de l’église d’Oostkerke se profile avec une étonnante netteté dans le grand disque rouge de la lune qui se lève. Et, dans le fond, jaillissent déjà de terre de mys- térieuses étoiles. Ce sont les brillantes et éphémères fusées ennemies. Le calme est absolu. Parfois un grillon répond à un grillon; un vent frais nous caresse et de-ci, de-là, dans les groupes, de mélancoliques refrains bercent l’âme et font rêver. Nos officiers semblent goûter cette poésie et prolongent le repos au delà du temps fixé. « Riez, chantez, songent-ils, soyez bien gais et bien joyeux; peut-être rapportera-t-on tantôt les restes, glorieux lambeaux, de quelque camarade qui est là, chantant. » Dans les plaines de l’Yser, il doit y avoir encore des places marquées pour beaucoup d’entre nous. Dieu sait si chacun tient à la vie et pourtant toute tristesse est bannie et, grâce à une force de caractère insoupçonnée, nulle part ne règne autant d’entrain et de franche gaîté que parmi les fantassins.

— « Allons sac au dos. » Nous voilà repartis. Ce calme que nous quittons n’a été qu’une trêve. Le voici déchiré par les salves fracassantes des nôtres. On bombarde les lignes ennemies et c’est pour nous une joie profonde de voir là-bas, à droite, les lueurs pro- duites, parl’éclatementde nos obus.Nous entrons dans la zonedangereuse; l’obscurité est intense.On avance par pelotons, à la file indienne. Sur le fond éclairé presque constamment par les fusées lumineuses boches, se détachent des silhouettes qui se courbent, se baissent, se relèvent. Une vraie féerie!

Nous atteignons nos tranchées. La relève se fait vite, sans stationnement. L’ennemi bombarde; mais son tir manque de précision. On aménage et on ré-fectionne les abris. Je fais une reconnaissance vers le boyau; j’en trouve l’entrée obstruée par l’évacuation des cadavres. Pénible besogne! Les brancardiers, rampant sur le dos, traînent par des cordes ces corps déjà en décomposition et qui n’arrivent au jour que déshabillés et écorchés. Des shrapnells éclatent tout près et nous collent contre le parapet. Et la nuit se passe sans autre incident qu’une visite du général de division.

Au matin la veillée est terminée; les vigies placées, on nous accorde la permission de dormir. Toute la journée, nous restons emmurés dans nos tranchées de sac: des postes de Dixmude qui nous dominent, l’ennemi nous surveille et, au moindre signe de vie, il nous prouve sa vigilance. Par distraction, de temps à autre, il bombarde nos avant- postes. Le soir amène l’heure de la relève. On se ravitaille en café, cardans le boyau il « fait particulièrement soif »; on se charge de cartouches, de sacs de terre et de lourds boucliers, et, les havresacs laissés à la grand’garde.vers 23 heures commence la marche à travers le boyau de l’Yser, marche qui semble durer un siècle et que l’imagination de Dante n’a pas surpassée en horreur dans ses visions de l’enfer. Le boyau est étroit et longe le parapet de l’Yser. Son accès est difficile, pénible, et l’entrée se gagne dans de telles conditions qu’il est absolument inutile de songer à enlever à cette heure les morts qui l’obstruent. Pour y pénétrer,on doit imiter le serpent, le crapaud, la taupe. Les postes relevés, lors de notre croisement, se couchent à plat ven- tre dans le fond, tandis que nous rampons au-dessus d’eux. Personne ne dit mot. Des shrapnells éclatent, des balles sifflent continuellement et viennent s’aplatir sur le parapet. J’en vois qui labourent la terre à vingt centimètres à peine au-dessus de la tète de mes camarades et je crains que par ricochet elles ne bléssent l’un ou l’autre. Dans le boyau, on se sent serré comme dans un étau. Hâtivement, il faut tantôt avancer plies, les reins cassés, tantôt ramper, le ventre à terre, s’aidant des coudes et des genoux, laissant à l’abandon les boucliers qui encombrent et qui, en frottant les parois, résonnent bruyamment. Et devant les créneau, repérés par les tireurs d’élite postés de l’autre côté de l’Yser, il faut exécuter des bonds. Une sueur abondante ruisselle sur les visages. Dans l’ombre, tout à coup une masse sombre immobile, collée dans le fond du boyau. » Un génie peut-être? Dites, dites donc!… Et bien! approche donc! Allons! ré- ponds donc! »

