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28 novembre 2012

Soldat fusillé pour l’exemple

milguerres @ 18 h 21 min

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Exécuté sur son brancard !

Réhabilitez le lieutenant Chapelant fusillé pour l’exemple en 1914

Les crimes des Conseils de guerre : Chapelant texte de 1925

Les crimes des Conseils de guerre : Les quatre caporaux de Suippes texte de 1925 

Les crimes des Conseils de guerre : Vingré texte de 1925

D’autres noms pour l’exemple

Ils étaient bien là, ces hommes !

Soldat fusillé pour l’exemple

Première Guerre mondiale

France

Source : WIKIPEDIA

Suivant la défaite de Charleroi et l’échec de la Bataille des frontières, les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, deux décrets du 2 août et du 6 septembre 1914 furent promulgués qui instituaient des Conseils de guerre spéciaux, s’ajoutant aux Conseils ordinaires qui continuaient de se tenir. Avec une procédure simplifiée et expéditive, s’inspirant des cours martiales de 1870, ces conseils s’exercèrent jusqu’à leur suppression en 1917.

Pendant la Première Guerre mondiale, en France 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 600 fusillés pour l’exemple2,3, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés. Ces condamnations ont été prononcées pour refus d’obéissance, mutilations volontaires, désertion, abandon de poste devant l’ennemi, délit de lâcheté ou mutinerie (en 1917).

Les exécutions sommaires

Cette estimation de 600 fusillés pour l’exemple ne prend pas en compte les exécutions sommaires. Celles-ci sont relatées dans les carnets de guerre des soldats. Ainsi les Mémoires d’un troupier d’Honoré Coudray du 11e bataillon de chasseurs alpins explicite les exécutions sommaires auxquelles il dit avoir assisté :

  • En juillet 1916, un chasseur est accusé de dévaliser les morts ; blessé par les artilleurs, il est abattu par son commandant. Coudray commente « le taré P…. a trouvé un moyen rapide de suppléer au conseil de guerre,….aucun interrogatoire, aucune enquête ». Pour masquer son crime, le commandant inscrit la victime dans la liste des morts au champ d’honneur ;
  • En octobre 1916, un jeune chasseur de la classe 1915, paniqué, fuit le front pendant un bombardement. Le commandant le convoque : « monte sur le parapet », le commandant le suit et le tue d’une balle dans la tête.

Outre les informations d’Honoré Coudray, il est intéressant de connaître ses convictions : fervent partisan de l’ordre, il reproche aux mutins de 1917 leur attitude de rébellion. Ainsi il démontre que la critique des exactions de cet officier n’est pas liée à un parti pris contestataire4.

Les motifs des condamnations

En 1914, les condamnés sont principalement accusés de s’être volontairement mutilés un membre (main, pied). Laisser sa main traîner au-dessus de la tranchée était passible du conseil de guerre.[réf. nécessaire]

En 1915 et 1916, on assiste de plus en plus à des désertions, puis se développent deux formes de crimes :

  • le refus d’obéissance devant l’ennemi. Cette dénomination issue de la justice militaire est le prétexte à des condamnations totalement arbitraires notamment lorsque les généraux n’étaient pas satisfaits d’un repli de troupes ;
  • l’abandon de poste. Il s’agit de désertion dans la majeure partie des cas.

En 1917, les condamnations concernent des comportements collectifs. Les célèbres mutineries du Chemin des Dames restent gravées dans les mémoires tant par leur caractère exceptionnel que dans la répression qui suivit5.

Le Poilu ne refuse pas de se battre mais il refuse d’attaquer à outrance. À Craonne, lors des sanglants assauts commandés par le général Nivelle, ce sont 30 000 hommes qui meurent en 10 jours (et 100 000 sont blessés). En 1918, en France comme chez les Alliés, on constate un déclin des exécutions. En effet, les commandements militaires comprennent mieux l’état mental des soldats, les conséquences du « Shell-Shock », ce choc psychologique provoqué par les conditions de vie des soldats notamment sous les bombardements.

L’évolution de la justice militaire pendant la guerre

 

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Conseil de guerre dans une église (journal L’Illustration, octobre 1917).

Au tout début de la guerre, les militaires ont obtenu du gouvernement la présentation des prévenus devant le conseil de guerre sans instruction préalable. Début septembre 1914, le ministre de la guerre abolissait les possibilités de recours en grâce et en révision. De plus, Joffre réussit à imposer aux politiques, la constitution de cours martiales dénommées « les conseils de guerre spéciaux », qui devaient juger rapidement et durement pour l’exemple. Les prévenus était jugés par une « cour » composée en général du commandant de régiment assisté de deux officiers. Ils votaient et la majorité scellait le sort du soldat. En cas de condamnation à mort la sentence était applicable dans les 24h selon les préconisations de Joffre. Ainsi les principes d’indépendance des juges, de débats contradictoires et enfin de recours ont été abolis. Sur les 600 fusillés pour l’exemple environ 430 l’ont été en 1914 et 1915 (selon André Bach). Devant les abus révélés par la presse et les associations, le parlement tenta d’atténuer cette justice expéditive. À la fin de l’année 1915, les conseils de guerre spéciaux sont supprimés. Enfin le 27 avril 1916, une loi permet d’atténuer et de contrôler cette justice militaire.

Les réhabilitations

La famille du soldat fusillé pour l’exemple était doublement touchée du deuil. En effet la honte d’avoir eu un frère, un père, un époux condamné pour sa lâcheté était très difficile à supporter. Cela s’ajoutait inéluctablement au poids du deuil. Le frère de Henry Floch indique lors de l’inauguration du monument de Vingré en 19256 : « Nous avons vécu dans une atmosphère affreuse de la suspicion illégitime et la honte injustifiée ». Le fils de Pettelet autre fusillé de Vingré a dû être retiré de l’école, son éducation est confiée à un précepteur. La veuve Pettelet a reçu des insultes et des menaces, elle sort dans la rue avec un pistolet pour se protéger7.

Très peu, environ une quarantaine sur 600, ont été rétablis dans leur honneur dans les années 1920 ou 1930, à force d’acharnement et de courage de la part des familles de victimes soutenues par les associations d’anciens combattants et par la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen.

Récemment en 2006, l’affaire Léonard Leymarie a amené le sénateur de la Corrèze Georges Mouly (R.D.S.E.) à attirer l’attention d’Hamlaoui Mekachera, alors ministre délégué aux anciens combattants, sur les « fusillés pour l’exemple. » Il lui a demandé l’état de la réglementation actuelle quant à l’inscription du nom des fusillés pour l’exemple réhabilités sur les monuments aux morts des communes, où ils ne figurent pas8. En effet, jusqu’en 2008, le nom de Leymarie est demeuré absent du monument aux morts de Seilhac érigé en 1924. Mais sa réhabilitation avait échoué malgré les efforts répétés à trois reprises de la Ligue des droits de l’Homme entre 1921 et 1925. Sa fiche, visible sur le site Mémoire des hommes, mentionne pourtant une réhabilitation sans donner la moindre date. En revanche, à Seilhac, la mention « Mort pour la France » avait été ajoutée avant 1919 à son acte de décès transcrit le 29 avril 1915 sur le registre d’état civil (acte n° 12). Cette mention existait sur l’acte de décès du 305e RI (n° 99), établi à Ambleny (Aisne) le 19 décembre 1914 et contresigné par deux témoins, un caporal et le médecin aide-major du dit régiment.

Dans sa réponse, le ministre a rappelé que les noms des militaires fusillés pour l’exemple puis réhabilités peuvent être inscrits sur les monuments aux morts communaux, s’ils se sont vu attribuer la mention « mort pour la France ». Cette décision d’inscription incombe aux communes, sous la tutelle du préfet. Il n’existe toutefois aucune obligation d’inscription pour les communes.

L’article L. 4889 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre distingue cinq catégories de morts pour la France :

  • 1°) les militaires qui ont été tués à l’ennemi,
  • 2°) ceux qui sont morts de blessures de guerre,
  • 3°) les décédés de maladie contractée en service commandé en temps de guerre,
  • 4°) les victimes d’accident survenu en service,
  • 5°) ceux qui sont morts à l’occasion du service en temps de guerre 10.

Dans le monde

La France avec environ 600 fusillés se situerait en seconde position derrière l’Italie, qui a exécuté 750 de ses soldats, et devant le Royaume-Uni avec 306 fusillés dont le plus jeune exécuté durant la guerre, âgé de dix-sept ans11. L’Allemagne indique officiellement 48 fusillés (ce qui paraît cependant peu) et le Canada 25 fusillés12. Il y eut aussi de nombreuses exécutions dans l’armée russe. L’armée américaine fait état de seulement 11 exécutions et essentiellement pour des viols et des meurtres ; ce petit nombre s’expliquerait par le meilleur encadrement médical des soldats, plus au fait des questions de psychiatrie. Seules les forces d’Australie n’exécutaient leurs soldats sous aucun motif.

Le gouvernement britannique a, en 2006, par voie législative, réhabilité les 306 soldats britanniques fusillés. Les cinq fusillés néo-zélandais ont été réhabilités en 2000, et les Canadiens honorés l’année suivante.

Quelques fusillés pour l’exemple

Parmi les 600 fusillés pour l’exemple français, certains sont restés dans les mémoires, soit parce qu’ils ont été réhabilités, soit parce qu’ils sont représentatifs du traitement qu’ont subi leurs confrères. Ces exemples ne représentent toutefois que quelques cas sur des milliers, et ne doivent pas faire l’objet d’une généralisation abusive.

France, 1914

  • Le 01/09/1914, à Remenoville, Frédéric Henri Wolff est le premier fusillé pour l’exemple. Il était chef de bataillon du 36e Régiment d’infanterie coloniale.
  • Le 7 septembre 1914, 7 soldats du 327e sont exécutés : Barbieux, Clément, Caffiaux, Hubert, Delsarte, Dufour et Waterlot. Ce dernier sort indemne de la fusillade et meurt sur le front le 10/06/1915. L’affaire dite « des fusillés du 327e » a fait l’objet d’une campagne de réhabilitation très importante de la Ligue des droits de l’Homme mais qui n’a pas a abouti13.
  • Le 18/09/1914, le conseil de guerre de la 29e division d’infanterie, à Verdun, condamne à la peine de mort six hommes.
  • Le 19/09/1914, les soldats Auguste Jules Léon Odde (24e bataillon de chasseurs, né le 29/11/1892 à Six-Fours, Var) et Joseph Tomasini sont fusillés tandis que les quatre autres ont leur peine commuée en vingt ans de détention, puis annulée par la cour de Cassation le 10/03/191514.
  • Alphonse Brosse et Jean Boursaud du 238e R.I. fusillés le 10/10/1914 à Ambleny (02). Condamnés par jugement du Conseil de guerre de la 63e division tenu à Ambleny le 10/10/1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi
  • Arnold Maille du 1er R.I., fusillé le 22/10/1914 à Cormicy (51). Joseph Auguste Charles Henry Bonnin du 137e RI, fusillé dans la Somme le 16/10/1914. Albert Arjailles du 42e RIC fusillé le 11/09/14 à Ville devant Belrain (55). Alfred Désiré Fernand Bayard du 128e RI fusillé le 12/09/1914 à Vouillers (51). Léon Appolinaire Bazin du 16e RIT fusillé le 16/10/1914 à Bavincourt (62). Bellal Mohammed Ben Mohammed Ben Salem du 6e R tirailleurs fusillé le 31/12/1914 à Tracy le Mont (60).
  • Eugène Bouret, du 48e régiment d’artillerie, victime du « Shell-Shock » le 29 août 1914, il s’égare et erre à l’arrière du front. Il est arrêté, jugé pour abandon de poste et fusillé le 7 septembre 1914 avec cinq autres co-accusés (Claudius Urbain du 299e RI né le 01/01/1882 à Chuzelles (38), mineur à Vienne – Ernest François Macken chasseur du 53e BCA, né le 03/11/1889 à Saint-Denis (93), cultivateur à Liancourt (60), inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Rougiville le 02/09/1914 – Benoît Manillier du 22e RI, né le 22/05/1887 à Leyrieu (38), cultivateur, inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Rougiville le 03/09/1914 – Francisque Jean Aimé Ducarre du 30e RI, né le 04/01/1892 à St Quentin Falavier (38), voiturier, inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Taintrux le 03/09/1914 – Francisque P. chasseur du 11e BCA, né le 01/02/1882 à La Grand Croix (42), métallurgiste à Rives de Gier, inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi à Taintrux le 03/09/1914). Il sera réhabilité dès 191715.
  • Henri Bourgund a été fusillé le 8 novembre 1914 « pour avoir abandonné son poste en présence de l’ennemi » lors des combats de Saint-Laurent Blangy, près d’Arras. Il a été exécuté et enseveli dans un pré, à la lisière de Sainte-Catherine et au nord de la Scarpe 16.
  • Marcel Loiseau (voir sa biographie ci-dessous), du 106e régiment d’infanterie, blessé se rend à l’infirmerie. Il est accusé d’abandon de poste avec mutilation volontaire et fusillé le 12 octobre 1914 à Mouilly. Il est réhabilité le 17/03/1922, l’accusation étant infondée.
  • Les Martyrs de Vingré, du 298e régiment d’infanterie, le caporal Henri Floch, les soldats Jean Blanchard, Francisque Durantet, Pierre Gay, Claude Pettelet et Jean Quinault, réhabilités solennellement par la Cour de Cassation le 29 janvier 1921.
  • Léonard Leymarie (voir sa biographie ci-dessous), du 305e régiment d’infanterie, condamné pour mutilation volontaire, n’a été réhabilité mais est mentionné comme « Mort pour la France ».
  • Deux soldats du 2e R.T.M. (Régiment de Tirailleurs Marocains) sont fusillés à Tracy-le Mont (60) : Ben Abdel K. Berrafaa (fusillé le 07/10/1914, condamné le 06/10/1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi. Au cours du jugement fut également condamné pour la même raison M. Kiname Daoudji mais qui ne ne fut pas exécuté car il s’évada) et Ben Zineb Amar (fusillé le 11/10/1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi)17
  • Élie Lescop, du 336e régiment d’infanterie, fusillé le 18 octobre 1914, pour abandon de poste et mutilation volontaire, à Souain. Il est réhabilité par la Cour spéciale de justice militaire en 1934.
  • Jean-Julien Chapelant, sous-lieutenant commandant la 3e section de mitrailleuses du 98e régiment d’infanterie, a été capturé avec une poignée de survivants. Blessé, il réussit à regagner les lignes françaises. Pourtant, il sera condamné à mort pour « capitulation en rase campagne ». Le 10 octobre 1914, il sera fusillé attaché à son brancard dressé contre un pommier18. (voir dossiers :
    1. Réhabilitez le lieutenant Chapelant fusillé pour l’exemple en 1914
    2. Les crimes des Conseils de guerre : Chapelant texte de 1925
  • Sont également fusillés en 1914 dans l’Aisne : Paul Pessina (soldat du 144e RI, fusillé le 29/09/1914 à Cuiry les Chaudardes), Georges Paul Voyer (soldat du 1er Régiment de génie, fusillé le 15/11/1914 à Braine), Louis Goffin (soldat du 12e RI, fusillé le 12/12/1914 à Saint-Aubin), Jean Grateloux (soldat du 238e RI, fusillé le 12/12/1914 à Nouvron-Vingré, condamné pour mutilation volontaire par le conseil de guerre de la 63e division), Léon Georges Coulon (soldat du 1er Régiment de génie, fusillé le 15/11/1914 à Braine), Louis Abadie (soldat du 246e RI, fusillé le 24/12/1914 à Vauxbuin, inhumé au cimetière militaire de Vuaxbuin, condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi et vol par le conseil de guerre de la 55e division le 29/10/1914), Émile Guiraud (soldat du 42e RI, fusillé le 16/11/1914 à Nouvron-Vingré, condamné le 15/11/1914 pour abandon de poste en présence de l’ennemi), Henri Joseph Jolbert (tambour du 42e RI, né le 15/10/1889 à Luxeuil les bains, fusillé le 16/11/1914 à Nouvron-Vingré, inhumé au cimetière militaire d’Ambleny, condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi)19.

France, 1915

 

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La stèle sur la tombe de Félix Baudy à Royère-de-Vassivière.