Le lieutenant secoue un bras qui retombe inerte. « En avant, au-dessus du cadavre. » Et frissonnant, haletant, on avance, les pieds foulent le mort, glissent sur la tête, enfoncent dans le ventre. Nous voici à la « maison démolie ». Le parapet ouvert par un obus peut trahir notre passage; il s’agit de ramper et de sauter en même temps… Horreur!… Je retombe la main sur le visage glacé d’un mort! L’artillerie allemande entre en jeu; la satanée batterie de Schoorbakke, qui prend toute la digue d’enfilade, nous bombarde. Ses obus arrivent en sifflant, éclatent dans un vacarme épouvantable, bouleversent la digue et nous arrosent de débris de mille espèces. Une seconde d’arrêt! A la lueur vive des fusées qui nous dominent, surgit un spectacle sinistre: les vivants grouillent au fond du boyau parmi des loques humaines en décomposition, des débris macabres, d’effrayantes épaves. Effroi, répulsion, dégoût, on doit cependant tout sur- monter. Il faut être surhumain: la sueur coule de nos visages sur les cadavres en putréfaction, pendant que nous rampons sur leur dos. Et au-dessus de nos têtes, les balles ne cessent de pleuvoir, les obus de siffler et les fusées de nous éclairer.

Haletants, à bout de souffle, la langue pendante, les reins tellement douloureux que certains esquissent pour se relever un mouvement vite interrompu par le sifflement des balles, on avance. Un moment, nous perdons la file et craignons de dépasser le poste. Mon irère se met à la tête du groupe coupé et je ferme la marche. Heureusement nous rejoignons les camarades. A cet instant, nous atteignons une série de cadavres plus corrompus que les autres et que nous franchissons, notre figure frôiait la leur, nos genoux labourant leurs jambes, leur ventre. Et de cet amas se dégage une odeur fétide, infecte. Souvenir infernal! De nouveau nous nous heurtons à des corps humains. Cette fois, ce sont des vivants sur lesquels nous rampons. Enfin, nous voici à notre poste. Quel soulagement! La relève est faite. Personne n’est atteint. La consigne est siuiple; guetter et se défendre en cas d’attaque. Nous n’avons, pensons-nous, rien à craindre de l’artillerie, grâce à la proximité du premier poste allemand; il reste à nous garer des bombes et des grenades. Le service organisé, nous nous creusons de légers terriers qui éventuellement nous servirons d’abris. Le lieutenant me passe une bouteille et me charge de désinfecter un cadavre enterré dans la tranchée et dont, pafaît-il, une épaule est à découvert.

Afin d’empêcher toute approche des Boches, nous tirons toute la nuit, sans nous découvrir, par-dessus le parapet. Vers 4 heures et demie, à l’aube naissante, je\ pars à la recherche du mort à désinfecter et, à quelques mètres, dans le commencement d’un second boyau, je trouve une masse informe couverte de linges. Est-ce le cadavre? Après hésitation, j’enlève l’espèce de chemise qui couvre les pieds: c’est un visage qui apparaît; sans aucune altération dans les traits, l’homme semble dormir. Je l’arrose de la liqueur du lieutenant et je recouvre doucement la figure. Le second cadavre, celui dont le lieutenant m’avait parlé, se trouve un peu plus loin; l’épaule, en effet, sort du parapet, on la recouvre de tenet Des brancardiers arrivent à 6 heures du matin pour enlever ces deux morts. Mais cette besogne est si dangereuse que le lieutenant la leur interdit. Ils évacuent les autres cadavres; tant mieux, cela rendra la sortie du boyau moins pénible. Au périscope, je surveille les tranchées allemandes, aussitôt l’instrument devient le pointdemire des balles. Que veut dire ceci? Les projectiles arrivent par derrière? Le lieutenant fait prévenir le sergent Denis qui est à l’avant-dernier poste… On nous rapporte que le sergent Denis vient d’être tué d’une balle à la tête. Au passage d’un créneau, on lui criait de se pencher, trop tard: une balle Tafoudroyé. Malheureux sergent! Hier soir, pendant que je rampais sur lui, il me disait: « A tantôt, au revoir » et je me demande, malgré moi, si le destin ne réalisera pas cet «au revoir». Il est tombé sur la poitrine du caporal G… sans dire un mot, en le fixant de tous ses yeux. Espérons que la compagnie n’aura pas à déplorer d’autre perte!