  • Félix Baudy, (voir biographie ci-dessous) maçon de la Creuse a été fusillé avec le soldat François Fontanaud, le caporal Antoine Morange et le soldat Henri Prébost, suite au refus collectif de sa compagnie, du 63e régiment d’infanterie, de remonter à l’assaut. Ils ont été réhabilités en 1934 par la Cour spéciale de justice, cette dernière comprenant des anciens combattants20.
  • Les soldats Camille Chemin et Édouard Pillet, du 37e régiment d’infanterie coloniale, ont été condamnés à mort à cause d’un malentendu. Leur capitaine les a désignés pour rester à l’arrière afin de surveiller des sacs. Un nouveau capitaine est nommé, celui-ci les considère comme déserteurs. Ils sont condamnés et exécutés. Ils seront réhabilités en 193421.
  • Lucien Bersot, du 60e régiment d’infanterie, condamné à mort pour refus d’obéissance; il avait refusé de prendre un pantalon maculé de sang pour remonter au combat avec ses camarades. Il a été réhabilité en 192220.
  • Les caporaux de Souain, (voir : retour à Les crimes des Conseils de guerre : Les quatre caporaux de Suippes texte de 1925) les quatre caporaux Théophile Maupas, Louis Lefoulon, Lucien Lechat et Louis Girard, du 336e régiment d’infanterie, ont été condamnés suite au refus collectif de la compagnie de remonter à l’assaut. Ils ont été réhabilités en 1934 par la Cour spéciale de justice, cette dernière comprenant des anciens combattants.
  • Le soldat Jean-Baptiste Bachelier, né aux Sorinières (44) est fusillé le 4 juillet 1915 à 25 ans 22.
  • Auguste Gonsard, soldat du 104e régiment d’infanterie, condamné à mort et fusillé en mars, pour abandon de poste par automutilation. Il fut réhabilité en 1925.
  • Joseph Gabrielli, soldat du 140e régiment d’infanterie. Pauvre d’esprit, illettré et ne parlant que le corse, il avait perdu le contact avec sa compagnie après s’être fait soigner d’une blessure reçue lors d’une attaque. Condamné pour abandon de poste le 14 juin 1915 et fusillé le jour même, il fut réhabilité par la Cour spéciale de justice le 4 novembre 1933.
  • Louis Pardimène, né le 15 juillet 1880 à Barzun (64), fils de Pierre et de Marie Ribes, soldat du 83e régiment d’infanterie a été fusillé le 7 janvier 1915 à Châlons-sur-Marne (51)
  • Le soldat Lucien Mervelay Lucien du 174e RI est exécuté à Saint-Amand-sur-Fion (18) le 3 avril 1915 avec trois autres hommes d’autres régiments en présence de la 95e brigade.
  • Sont également fusillés dans l’Aisne en 1915 : François Bihouise (soldat du 88e RI, fusillé le 13/05/1915 à Maizy, inhumé au cimetière militaire de Pontavert), Régis Rochelimagne (soldat du 238e RI, fusillé le 21/05/1915 à Courmelles, condamné par le conseil de guerre de la 63e division pour voie de fait et outrage à supérieur), Lucien François Lequeux (soldat du 306e RI, fusillé le 07/03/1915 à Braine, Mardochée Louis Lévy (soldat du 49e RI, né le 08/08/1884 à Bayonne, fusillé le 15/01/1915 à Maizy, inhumé au cimetière militaire de Pontavert, célibataire, coiffeur, fils de David Albert Lévy), Louis Longuetaud (soldat du 249e RI, fusillé le 14/03/1915 à Bourg et Comin), Henri Louis Chassaigne (du 321e RI, fusillé le 30/07/1915 à Hartennes et Taux), Jules Émile Chipaux (du 42e RI, fusillé le 29/01/1915 à Saint-Pierre Aigle, inhumé au cimetière militaire de Crouy), Edouard Joseph André (du 24e RI, fusillé le 21/01/1915 à Berry au Bac)19.

France, 1916

En leur honneur à Reims.

  • Six soldats de Loire-Inférieure sont fusillés en 1916. Il s’agit de : caporal Joseph Bertin, né à Nozay, fusillé le 5 juin 1916 à 25 ans ; soldat Alexandre Kerfontan, né à Indre, fusillé le 24 juillet 1916 à 30 ans ; soldat Louis Legendre, né à Fégréac, fusillé le 29 novembre 1916 à 33 ans ; caporal Émile Le Pahun, né à Saint-Nazaire, passé par les armes le 1er juin 1916 à 30 ans ; soldat Joseph Porcher, né à Saint-Nazaire, passé par les armes le 24 octobre 1916 à 36 ans ; soldat Jean-Michel Suraud, né à Nantes, passé par les armes le 7 septembre 1916 à 34 ans22.
  • En même temps que Jean-Michel Suraud, sont fusillés avec lui le 7 septembre 1916 à Verderonne (Oise) : Justin Louis Lorho (soldat au 3e R.A.C., né le 12/07/1892 dans le Morbihan à Saint Pierre Quiberon) et Louis François Mathurin Chevestrier (marsouin au 8e R.I.C, né dans les Côtes d’Armor le 25/01/1880 à Saint-Juvat)23.
  • Les sous-lieutenants Henri Herduin et Pierre Millant, du 347e régiment d’infanterie. Pour s’être repliés sur Verdun alors qu’ils étaient à court de munitions et dans l’impossibilité de recevoir des renforts, avec ce qui restait de leur compagnie (une quarantaine d’hommes), ils furent exécutés sans jugement à Fleury-devant-Douaumont le 11 juin 1916. En 1921, Louis Barthou le Ministre de la guerre, écrit aux familles en indiquant, que les deux fusillés sont morts pour la France alors que ces fusillés ne sont pas réhabilités juridiquement. Ces compensations honorifiques et militaires sont complétés par des réparations financières. Ils seront réhabilités officiellement en 1926.
  • Sont fusillés le 22/05/1916 à Roucy (02) après avoir été condamnés à mort le 30/04/1916 par le Conseil de guerre de la 55e division pour avoir refusé pendant une heure de remonter aux tranchées : Émile Frédéric Lhermenier (soldat au 96e RI, né le 15/04/1894, peigneur de chanvre, célibataire, fils de Alexandre Lhermenier et de Louise Souty, inhumé au cimetière militaire de Pontavert dans l’Aisne), Lucien Baleux (soldat au 96e RI, 2e compagnie, né le 31/01/1897 à Paris (19e), célibataire, fils de Alexandre Alfred Baleux et de Victorine Henriette Croisoeufs), Félix Louis Milhau (soldat au 96e RI.), Paul Pierre Regoult (soldat au 96e RI)19.
  • Le soldat Le Dû fusillé en septembre 1916, dans l’Oise, pour rébellion.
  • Le caporal Sylvestre Marchetti et le soldat Julien Lançon, du 8e régiment d’infanterie coloniale, fusillés le 22 octobre à 6 h 30, au lieu-dit La Cavée d’Hayon à Sarcus, dans l’Oise24.
  • Sont également fusillés dans l’Asine en 1916 : Armand Désiré Gontier (du 75e RI, fusillé le 20/12/1916 à Guyencourt), Théophile Boisseau (du 246e RI, né en août 1844 à Paris, fusillé le 06/06/1916 à Maizy, inhumé au cimetière militaire de Pontavert)19.

France, 1917

  • Le caporal Joseph Dauphin, (voir biographie ci-dessous) du 70e bataillon de chasseurs à pied condamné à mort le 06/06/1917 suite à la mutinerie de Beuvardes car sous l’effet de l’alcool (les permissions avaient été refusées), il aurait tiré quelques coups de fusil et lancé à la cantonade des « propos séditieux ». Avant cette condamnation il avait reçu en 1915, la Croix de guerre avec palmes pour plusieurs actes héroïques. Promu caporal, il reçut par trois fois une citation pour sa conduite exemplaire au combat. Il n’a pas été réhabilité. Fusillé le 12/06/1917 à Ventelay (51). Cultivateur, marié, père d’un enfant. Inhumé au cimetière militaire de Cormicy (51).
  • Sont fusillés le 20/06/1917 à Chacrise (02) : Charles Vally (soldat du 60e BCP, né le 08/02/1892 à Raon les Leau (54), fils de Charles Vally et de Marie Paradis. Condamné par le Conseil de guerre de la 77e division prononcé le 12/06/1917 pour crime de refus d’obéissance en présence de l’ennemi), Victor Alexandre Norbert Degouet (soldat au 159e RI, né le 25/12/1895 à Paris, opérateur au cinématographe, fils de Alexandre Degouet et de Félicie Evrard), Louis Flourac (soldat au 60e BCP, né le 05/07/1893 à Saint Ybars (09), cultivateur, fils de Joseph Flourac et de Rose Lacoste), Joseph Célestin Bonniot (du 97e RI, né le 22/02/1884 à Celles (38), fusillé le 20/06/1917 à Chacrise, boulanger, fils de Augustin Bonniot et de Léonie Chrétien, marié)19.
  • Arthur Nicolas Renauld (du 70e B.C.P., né le 05/12/1891 à St Amand les Eaux (59) et fusillé le 12/06/1917 à Ventelay (51). Mineur, marié, père d’un enfant. Matricule 2194 au recrutement de Valencienne classe 1911 (Source AD 59 : Volume 9 page 237)19.
  • François Marie Laurent du 247e régiment d’infanterie, originaire de Mellionnec est souvent cité comme ayant été exécuté « parce que ce Breton ne savait pas le français ». N. Offenstadt produit (page 41) le certificat du médecin militaire, le docteur Buy, qui le soupçonne de mutilation volontaire, alors qu’il est blessé à la main gauche. La contre-expertise de 1933 conclut que la pièce médicale du dossier est insuffisante pour prouver une mutilation volontaire. Il est réhabilité en 193425.
  • Le soldat Jules Allard, né à Nantes, est fusillé le 13 février 1917 à 24 ans22.
  • Sont également fusillés dans l’Aisne en 1917 : Pierre Gaston Lefèvre (né le 04/06/1897 à Morfontaine (54) et fusillé le 16/06/1917 à Soissons, cantonnier, fils de Jean-Baptiste Lefèvre et de Zoé Reder, condamné à mort le 09/06/1917 suite à la mutinerie de Mercin, par le Conseil de guerre de la 13e division pour révolte par prise d’armes sans autorisation et agissements contre les ordres des chefs), Albert Emilien Truton (soldat au 75e RI, né le 07/10/1895 à Le Mage (61) et fusillé le 16/06/1917 à Pargnan, cultivateur, fils de Constant Truton et de Françoise Maintenant, marié, père d’un enfant, Croix de guerre avec étoile de bronze, condamné à mort Suite à la mutinerie de Pargnan par le Conseil de guerre de la 27e division le 10/06/1917 pour refus d’obéissance, étant commandé pour marcher contre l’ennemi, inhumé au cimetière militaire de Cerny en Laonnois), Pierre Louis Joseph Ramette (du 273e RI, fusillé le 01/05/1917 à Longueval), Joseph Louis Ruffier (du 370e RI, né le 04/05/1884 à Lachassagne (69), fusillé le 06/07/1917 à Saint Pierre Aigle, inhumé au cimetière militaire de Vauxbuin), Henri Désiré Valembras (du 323e RI, cultivateur, né en 1887 à Avernes sous Exmes (61) et fusillé le 13/06/1917 à Craonne, inhumé au cimetière militaire de Pontavert), André Alfred Vasse (du 274e RI, né le 04/01/1893 à Graville (50), fusillé le 02/07/1917 à Paars), Simon Krief (du 4e régiment de zouaves, fusillé le 14/02/1917 à Pavant), Jean-Louis Lasplacettes (du 18e RI, né le 26/08/1887 à Aydius (64), fusillé le 12/06/1917 à Maizy, cultivateur, fisl de Michal Lasplacettes et de Anne Casebonne), Jean Claude Gaillet (du 417e RI, fusillé le 02/11/1917 à Juvigny), René Louis Brunet (du 20e BCP, fusillé le 10/06/1917 à Grisolles), Émile Paul Buat (du 21e BCP, fusillé le 10/06/1917 à Grisolles), Casimir Canel (du 18e RI, né le 01/03/1896 à Avesne les Comte (62), fusillé le 12/06/1917 à Maizy), Alphonse Robert Didier (du 18e RI, né le 07/04/1884 à Vagney (88), fusillé le 12/06/1917 à Maizy, employé de commerce, fils de Félicien Didier et de Marie Lecomte), Hassan Ben Salah Ben M’Bareck (du 8e régiment de tirailleurs, fusillé le 05/10/1917 à Droizy)19.

France, 1918

  • Le soldat Gillet est exécuté le 2 juin 1918. La Ligue des droits de l’Homme va accompagner pendant plusieurs années le père du fusillé pour obtenir, sans succès, sa réhabilitation. En août 1920 est décernée une décoration militaire posthume à Gillet13.
  • Sont également fusillés dans l’Aisne en 1918 : Charles Victor Robert (du 131e RI, fusillé le 04/01/1918 à Bouconville Vauclair, inhumé au cimetière militaire de Pontavert), Georges Gaillagot (du 49e RI, fusillé le 08/10/1918 à Allemant)19.

On constate, durant cette dernière année du conflit, un déclin des exécutions. Les commandements militaires comprenant mieux l’état mental des soldats provoqué par les conditions de vie en guerre notamment sous les bombardements

Notes et références

  1. ↑ Les fusillés de Fursac [archive].
  2. ↑ Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Odile Jacob, 1999, p. 21.
  3. ↑ Jean-Yves Le Naour, Fusillés : enquête sur les crimes de la justice militaire, 2010.
  4. ↑ Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Odile Jacob, 1999, p. 31.
  5. ↑ chiffres officiels donnés par le gouvernement fin juin 1917, voir H. Castex, op. cit. Guy Pedroncini évalue ces condamnations à mort entre 60 et 70. Ces chiffres ont récemment fait l’objet d’une réévaluation à la baisse : selon l’historien D. Rolland il y aurait eu environ 30 exécutions.
  6. ↑ Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Odile Jacob, 1999, p. 63.
  7. ↑ Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Odile Jacob, 1999, p 63 : Entretien de Offenstadt avec Jean Claude Pettelet petit-fils du fusillé.
  8. ↑ Question écrite n° 25440 publiée dans le J.O. du Sénat du 30 novembre 2006, p. 2983.
  9. ↑ Article L. 488 [archive] du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.
  10. ↑ Réponse du Ministère délégué aux anciens combattants publiée dans le J.O. du Sénat le 1er mars 2007, p. 454.
  11. ↑ Site anglais sur les fusillés [archive].
  12. ↑ Site canadien sur les fusillés [archive].
  13. a et b Nicolas Veysset, Fusillés de la grande guerre. Campagne de réhabilitation de la Ligue des droits de l’Homme 1914-1934.
  14. ↑ Fusillés de la Grande Guerre, SCÉRÉN-CNDP, 2011. http://www.cndp.fr/fileadmin/user_upload/POUR_MEMOIRE/fusilles/120106_PM-fusilles-grande-guerre.pdf [archive].
  15. ↑ D. Callabre et G. Vauclair, préface d’André Bach, Le fusillé innocent 1914-1917, Édition Autrement, octobre 2008, (ISBN 978-2-7467-1201-0).
  16. ↑ Article de Nord Éclair du 10/11/2011.
  17. ↑ Robert Attal et Denis Rolland, La justice militaire en 1914 et 1915 : le cas de la 6e armée.
  18. ↑ M. Nadaud et M. Pelletier, Il ne s’était pas rendu, Lieutenant Chapelant (1926) [archive].
  19. a, b, c, d, e, f, g, h et i La Lettre du Chemin des Dames, hors-série n°1 – « Au nom du peuple français…

 

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Quelques biographies 

 

Marcel Loiseau

Marcel Loiseau né en 1891 à Fontenelle-en-Brie et soldat au 106e RI et agent de liaison, est connu pour avoir été fusillé pour l’exemple pendant la Première Guerre mondiale

Les faits

En septembre 1914, lors d’une attaque à Vaux les Palameix (Meuse) près de Verdun, Marcel Loiseau est blessé. Il se rend à l’infirmerie quand il croise le capitaine Girard qui lui donne l’ordre de regagner les lignes malgré sa blessure. Le soldat, qui souffre, désobéit et rejoint l’infirmerie pour se faire soigner. Le capitaine Girard rédige un rapport et l’accuse de s’être mutilé volontairement. Le conseil de guerre condamne, le 11 octobre 1914, Marcel Loiseau à la peine de mort pour abandon de poste et mutilation volontaire. La sentence est exécutée le lendemain à Mouilly.