J’observe au périscope et je tire par un créneau dans un créneau allemand. L’ennemi ne tarde pas à répondre et ses balles dum-dum démolissent notre créneau ou traversent les sacs supérieurs du parapet. De l’autre côté de l’Yser, dans la tranchée allemande, je distingue un périscope boche et je suis même tout ébahi d’apercevoir un buste de soldat au-dessus du parapet. Il n’y reste guère. Un sifflement lent et mou; c’est du nouveau, flou-ou-flou-ou-ou. Ce sont des grenades. Elles éclatent tantôt sur nos abris, tantôt au-delà. On en lance peu. Si lugubre que soit ce bruissement, il n’effraie pas. La journée est belle, ensoleillée. Dans le bleu du ciel, passent nos avions, poursuivis par les shrapnells impuissants des Boches. Notre artillerie tire près de nous et nous devons nous mettre à l’abri des éclats d’obus. Des amis, pendant? le trajet d’hier, ont perdu, l’un sa couverture, l’autre ses vivres. Ils sont séparés de nous par une traverse. Nous leur passons de quoi manger et échangeons des billets amusants. Le lieutenant, en guise de souvenir, fait signer chaque occupant du poste sur son carnet D’autres l’imitent. Et lentement, très lentement,’la journée s’écoule. Tout en veillant, nous causons avec le lieutenant de la guerre, de la paix, de nos occupations respectives. Nous nous communiquons nos sympathies, nous discutons nos goûts, tandis que là, à quelques mètres, des myriades de grosses buches bieues dansent ijne sarabande macabre autour du cadavre de notre pauvre camarade. La chaleur commence à devenir accablante; des bouffées d’air chaud et nauséabond nous montent aux narines et nous enlèvent toute envie de manger. Pour nous dédommager, le lieutenant promet un bon verre à chacun si tout le monde du poste 1 retourne indemne. Si nous ratons cette belle invitation, ce ne sera certainement pas notre faute.

A 12 heures et demie, la vigie de la berge signale une ronde d’officier; nous sourions tous, croyant à une blague, lorsque, tout à coup, le colonel Rademakers, du 3e chasseurs, débouche au coin de notre tranchée. Stupeur générale! D’où vient-il? Sort-il du sol ou tombe-t-il des nues? Il est, en effet, absolument impossible qu’avec son embonpoint il soit parvenu à suivre le boyau sans se faire massacrer cinquante fois. Et cependant, il est là, bien vivant, sa figure sympathique dénotant une franche jovialité et une belle vaillance. Il regarde au périscope, se demandant si les Boches lui feront l’honneur d’une balle. Vraiment, c’est un « chic type ».

Le soir est arrivé, le créneau repéré est changé de place et renforcé par un bouclier. La surveillance redouble. Vers 21 heures et demie, la fusillade devient violente. De nombreuses balles explosives éclatent sur le parapet et donnent l’impression que les Boches sont sur notre tranchée et tirent à bout portant, tant est violent le bruit sec des explosions. A notre poste, deux fusils ne marchent plus. Une attaque semble immi- nente. Nous mettons baïonnette au canon et tirons sans discontinuer. Un camarade exténué, épuisé, charge; assis, les fusils qu’un autre décharge… Il est minuit lorsque la relève arrive. Les consignes sont passées tout en tirant: « Surveillez la berge »; « attention à ce créneau»; «bonne garde»; «bonne chance». Le retour s’affectue non sans difficulté; mais s’opère cependant moins péniblement que l’arrivée. La plupart des morts sont évacués. Enfin, nous voilà sortis de cet enfer. Le poste est indemne. Des shrapnells éclatent non loin de nous et ici, aux tranchées de première ligne, où hier nous nous cachions et nous collions au parapet, nous nous croyons maintenant presque en sécurité! Nous voudrions faire halte en pleine zone dangereuse et reprendre un peu haleine, les*bffi-ciers nous exhortent à la prudence et nous quittons les tranchées. Au loin, nous apercevons les brancardiers qui transportent le corps du malheureux sergent Denis vers le cimetière de Lesenburg.

Nous faisons repos sur la route, en arrière, et aussitôt chacun, communique ses impressions, narre de petits incidents ornés de détails pittoresques. En route! A 4 heures du matin, nous sommes rentrés au cantonnement. Il fait jour et depuis longtemps chantent les alouettes. Nous avons l’impression que tout ce qui nous entoura est nouveau, qu’il y a un siècle que nous n’avons vu ces paysages pourtant si familiers. Et nous éprouvons aussi une vive satisfaction, une joie profonde d’avoir accompli une tache difficile. Chacun est content de soi et voudrait pouvoir l’écrire à ses parents, à ses amis, à tous ceux qu’il aime et qu’il défend!

http://www.greatwardifferent.com/Great_War/Belgique_Recits/Recits_29.htm

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La Belgique et la Grande Guerre

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