Réhabilitation

Le 17 mars 1922, la chambre criminelle de la Cour de cassation constatant qu’il n’y avait pas de charges suffisantes, réhabilitait le fusillé. Sa réhabilitation est due en partie à l’action de la Fédération de l’Aisne des associations de mutilés, veuves et anciens combattants

 

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Léonard Leymarie

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Léonard Leymarie (4 janvier 1880 à Seilhac — 12 décembre 1914 à Port-Fontenoy) est un militaire français de la Première Guerre mondiale. Cultivateur dans le civil, il était soldat de 2e classe dans le 305e régiment d’infanterie, 19e compagnie. Il est connu pour avoir été fusillé pour l’exemple pendant la Première Guerre mondiale.

Léonard Leymarie est né le 4 janvier 1880 au hameau de Champeil, commune de Seilhac, chef-lieu de canton du département de la Corrèze. Son père, Léonard Leymarie, âgé de 40 ans, et sa mère Marie dite Françoise Gaud, âgée de 37 ans, étaient cultivateurs. Il épouse, le 22 juin 1911, Marie Françoise Mialoux, cuisinière, née le 9 décembre 1884 à Chamboulive, domiciliée au Coudert, village de Chamboulive, alors résidant à Libourne (Gironde).

Incorporé à compter du 10 novembre 1901 au 2e bataillon de chasseurs à pied (B.C.P.), il arrive au corps le dit jour. Il est envoyé dans la disponibilité le 20 septembre 1902 étant devenu dispensé (il a un frère au service), en attendant son passage dans la réserve. Un certificat de bonne conduite (C.B.C.) lui est accordé. Il accomplit par la suite deux périodes d’exercice à Tulle, la première au 100e R.I. et la seconde au 300e R.I.. Rappelé en tant que réserviste par le décret de mobilisation générale, il est versé, le 12 août 1914, au 305e régiment d’infanterie (Riom).

Invité par ses camarades de tranchée à aller se faire soigner pour une blessure à une main, il est traduit devant le Conseil de guerre spécial de la 63e division d’infanterie pour abandon de poste en présence de l’ennemi par « mutilation volontaire », sur les données très contestables d’un simple rapport médical, acte pour lequel il avait toujours protesté de son innocence, ayant été blessé à la main à son poste de guetteur1.

A l’unanimité du jury, il est condamné à mort et aux dépens envers l’Etat le 12 décembre 1914. La minute du jugement n° 47 du Conseil de guerre permanent de la 63e division d’infanterie, séant à Saint-Bandry (Aisne), nous donne l’identité du président, le colonel Joseph Louis Marie Andlauer (1869-1956), commandant la 126e brigade d’infanterie, et des quatre juges (Roux, Ballay, Gignoux et Boucharie), tous nommés par le général Georges Louis Edmond Jullien (1858-1933) qui se trouve lui-même sous les ordres du général Etienne Godefroy Timoléon, comte de Villaret (1854-1931), commandant le 7e Corps d’armée. L’accusé est « inculpé d’abandon de poste devant l’ennemi. » Les circonstances de cet « abandon de poste » ne sont pas indiquées ; les déclarations de l’accusé, des témoins et de son défenseur – le maréchal des logis François Guillaume, du 14e dragons (dans le civil, avocat inscrit au barreau de Clermont-Ferrand) – ne sont pas non plus rapportées. Enfin, on ne trouve pas mention de sa blessure à la main.

C’est en vain que l’abbé François Rochias (1880-1961), aumônier de la division, est venu intercéder auprès du général Jullien la clémence pour le condamné. La sentence est exécutoire le jour même à 16h30 à Port-Fontenoy, sur les bords de l’Aisne gelée. Leymarie laissera une lettre dans laquelle il clame son innocence2.

Le même tribunal de guerre condamnera, le 12 décembre 1914, et fera exécuter, à trois kilomètres de là, par un autre peloton, Jean Grataloux (né le 9 décembre 1880 à Saint-Just-sur-Loire, Loire), soldat 2e classe au 238e R.I., accusé de mutilation volontaire.

Léonard Leymarie laisse deux enfants nés à Seilhac : André Louis (16 mars 1912) et Marie-Louise (5  octobre 1913), adoptés par la Nation (pupilles de la nation) par jugement du tribunal civil de Tulle daté du 23 octobre 1919. Pour survivre, Marie Françoise Mialoux quitte Seilhac trois mois après le drame. Elle s’installe à Tulle, au n° 1, impasse Saint-Martin, où elle exerce le métier de ménagère.

Réhabilitation et mention « Mort pour la France »

Léonard Leymarie aurait été réhabilité si l’on en croit sa fiche, visible sur le site S.G.A. / Mémoire des hommes3. Mais aucune date n’est donnée. C’est qu’en fait, sa réhabilitation a échoué malgré les efforts répétés de la Ligue des droits de l’Homme (L.D.H.) dans les années 1920 :

  • rejet, le 16 janvier 1922, de sa demande de réhabilitation par la Chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Limoges4,
  • confirmation par la Cour de cassation, le 7 juillet 1922, de l’arrêt rendu par Limoges,
  • échec de l’ultime recours transmis au ministère de la Justice en 1925.

En revanche, Leymarie a bien eu la mention « Mort pour la France » dont la création, postérieure à sa mort, remonte à la loi du 2 juillet 1915. Son acte de décès qui porte le numéro 99 a été rédigé à Ambleny (Aisne) le 19 décembre 1914 par le lieutenant officier de l’état civil du 305e R.I.. La transcription sur le registre d’état civil de Seilhac a été effectuée le 29 avril 1915 (acte n° 12). Cette mention a été inscrite rétroactivement sur les actes cités5. C’est le cas pour tous les militaires décédés entre août 1914 et l’entrée en vigueur de la loi de juillet 1915. Son attribution suit des critères bien précis. Le décès de Léonard Leymarie répond à deux d’entre eux : la mort est survenue en zone de guerre et il a été déclaré « tué à l’ennemi ». Cette ambigüité s’est poursuivie en 1919 puisque, dans les documents constituant le dossier des enfants pupillaires6, le père est dit « tué à Fontenoy » sans autre précision7. Et les juges du tribunal civil de Tulle n’ont pas cherché à en savoir davantage sous peine d’empêcher la veuve et les enfants de bénéficier des lois aidant les familles des militaires défunts.

Le corps de Leymarie repose au cimetière militaire d’Ambleny. Pourtant, jusqu’en 2008, le nom du fusillé est demeuré absent du monument aux morts de Seilhac inauguré le dimanche 19 décembre 19268. Il a fallu attendre l’année 1994 pour que le maire de Fontenoy inaugurât, en novembre, à proximité de l’église, une stèle en l’honneur du Corrézien et d’un autre malheureux, Lucien Bersot, né le 7 juin 1881 à Authoison (Haute-Saône) et fusillé pour avoir refusé de porter le pantalon couvert de sang d’un soldat mort sur le champ de bataille.

Le discours prononcé par le Premier ministre Lionel Jospin à Craonne le 5 novembre 1998 a ouvert des perspectives sur l’amnistie à accorder aux soldats fusillés pour l’exemple en 1917. Il a exprimé le souhait que ces militaires « réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale »9.

Michel Agnoux, secrétaire-adjoint de la section A.R.A.C. (Association républicaine des anciens combattants) de Saint-Jal, délégué à la Mémoire du Comité départemental, s’est battu sans relâche pour que la Nation répare l’outrage consécutif à la condamnation pour l’exemple du soldat Leymarie et l’outrage à sa mémoire qui s’en est suivi. Ses recherches ont commencé en 1999, après avoir lu l’ouvrage « Paroles de Poilus » où la lettre laissée par le condamné est reproduite10. Sa première évocation du sort du militaire seilhacois remonte au dimanche 9 novembre 2003 à Saint-Jal, dans le cadre des activités de l’Amicale laïque. Michel Agnoux n’a cessé, depuis, de réclamer l’inscription du nom du fusillé sur le monument de Seilhac.

2006-2008 : les mentalités évoluent

En 2006, le sénateur de la Corrèze Georges Mouly attire l’attention de M. Hamlaoui Mekachera, alors ministre délégué aux anciens combattants, sur les « fusillés pour l’exemple. » Il lui demande l’état de la réglementation actuelle quant à l’inscription du nom des fusillés pour l’exemple réhabilités sur les monuments aux morts des communes, où ils ne figurent pas11.
Dans sa réponse, le ministre rappelle que les noms des militaires fusillés pour l’exemple puis réhabilités peuvent être inscrits sur les monuments aux morts communaux, s’ils se sont vu attribuer la mention « mort pour la France ». Cette décision d’inscription incombe aux communes, sous la tutelle du préfet. Il n’existe toutefois aucune obligation d’inscription pour les communes.

L’article L. 488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre distingue cinq catégories de morts pour la France :

  • 1°) les militaires qui ont été tués à l’ennemi,
  • 2°) ceux qui sont morts de blessures de guerre,
  • 3°) les décédés de maladie contractée en service commandé en temps de guerre,
  • 4°) les victimes d’accident survenu en service,
  • 5°) ceux qui sont morts à l’occasion du service en temps de guerre 12.

Le 16 avril 2008, jour du 91e anniversaire du déclenchement de l’offensive du Chemin des Dames, le conseil général de l’Aisne vote symboliquement et à l’unanimité, un vœu invitant « la République française à prendre dans sa générosité […] la décision de reconnaître les soldats condamnés pour l’exemple comme des soldats de la Grande Guerre à part entière […] de façon que leurs noms puissent être légitimement inscrits sur les monuments aux morts des communes de France, à la demande de leurs familles ou des associations et collectivités concernées. »13. Le 20 octobre 2008, le conseil général du Doubs délibérera dans le même sens14.

Le 11 novembre 2008, le président de la République Nicolas Sarkozy profite des célébrations du 90e anniversaire de l’armistice de la guerre de 1914-1918 pour évoquer, au fort de Douaumont, les fusillés pour l’exemple : « … Quatre-vingt-dix ans après la fin de la guerre, je veux dire au nom de notre Nation que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches mais que, simplement, ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces… »15. La déclaration présidentielle est saluée, le 30 novembre suivant, par Denis Tillinac, chroniqueur à « La Montagne-Dimanche ». L’écrivain corrézien se dit satisfait qu’au nom du « devoir de mémoire », les soldats envoyés au « poteau d’infamie » soient désormais associés aux hommages publics que l’on rend aux héros anonymes de la Grande Guerre16.

La commune de Seilhac passe à l’acte en décidant de réparer l’injustice qui pèse sur son concitoyen fusillé et ses descendants. En 2008, un accord unanime du conseil municipal autorise l’inscription de Léonard Leymarie sur le monument aux morts dont la liste comptera désormais 93 noms. Une cérémonie spéciale est organisée le vendredi 12 décembre à l’initiative de la municipalité. Le maire Marc Géraudie y prononce un discours qui est suivi d’un dépôt de gerbe au nom de la commune17. Une délégation de l’Aisne participe à cet hommage. Le conseil général de ce département est représenté par le vice-président chargé de la culture, divers conseillers généraux dont ceux de Craonne et de Vic-sur-Aisne, des représentants de l’association « Soissonnais 14-18 »18.

Il faut savoir que le département compte trois autres Corréziens, tous fusillés en 1915 :

  • Mathieu Léon Gasparoux, né le 1er octobre 1886 à Meymac, fils de Louis, maçon, et de Françoise Goudenèche. Soldat 2e classe à la 21e compagnie du 300e régiment d’infanterie, il a été fusillé pour désertion à Villers-Bocage (Somme) le 30 juin 1915.
  • François Marsaleix, né le 17 novembre 1896 à Saint-Jal, fils de Martial et de Jeanne Besse, cultivateur. Chasseur à la 3e compagnie du 22e bataillon de chasseurs à pied, il a été exécuté le 22 octobre 1915 au camp de Tinfronce, près d’Aubure (Haut-Rhin) pour tentative de désertion.
  • Léon François Peyrical, né le 24 décembre 1880 à Albussac, fils de Géraud et de Marie Leymarie, cultivateur. Soldat 2e classe à la 2e compagnie du 47e régiment d’infanterie, il a été fusillé le 9 octobre 1915 à Saint-Thomas-en-Argonne (Marne) pour refus d’obéissance en présence de l’ennemi.

Seuls François Marsaleix et Léon François Peyrical ont leurs noms inscrits, dès l’origine, sur les monuments aux morts de leur commune de naissance respective. Tous trois n’ont jamais été reconnus comme « Morts pour la France ».

Depuis 2006, Seilhac a été la troisième commune en France à avoir fait inscrire, en connaissance de cause, le nom d’un soldat fusillé sur un monument aux morts. Seules deux communes l’avaient précédée dans ce devoir de mémoire :

  • Blangy-sur-Bresle (Seine-Maritime) où, le 11 novembre 2006, fut dévoilée sur le monument aux morts, une plaque du souvenir en l’honneur d’un enfant de l’assistance publique, André-Albert Lecroq, ouvrier verrier, soldat au 39e régiment d’infanterie, qui fut condamné à mort pour absence devant l’ennemi le 11 mai 1915 à Coulommes-la-Montagne (Marne) puis fusillé pour l’exemple, le 18 mai suivant, à Vrigny (même département)19.
  • Saint-Ybars (Ariège) où, le 20 juin 2007, la municipalité a fait ajouter sur son monument aux morts le nom de Louis Flourac, soldat du 60e bataillon de chasseurs à pied, fusillé 90 ans plus tôt, le 20 juin 1917 à Chacrise, dans l’Aisne, pour mutinerie organisée avec ses camarades20.

Depuis l’inscription de Léonard Leymarie sur le monument de Seilhac, trois autres communes ont suivi le mouvement :

  • Aydius (Pyrénées-Atlantiques), où, le 17 mai 2009, fut apposée, sur son monument aux morts, une plaque commémorative au nom de Jean-Louis Lasplacettes, soldat 2e classe du 18e régiment d’infanterie condamné à la peine capitale et passé par les armes le 12 juin 1917 à Maizy (Aisne) pour sa participation à une révolte de soldats survenue quelques jours plus tôt, à l’arrière du front, dans le village de Villers-sur-Fère21.
  • Saint-Michel-de-Chavaignes (Sarthe) où la municipalité fit graver sur le monument communal, le 11 novembre 2009, le nom de l’un des siens, Maurice Joubert, soldat au 115e régiment d’infanterie, fusillé à Suippes le 18 mars 1915 (Marne), deux jours après l’exécution sur les mêmes lieux de Maupas et des trois autres caporaux de Souain22.
  • Yvré l’Évêque (Sarthe) où, le 11 novembre 2010, fut ajouté sur le monument le nom d’Émile Lherminier, fusillé le 22 mai 1916 avec trois de ses camarades du 96e régiment d’infanterie, pour refus d’obéissance, à Roucy, dans l’Aisne23.

Notes et références

  1. ↑ Les Fusillés de la grande guerre, de Nicolas Offenstadt, 1999, p.127, 153, 223.
  2. ↑ Lettre publiée notamment dans Paroles de Poilus, 1998, p. 87-88.
  3. ↑ Ce site met à la disposition du public les bases de données réalisées à partir de la numérisation et de l’indexation de fiches biographiques des morts pour la France de la Grande Guerre qui sont conservées par le ministère de la Défense (http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr [archive]).
  4. ↑ Arch. dép. Haute-Vienne 3 U 919.
  5. ↑ Depuis cette loi, la mention marginale « Mort pour la France » est attribuée automatiquement à tous les combattants tués par l’ennemi.
  6. ↑ Archives départementales de la Corrèze, série U.
  7. ↑ . Il en est de même, dans son registre matricule (classe 1910, n° 1466) où est portée la mention « Tué à l’ennemi le 12 décembre 1914, à Port-Fontenoy » sans autre précision (Archives départementales de la Corrèze, série R).
  8. ↑ Annonce parue dans le journal La Croix de la Corrèze du dimanche 28 novembre 1926.
  9. ↑ Propos qui avaient fait scandale dans une partie de la classe politique à l’époque.
  10. ↑ Michel Agnoux s’est senti concerné par le sujet car il n’avait entendu parler ni de Léonard Leymarie alors qu’il avait enseigné au collège de Seilhac de 1968 à 1987, ni de sa veuve née au Coudert de Chamboulive où lui réside depuis 1958.
  11. ↑ Question écrite n° 25440 publiée dans le J.O. du Sénat du 30 novembre 2006, p. 2983.
  12. ↑ Réponse du Ministère délégué aux anciens combattants publiée dans le J.O. du Sénat le 1er mars 2007, p. 454.
  13. ↑ analyse de la session du Conseil général [archive]
  14. ↑ Délibération du conseil général du Doubs [archive]
  15. ↑ France Soir : Hommage de Nicolas Sarkozy aux fusillés [archive]
  16. ↑ « Inclinons-nous devant les innombrables héros anonymes de la Grande Guerre, ils méritent le témoignage de notre reconnaissance […] Mais n’oublions pas non plus leurs frères d’infortune, occultés, dénigrés ou méprisés par la mémoire collective. Ils ont combattu eux aussi pour la France, ils méritent sinon notre hommage, du moins notre respect… » (La Montagne-Dimanche, « Chronique du temps présent », 30 novembre 2008).
  17. ↑ Article de Jacky Durand du journal Libération [archive]
  18. ↑ Pour plus de détails, lire l’article du journal La Montagne publié le 2 décembre 2008 et un nouvel article paru article sur le blog ldh19.over-blog.com (http://ldh19.over-blog.com/article-25280615.html [archive].
  19. ↑ [1] [archive]
  20. ↑ après l’échec de l’offensive Nivelle sur le Chemin des Dames Soirée conférence à la mémoire de Louis Flourac [archive]

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Félix Baudy

Félix François Louis Baudy, né le 18 septembre 1881 à Royère-de-Vassivière, et mort le 20 avril 1915 à Flirey, est un soldat fusillé pour l’exemple pendant la Première Guerre mondiale, incorporé au 63e RI, 5e Cie.

Félix Baudy est un militant du syndicat des maçons et aides de Lyon de la Confédération générale du travail fondée à Limoges en 1895. C’est un maçon de la Creuse travaillant sur les chantiers de Lyon. Il a été fusillé pour l’exemple le 20 avril 1915 à Flirey, suite au refus collectif de sa compagnie de remonter à l’assaut de la crête de Mort-Mare1.

Circonstances de la peine

Le 19 avril 1915, une attaque devait avoir lieu à Mort-Mare (5 km sud de Thiaucourt), afin d’enlever une tranchée encore occupée par les Allemands au centre d’une première ligne conquise quelques jours plus tôt avec la perte de 600 hommes. Les troupes d’assaut avaient été tirées au sort et le hasard avait désigné l’une des compagnies fortement malmenées les 3, 4 et 5 avril lors des combats sur la route de Thiaucourt.

Au signal de l’attaque cette compagnie de 250 hommes refuse de partir à l’assaut et de quitter la tranchée : « ce n’est pas notre tour d’attaquer » disent-ils. Quelques instants auparavant, parmi les quinze hommes qui venaient de sortir de la tranchée douze avaient été tués ou blessés et restaient là, sous les yeux de leurs compagnons2.

Le général Delétoile ordonne que les 250 soldats passent en cour martiale pour délit de lâcheté afin d’être exécutés. Après l’intervention d’autres officiers, cinq hommes sont finalement désignés et comparaissent, pour une parodie de procès. L’un d’eux est acquitté. Deux hommes ont été choisis par tirage au sort dont le soldat François Fontanaud de Montbron en Charente. Les trois autres : le caporal Antoine Morange né à Champagnac-la-Rivière en Haute-Vienne, les soldats Félix Baudy de Royère-de-Vassivière et Henri Prébost né à Saint-Martin-Château dans la Creuse et lui aussi ouvrier maçon à Villeurbanne, ont été désignés par leurs supérieurs en raison de leur appartenance syndicale à la CGT. Le général Joffre de passage dans le secteur aurait refusé sa clémence exigeant la plus grande sévérité à l’égard de la compagnie.

Le 20 avril, le caporal Antoine Morange, les soldats Félix Baudy, François Fontanaud et Henri Prébost sont fusillés à la lisière d’un bois de Manonville.

Les fusillés pour l’exemple de Flirey s’ajoutent à ceux de Vingré, Fontenoy, Fleury, Mouilly, Montauville… En quatre ans, 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 600 exécutés3, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés.

Réhabilitation

Très peu, environ une quarantaine sur 600, dont Félix Baudy et ses compagnons de malheur, ont été rétablis dans leur honneur dans les années 1920 ou 1930. Félix Baudy et ses trois compagnons ont été réhabilités en 1934.

Mémoire

La sépulture de Félix Baudy se situe dans le cimetière communal de Royère-de-Vassivière où une plaque, réalisée par ses amis maçons, y est posée avec cette inscription: « Maudite soit la guerre – Maudits soient ses bourreaux – Baudy n’est pas un lâche – Mais un martyr ». Cette plaque a été rénovée en 2005 à l’initiative du comité laïque des amis du monument de Gentioux 4. Son nom est aussi inscrit sur le monument aux morts de la commune5.

Chaque 11 novembre des militants de divers horizons viennent déposer une gerbe sur la tombe de Félix Baudy dans le cimetière de Royère-de-Vassivière, après s’être recueillis devant le monument aux morts pacifiste de Gentioux.

Notes et références

  1. ↑ Mémorial GenWeb [archive]
  2. ↑ Les crimes des conseils de guerre de RG Réau 1926 Page 324
  3. ↑ Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Nicolas Offenstadt, Odile Jacob, 1999, p. 21
  4. ↑ Information GenWeb [archive]
  5. ↑ Information GenWeb [archive]

 

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Lucien Bersot

Le cas Lucien Bersot fut l’un des plus médiatisés parmi les soldats fusillés pour l’exemple pendant la Première Guerre mondiale. Son histoire a été reprise dans de nombreux ouvrages et adaptée à la télévision.

Le soldat Bersot

Lucien Jean Baptiste Bersot naît le 7 juin 1881 à Authoison (Haute-Saône) dans une famille de petits paysans. Ses parents étant venus s’installer à Besançon, Lucien y apprend le métier de maréchal-ferrant et s’y marie en 1908 avant de devenir père d’une petite fille en 1909.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il est mobilisé au 60e régiment d’infanterie, régiment avec lequel il se trouve pendant l’hiver 1914-1915 sur le front de l’Aisne, et qui vient de subir de lourdes pertes du côté de Soissons. Cependant, l’État-major jugeant ce régiment peu actif venait d’en confier le commandement, le 22 janvier 1915, au lieutenant-colonel Auroux, un ancien des troupes d’Afrique, chargé de lui rendre du mordant.

L’affaire

Comme il n’y avait plus en magasin de pantalon à sa taille, Lucien Bersot ne pouvait porter que celui en toile blanc fourni avec le paquetage remis lors de l’incorporation. Grelottant de froid dans les tranchées, il demanda le 11 février 1915 au sergent-fourrier un pantalon de laine identique à ceux que portaient ses camarades. Le sergent lui proposa alors un pantalon en loques et maculé de sang, pris sur un soldat mort, ce que Bersot refusa.

Pour ce refus, Lucien Bersot se vit infliger une peine de huit jours de prison par le lieutenant André. Mais le lieutenant-colonel Auroux, commandant du régiment, estima cette punition insuffisante et demanda sa comparution en Conseil de guerre spécial, véritable Cour martiale. Comme de nouvelles recrues encore non aguerries venaient d’arriver, son intention était manifestement de faire un exemple de discipline militaire.

Traduit pour « refus d’obéissance » le 12 février 1915 devant le Conseil de guerre « spécial » du régiment, présidé par Auroux, Bersot y fut condamné à mort. La peine infligée ne correspondait alors nullement au code de justice militaire car le délit avait été constaté à l’arrière et non au contact de l’ennemi. Deux compagnons du condamné (Elie Cottet-Dumoulin et Mohn André) intervinrent alors auprès du lieutenant-colonel pour tenter d’adoucir la sentence, mais ne furent pas entendus et se virent punis à leur tour de travaux forcés en Afrique du Nord. D’autres encore refusèrent de tirer sur leur camarade lors de son exécution qui eut lieu dès le lendemain (13 février 1915 à Fontenoy (Aisne1)) car les Conseils de guerre « spéciaux », contrairement aux Conseils de guerre « ordinaires », n’autorisaient aucune procédure d’appel.

Les suites

Après la guerre, une campagne de presse fut engagée par le journal Germinal sous la plume d’un jeune avocat, René Rucklin, conseiller général de Belfort. Soutenue par la Ligue des droits de l’homme, cette initiative permit d’obtenir la réhabilitation de Lucien Bersot dès le 12 juillet 1922. La Cour de cassation ne pouvait que statuer rapidement pour confirmer l’injustice dont fut victime le fusillé Bersot. Grâce à cette réhabilitation, sa veuve put prétendre à la pension de veuve de guerre et sa fille put être reconnue comme pupille de la nation.

Le colonel Auroux fut mis en cause pour avoir agi en toute illégalité, étant à la fois l’accusateur et le président du Conseil de guerre, et faisant infliger une peine sans commune mesure avec la faute (violation de l’article 24 du Code de justice militaire constatée par la Cour d’appel de Besançon, le 10 avril 1922). À l’Assemblée nationale, le député Louis Antériou, ancien combattant et futur ministre des Pensions, interpella le Gouvernement pour demander sa condamnation, mais André Maginot, ministre de la Guerre, repoussa la discussion sous le prétexte d’une campagne antimilitariste. Auroux, protégé par Maginot et par la hiérarchie militaire, échappa à tout jugement jusqu’à l’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches, où il fut mis à la retraite en 1924 sans pouvoir obtenir le grade de général qui lui serait revenu sans ces évènements2. Il avait, auparavant, été fait Commandeur de la Légion d’honneur 3.

Lucien Bersot fut ré-inhumé en 1924 dans le cimetière de Besançon. Une stèle située à proximité de l’église de Fontenoy (Aisne), inaugurée en novembre 1994, rend hommage à Lucien Bersot et à un autre fusillé pour l’exemple : le soldat Léonard Leymarie du 305e régiment d’infanterie, exécuté le 12 décembre 1914 sous le prétexte de « mutilation volontaire » (sur les données d’un rapport médical), acte pour lequel il avait toujours protesté de son innocence (il avait été blessé à la main à son poste de guetteur ; or de nombreux cas de mutilation volontaire consistaient à tenir une cigarette allumée dans le creux de la main tendue par-dessus le parapet de la tranchée). Leymarie a été réhabilité en 1923.

La municipalité a récemment décidé d’apposer une plaque à l’entrée de la Maison du Peuple, 11, rue Battant. Cette plaque, inaugurée le 11 novembre 2009, honore la mémoire de Lucien Bersot et celle d’un autre poilu, Elie Cottet-Dumoulin, ouvrier ferblantier de Battant, condamné à dix ans de bagne pour avoir protesté contre la sanction qui frappait son camarade de régiment. Ce soldat est mort en Orient ( Serbie ) en 1917.

Une rue de Besançon porte le Nom de Bersot, mais elle honore la mémoire d’un bienfaiteur de Besançon ( François Louis Bersot ) .

Récits et adaptations

Le destin tragique de Lucien Bersot a été conté dans un livre d’Alain Scoff, Le Pantalon, paru en 1982 chez Jean-Claude Lattès et réédité en 1998.

Il donna également lieu à un téléfilm d’Yves Boisset, diffusé sur France 2 en 1999 et portant le même titre.

Notes et références

  1. Fiche Mort pour la France SGA – Mémoire des hommes – Morts pour la France [archive]
  2. Le téléfilm d’Yves Boisset prétend par erreur qu’Auroux obtint ses étoiles.
  3. R.-G. Réau, Les crimes des conseils de guerre, page 176, Éditions du Progrès Civique, Paris, 1925

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Joseph Dauphin

Joseph Dauphin, né à Tauves dans le Puy-de-Dôme le 10 février 1882, et mort le 12 juin 1917, est un soldat fusillé pour l’exemple par l’Armée française durant la Première Guerre mondiale.

Joseph Dauphin est né dans une famille de 10 enfants. Marié, père d’un enfant, le paysan Dauphin se trouvait incorporé dès le mois d’août 1914 au 70e bataillon de chasseurs à pied. Vaillant soldat, il reçut, dès 1915, la Croix de guerre avec palmes pour plusieurs actes héroïques, entre autres avoir ramené sur ses épaules un lieutenant gravement blessé près des barbelés de la tranchée ennemie ou bien encore avoir tenu une position jusqu’à épuisement de ses cartouches. Promu caporal, il reçut par trois fois une citation pour sa conduite exemplaire au combat.

Les faits

En juin 1917, après l’effoyable hécatombe de printemps sur le Chemin des Dames et les permissions étant refusées à son bataillon, Joseph Dauphin et plusieurs soldats qui l’accompagnaient ramassèrent une cuite mémorable. Sous l’effet de l’alcool (dont l’armée n’était pas avare) et sans trop savoir ce qu’ils faisaient, ils auraient tiré quelques coups de fusil et lancé à la cantonade des propos séditieux. Un fois dégrisé et conscient d’avoir fauté, Dauphin s’attendait à récolter quelques jours de prison, mais à sa grande surprise et sans vraiment comprendre, ses supérieurs l’envoyèrent devant le Conseil de guerre.

Seul gradé parmi les hommes interpellés et pour avoir chanté un peu fort J’ai deux grands bœufs dans mon étable (version contredite par l’accusation qui l’accusait d’avoir crié : A bas la guerre, vive la Révolution ! A bas Poincaré, vive la Russie !), le caporal Dauphin, considéré comme meneur dans la vague des mutineries de 1917, fut condamné à mort et fusillé le 12 juin 1917 à la ferme de Fété, près de Ventelay dans l’Aisne. François Brugière, son camarade de Tauves, vraisemblablement impliqué dans la même séance de beuverie et désigné pour faire partie du peloton d’exécution, refusa de tourner son fusil contre Joseph. Condamné à 10 ans de travaux forcés, il fut envoyé au bagne de Chief (ex-Orléanville) où il mourut d’épuisement le 12 février 1918. Joseph Dauphin, quant à lui, repose dans la nécropole de la Maison Bleue à Cormicy dans la Marne : tombe n° 8841.

Tentative de réhabilitation

Malgré de nombreuses campagnes de presse, il n’a jamais été réhabilité (toute requête de demande en révision étant jugée irrecevable par la justice après 1928). Sur les ondes de France-Inter, le journaliste Daniel Mermet a, pour sa part, consacré plusieurs émissions de Là-bas si j’y suis au cas du caporal Dauphin. C’est aussi dans la pensée de ces hommes injustement condamnés par la justice militaire que le Premier Ministre socialiste Lionel Jospin prononça, le 5 novembre 1998, son discours de Craonne, demandant qu’ils retrouvent leur place dans la mémoire collective, discours qui fit ressurgir de vieilles polémiques avec la droite française sans parvenir à trancher les désaccords sur le sujet toujours controversé des fusillés pour l’exemple.

Le nombre de soldats réhabilités pour toute la durée de la guerre, une quarantaine en tout, peut paraître relativement faible par rapport à l’ensemble des exécutions de la période 1914-1918 (environ 600, compte non tenu des exécutions sommaires sans jugement, dont un siècle de silence a maintenant effacé toute trace). Il s’explique en grande partie par le faible nombre des demandes de révision déposées, la majeure partie des familles de condamnés n’ayant pas jugé bon de donner suite pour des raisons diverses : hontes soigneusement cachées, difficultés pour constituer des dossiers solides et retrouver des témoignages, manque de moyens financiers, dépôts trop tardifs des demandes, omnipotence des autorités administratives et militaires, etc.

Notes et références

  1. Mémorial GenWeb [archive]

Source : WIKIPEDIA

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Exécuté sur son brancard !

Réhabilitez le lieutenant Chapelant fusillé pour l’exemple en 1914

Les crimes des Conseils de guerre : Chapelant texte de 1925

Les crimes des Conseils de guerre : Les quatre caporaux de Suippes texte de 1925 

Les crimes des Conseils de guerre : Vingré texte de 1925

D’autres noms pour l’exemple

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